Intriguant lien entre l’appel des généraux à Macron et un fait survenu à Alger
Par Mohamed K. – Des observateurs avisés n’ont pas manqué de faire le parallèle entre la tribune d’une vingtaine de généraux français, suivis par une centaine de hauts-gradés et un millier d’autres militaires, et un événement survenu à Alger cinquante ans auparavant, jour pour jour. La date a-t-elle été choisie de façon préméditée ? Est-ce une sorte de message subliminal pour rappeler à Emmanuel Macron la «félonie» d’un «quarteron de généraux» subie par De Gaulle en 1961 ?
Selon ces observateurs, «ces généraux n’ont pas choisi la date du 21 avril par hasard pour lancer cet appel, en ce sens qu’il correspondait à la même date du coup d’Etat des généraux en 1961 en Algérie, ce qui prouve qu’en citant les musulmans et les jeunes des cités, ce sont ces derniers qui sont visés par l’appel diffusé à travers Valeurs Actuelles».
«L’heure est grave, la France est en péril, plusieurs dangers mortels la menacent. Nous qui, même à la retraite, restons des soldats de France, ne pouvons, dans les circonstances actuelles, demeurer indifférents au sort de notre beau pays», ont écrit les hauts gradés français dont l’initiative a été perçue quasiment comme un «coup d’Etat» dénoncé par les partis proches du pouvoir et applaudi par le Rassemblement national de Marine Le Pen qui a invité les signataires à rallier son camp dans la perspective de la présidentielle de 2022.
Le 21 avril 1961, une tentative de coup d’Etat était fomentée par une partie des militaires de carrière de l’armée française en Algérie, et conduite par quatre généraux cinq étoiles, Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller, lesquels déclenchèrent cette opération en réaction à la politique choisie par Charles de Gaulle qu’ils considéraient comme une politique d’abandon de l’Algérie française. D’autres généraux avaient également pris part à la tentative de putsch, dont les généraux Gardy et Faure, mais peu cités dans les récits historiques relatifs à cet épisode de la colonisation française.
Les généraux qui ont adressé une sorte d’avertissement au locataire de l’Elysée et à son gouvernement dénoncent ce qu’ils qualifient de «délitement» qui frappe la France, «à travers un certain antiracisme» qui «s’affiche dans un seul but : créer sur notre sol un mal-être, voire une haine entre les communautés», en pointant notamment «l’islamisme et les hordes de banlieue» et «des individus infiltrés et encagoulés» dans les manifestations et qui «menacent [les] forces de l’ordre». Les signataires de l’appel exhortent «ceux qui dirigent» la France à «impérativement trouver le courage nécessaire à l’éradication de ces dangers», les accusant de faire preuve de «faiblesse» dans l’application des lois «qui existent déjà».
Les officiers auteurs de l’appel mettent en garde contre le «laxisme» qui, s’il «continue à se répandre inexorablement dans la société […] provoquera, au final, une explosion et l’intervention de nos camarades d’active (l’armée, ndlr) dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national». Algeriepatriotique révélait, en 2014, l’existence d’un Mémento sur la défense militaire terrestre en vigueur depuis 1992, en France, qui définit les prérogatives et la participation des armées aux missions de défense civile, mais qui peuvent être élargies à la gestion des situations de crise internes, telles que les états d’exception – état d’urgence, état de siège, etc. – et aux cas de «menaces» qui nécessitent l’intervention de l’armée.
Le document énumère les formes de menaces «auxquelles la France pourrait avoir à faire face sur le territoire national». En tête, figurent «des désordres graves sur le territoire national sans intervention extérieure, mettant en cause la continuité de l’action gouvernementale, la vie économique de la nation ou la sûreté et la liberté d’action des forces armées». Des sources au fait des règlements de l’armée française avaient souligné que ce dernier cas de figure concerne directement les banlieues et les quartiers dits difficiles où la police est souvent «bannie».
Si le Mémento de l’armée française fait allusion à une menace terroriste, le gouvernement n’a nullement besoin d’attendre que le terrorisme s’installe pour décréter l’état d’urgence, en application de la loi n° 55-385 du 3 janvier 1955 (modifiée par la loi n° 55-1080 du 7 août 1955 et l’ordonnance n° 60-372 du 21 avril 1960). «L’état d’urgence, lit-on dans le Mémento, peut être déclaré sur tout ou partie du territoire : soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ; soit en cas d’événements présentant le caractère de calamité publique.»
Tout y est dit. Il suffit que le gouvernement décide qu’une situation déterminée constitue «un péril imminent» pour déclarer l’état d’urgence et faire intervenir automatiquement l’armée, y compris pour le rétablissement de l’ordre, comme cela est explicitement spécifié dans le document. Et c’est à cela que font allusion les signataires de l’appel des généraux à Macron.
M. K.
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