Réunion de Rachad à Antalya : démenti ambigu de l’ambassadrice de Turquie
Par Nabil D. – L’ambassadrice de Turquie à Alger, Mahinur Özdemir Göktaş, a réagi à l’information relative à une réunion qui a eu lieu entre des représentants du mouvement islamiste Rachad et des responsables turcs à Istanbul et Antalya, sans toutefois la démentir clairement. «Les allégations selon lesquelles la Turquie s’efforce d’interférer sur la scène politique algérienne et aurait agi en faveur de certains éléments ne reflètent nullement la vérité», indique un communiqué rendu public ce dimanche. L’ambassadrice ajoute que «ces allégations cherchent à porter atteinte aux relations entre les deux pays, amis et frères».
«Il est évident que les auteurs de cette propagande mensongère et de ces fausses rumeurs, qui visent à brouiller l’évolution positive des relations chaleureuses et amicales entre la Turquie et l’Algérie, ne tiennent pas compte de la profondeur des liens fraternels entre les deux pays», ajoute le communiqué signé par la représentante turque. «Ces relations bilatérales, poursuit l’ambassadrice de Turquie, qui se développent dans tous les domaines sur la base du respect mutuel ainsi que les liens sincères remontant à plusieurs siècles entre les peuples des deux pays, sont suffisamment forts et puissants au point de faire échouer toutes les initiatives négatives qui tenteront de nuire à ces relations.» ²
S’en prenant aux médias qui ont relayé l’information sur la réunion en question, Mahinur Özdemir Göktaş les invite à «revérifier leurs sources d’information, montrer une vigilance accrue quant à la publication d’informations spéculatives et infondées, et agir dans le respect de la déontologie journalistique».
L’ambassade de Turquie ne dément pas la tenue d’une réunion entre Rachad et des responsables turcs et ne fait que révoquer en doute le fait qu’Ankara «interfère» dans les affaires internes de l’Algérie et «agit en faveur de certains éléments» (sic). Or, ce n’est pas la première fois que les activités suspectes de l’organisation codirigée par Larbi Zitout et Mourad Dhina à partir de Turquie ont été démasquées par de nombreuses sources crédibles.
Le démenti équivoque de l’ambassadrice de Turquie intervient au lendemain de l’appel adressé par l’ambassadeur d’Algérie à Ankara aux hommes d’affaires turcs, les invitant à investir en Algérie. Il coïncide également avec l’annonce de la fourniture par la Turquie de drones de type Bayraktar TB-2 et leurs équipements au sol au Maroc. «De quoi renforcer son armement face à l’Algérie et le Polisario qui représenteraient une menace pour le royaume», relèvent les médias du Makhzen, qui se réfèrent à une information rapportée par Africa Intelligence, selon lequel «quatre stations de contrôle au sol ont été également commandées pour diriger les opérations».
Des sources concordantes avaient indiqué en août 2020 que la dizaine de membres de l’organisation islamiste s’étaient également réunis en conclave en Turquie. Ces mêmes sources précisaient que le chef de file de ce mouvement se trouvait dans le sud de la Turquie où il s’était réuni avec des éléments des services secrets turcs et des figures de proue de la secte des Frères musulmans entretenus par Ankara et Doha.
Parmi les personnes rencontrées par Larbi Zitout, sous les auspices des services secrets de Recep Tayyip Erdogan, le leader islamiste libyen Ali Al-Salabi, directeur de la chaîne Ahrar Libya, qui émet à partir d’Istanbul et dont Rachad veut s’inspirer pour créer la sienne. Zitout avait également rencontré Azmi Bishara, le théoricien du «printemps arabe», ancien membre de la Knesset israélienne et proche conseiller des émirs du Qatar, père et fils. Azmi Bishara dirige la chaîne-miroir d’Al-Jazeera, Al-Araby et le journal éponyme et l’Egyptien Ayman Nour, soutien de Mohamed Morsi et propriétaire de la chaîne Al-Sharq, elle aussi basée en Turquie.
Le mouvement Rachad faisait aussi partie des dix organisations qui avaient été «convoquées» par l’AKP à Istanbul en avril 2011, à l’occasion d’un conciliabule qui avait été couronné par une déclaration qui légitimait la «révolution arabe populaire pacifique», et appelait au «droit de tous les peuples arabes à la liberté, à la justice et au choix de leur gouvernement» et – comble de l’ironie – condamnait «toute ingérence étrangère». Neuf ans plus tard, les représentants de cette mouvance applaudissaient à l’unisson la décision d’Ankara d’envoyer des troupes au sol en Libye et assuraient à la démarche expansionniste flagrante d’Erdogan une propagande effrénée.
N. D.
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