La France prépare-t-elle des guerres de conquêtes pour compenser son déclin ?
Contribution de Mesloub Khider – La France doit sa grandeur essentiellement à son armée. Absolument pas à son industrie. Historiquement, la France s’est bâtie par la force de ses baïonnettes et de ses navires de guerre. Non à la force du poignet industrieux de ses entreprises. Elle n’a jamais brillé par sa haute technologie industrielle. Mais par ses hauts faits de guerres de conquêtes, de rapines, de pillages.
Contrairement à l’Allemagne, fondée sur la grandeur de sa puissante industrie. Si la puissance de cette dernière s’appuie sur la défense de son industrie, la France érige sa puissance sur l’industrie de sa défense, autrement dit de son armée, par extension de son complexe militaro-industriel. L’Etat français se fonde sur une perpétuelle conquête territoriale. Dès sa naissance dans le petit périmètre parisien, il s’est lancé dans une permanente entreprise d’extension territoriale, une politique de guerre d’occupation. D’abord, par la conquête des territoires du sud, l’Occitanie, ensuite les autres régions hexagonales, notamment la Bretagne. Plus tard, sa politique impérialiste s’est étendue à l’échelle internationale, par ses entreprises esclavagistes et conquêtes coloniales.
Ainsi, la France s’est toujours distinguée par le surdéveloppement de son industrie militaire (aujourd’hui septième puissance mondiale, cependant classée troisième exportatrice d’armes), sur laquelle repose sa puissance. Son industrie nucléaire, civile et militaire renforce également son hégémonie. Ce faisant, l’industrie militaire et le nucléaire demeurent ainsi le fondement du régime contemporain.
Ironie de l’histoire, la nation des «droits de l’Homme» demeure le pays impérialiste le plus militarisé du monde. Force donc est de relever que, depuis des siècles, le militarisme de la France a toujours constitué une expression d’une politique de compensation, par la violence militaire, de ses faiblesses économiques. La force brute de ses conquêtes coloniales anciennes comme celle de ses interventions impérialistes contemporaines lui servent d’adjuvants pour maintenir son rang de puissance mondiale, préserver ses intérêts économiques, notamment dans ses chasses gardées.
Nul doute, la politique agressive interventionniste française a pour dessein de compenser sa faiblesse économique. En proie à une très forte désindustrialisation, au déclassement économique, la France est réduite à s’octroyer par la force armée les moyens de ses ambitions impérialistes. Tout se passe comme si les engagements militaires de la France constituent l’unique programme politique pour préserver ses positions géostratégiques, son rang de puissance mondiale.
Aujourd’hui, la France se prépare-t-elle à de nouvelles guerres de conquêtes pour surmonter son déclassement économique, sa décadence politique et culturelle ? A lire les déclarations des hauts gradés militaires français, tout indique que la France fourbit ses armes pour des interventions impérialistes de grande ampleur.
Comme l’a déclaré le chef des armées françaises, Thierry Burkhard, au journal The Economist, la France mobilise son armée en vue «de conflits de haute intensité». Autrement dit, des conflits d’Etat à Etat. Son confrère, le général Vincent Desportes, dans une interview accordée au journal numérique Atlantico, confirme ces orientations militaristes : «Je crois qu’aujourd’hui il serait déraisonnable de ne pas imaginer une guerre beaucoup plus vaste et beaucoup plus violente, engageant beaucoup plus de moyens que les conflits que nous conduisons depuis la fin de la Guerre froide.» (…). «Les guerres de demain ne seront pas les guerres du terrorisme, c’est une parenthèse qui va se refermer et les guerres de demain seront probablement des guerres interétatiques qui pourront être extrêmement violentes, même si probablement pas très longues ; il faut donc que l’armée française s’y prépare. (…)» «Il faut que l’armée française retrouve des capacités d’engagement beaucoup plus massives. Aujourd’hui, l’armée française serait incapable d’engager une division – pas un corps d’armée – capable de manœuvrer, et c’est pour ça que cet exercice (Orion, ndlr) vise à redonner à l’armée française l’habitude à engager et commander des moyens sur de vastes espaces et des durées longues.»
Des exercices de combat de grande ampleur sont déjà à l’œuvre, notamment au travers de l’opération «Orion» visant à préparer l’hypothèse d’un engagement majeur (HEM), selon la terminologie polémologique française. L’exercice Orion se caractérise par le déploiement de toutes les capacités militaires françaises à une échelle inégalée depuis des décennies. L’opération compte mobiliser plusieurs milliers de soldats. Outre les troupes au sol, l’armée de l’air et la marine participeront également aux exercices de combat. Actuellement, la France dispose de 5 100 soldats au Sahel dans le cadre de l’opération Berkhane. Or, pour assurer le succès des futures opérations militaires, la France compte augmenter ses forces armées pour atteindre 25 000 soldats.
Si, au cours des dernières décennies, pour justifier ses interventions militaires, la France invoquait le prétexte de la lutte contre le terrorisme, désormais, avec l’épuisement de cet alibi devenu inopérant à force d’instrumentalisation outrancière, d’autres mobiles seront allégués pour légitimer ses guerres de conquêtes.
Sans attendre, pour ces préparatifs de guerre, l’Etat français a constitué plusieurs groupes d’experts pour étudier toutes les éventualités. Notamment la question de l’acceptabilité par les citoyens d’un nombre élevé de morts, jamais égalé depuis la Seconde Guerre mondiale. A cet égard, les pays ciblés par cette «guerre de haute intensité» ne sont pas nommément désignés. Cependant, tous les experts s’accordent pour citer la Russie, la Turquie ou un pays d’Afrique du Nord (serait-ce l’Algérie : intervention militaire française épaulée par des troupes supplétives marocaines, aidée en arrière par Israël, nouvel allié du roi VI ?).
Curieusement, d’aucuns vantent le pacifisme de Macron. Or, sous sa présidence, les dépenses militaires auront augmenté de 46%, passant de 32 milliards en 2017 à plus de 50 milliards d’euros à l’issue de son mandat. Bien éloigné du prétendu renouvellement démocratique claironné par Macron, ce dernier a imprimé une dimension militariste à son régime, par l’augmentation exponentielle du budget de l’armée (confirmant la préservation de la centralité du complexe militaro-industriel, fleuron de l’impérialisme français) et le durcissement autoritaire du pouvoir, matérialisé par la militarisation de la société, inaugurée par la répression sanglante du mouvement des Gilets jaunes, parachevée par la dictature sanitaire instaurée à la faveur de l’apparition de la pandémie du Covid-19. L’ère de la guerre totale est ouverte. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Hitler avait déclaré, en guise de justification de l’entrée en guerre de l’Allemagne étranglée par le blocus économique imposé par les Alliés, assoiffée d’espace vital lucratif : «L’Allemagne doit exporter ou périr.» La France semble renouer avec cet agenda militariste : «La France doit conquérir ou périr.»
M. K.
Comment (48)