L’islamologue Razika Adnani : «L’Algérie frappée par la malédiction islamiste ?»
Par Houari A. – L’islamologue Razika Adnani a réagi à la condamnation du théologien Saïd Djabelkhir à trois ans de prison, dans une tribune intitulée «L’Algérie est-elle frappée par la malédiction ?» La philosophe dénonce cette décision de la justice algérienne rendue contre le penseur «pour avoir exprimé des idées au sujet de l’islam, qui ne sont pas en accord avec celles de certaines personnes croyant détenir le monopole de la parole divine».
«En Algérie, on juge la pensée dans les tribunaux et on y décide ce qui est vrai et ce qui est faux dans le domaine des idées, projetant le pays des siècles en arrière», s’insurge la philosophe, selon laquelle «ce verdict condamnant la pensée libre révèle à quel point l’Algérie est menacée par la montée de l’obscurantisme et du totalitarisme islamiques qui veulent imposer une seule vérité, une seule vision de la société et du monde, et un seul système d’idées, le leur». Pour elle, «si les islamistes ont réussi à déposer une plainte contre la pensée, au nom de la religion, et porter atteinte à la liberté de conscience et d’expression, c’est parce qu’ils ont réussi à avoir les textes juridiques qui leur ont permis de le faire».
Razika Adnani regrette que les Algériens «qui se sont dit choqués» par un tel verdict n’aient pas réagi pour «défendre la liberté de conscience et les droits de l’Homme lorsqu’ils ont été supprimés de la Constitution lors de la dernière révision en novembre dernier». «Les islamistes qui agissent sur les textes juridiques savent ce qu’ils font», affirme-t-elle, en ajoutant que «les Algériens qui se sont mobilisés pour soutenir Saïd Djabelkhir […] ne l’ont pas fait pour la liberté de conscience en tant que droit, valeur et concept».
Et de s’interroger : «L’Algérie est-elle frappée par la malédiction islamiste qui se manifeste à chaque fois qu’elle exprime le désir de construire un Etat de droit, de justice, de liberté et d’égalité, pour l’en empêcher, et qu’elle effectue un pas en avant pour la tirer en arrière ?» «Ou est-elle minée par l’incapacité des démocrates et des modernistes à s’organiser, à tracer des programmes clairs et efficaces, et à défendre l’Algérie ?» se demande-t-elle encore. «Dans une telle situation, déplore-t-elle, il est normal de s’inquiéter pour l’avenir de l’Algérie, d’autant plus qu’une grande partie des Algériens ne savent regarder que vers le passé quand d’autres peuples se projettent dans l’avenir.»
L’islamologue s’inquiète, enfin, de ce que «seuls les conservateurs, les salafistes et les ennemis de la pensée et de la raison existent pour [les Algériens]».
H. A.
Comment (59)