Affaire Djabelkhir : Bencheikh appelle à revoir l’article 144 bis du code pénal
Par Mohamed K. – Le président de la Fondation islam de France (FIF) a estimé que la condamnation de l’islamologue algérien Saïd Djabelkhir «a été possible parce qu’il y a un article, le fameux article 144 bis du code pénal, qui criminalise les atteintes aux principes, aux préceptes de l’islam». «Il faudrait revoir ce point. A mon avis, nous gagnerions tous en intelligence en séparant les deux ordres, l’ordre religieux de l’ordre politique», a estimé Ghaleb Bencheikh au micro de Berbère TV.
Le théologien, qui a qualifié la peine prononcée contre Saïd Djabelkhir de «scandaleuse», a affirmé que «la justice algérienne aurait pu ne pas se donner en spectacle comme ça, dans le monde». «Ce n’est pas bon de judiciariser les débats, notamment les débats intellectuels et théologiques, ça ne se passe pas dans les prétoires, les débats doivent être sereins, calmes, sérieux, exigeants et avec des connaissances», a-t-il souligné.
Le philosophe a assuré que «ce qu’a dit Saïd Djabelkhir sur la question du pèlerinage est connu de tous les islamologues». «Le pèlerinage a bien préexisté à l’avènement de la révélation coranique», a-t-il précisé en expliquant que le verset 26 de la sourate 22, la sourate éponyme [du Pèlerinage], «justement, en parle». «L’adresse est faite au patriarche Abraham, au prophète Abraham : tu auras ta place, ta mission, et surtout à ceux qui font les circumambulations, ceux qui tournent autour [de la ka’aba], ceux qui processionnent autour – d’ailleurs une procession circulaire est une précession –, ceux qui font les précessions autour de la maison [ou] de la demeure sacrée de la ka’aba», a-t-il ajouté.
«Je finis sur deux choses : le pèlerinage existait et s’est scindé en deux, une partie pour les Mecquois et qu’on appelait la ‘omra – si étonnant que cela puisse l’être –, et une partie pour les bédouins, et c’est le prophète de l’islam qui les a réunifiées, qui leur a donné le caractère que nous connaissons», a poursuivi Ghaleb Bencheikh, avant de conclure : «Et, aussi étonnant que ça puisse l’être, c’est Ali, son gendre et son cousin, qui, sous le calife Abou Bakr a, lors d’un sermon connu, retenu par la postérité, parlé de ce qu’on appelle en arabe al-âdâb, les convenances, la bienséance des rites du pèlerinage.»
L’islamologue Razika Adnani avait dénoncé, de son côté, la peine de trois ans dont a écopé le penseur algérien. «En Algérie, a-t-elle écrit, on juge la pensée dans les tribunaux et on y décide ce qui est vrai et ce qui est faux dans le domaine des idées, projetant le pays des siècles en arrière.» «Ce verdict condamnant la pensée libre révèle à quel point l’Algérie est menacée par la montée de l’obscurantisme et du totalitarisme islamiques qui veulent imposer une seule vérité, une seule vision de la société et du monde, et un seul système d’idées, le leur», s’est-elle indignée, en estimant que «si les islamistes ont réussi à déposer une plainte contre la pensée, au nom de la religion, et porter atteinte à la liberté de conscience et d’expression, c’est parce qu’ils ont réussi à avoir les textes juridiques qui leur ont permis de le faire».
Razika Adnani a également regretté que les Algériens «qui se sont dit choqués» par un tel verdict n’aient pas réagi pour «défendre la liberté de conscience et les droits de l’Homme lorsqu’ils ont été supprimés de la Constitution lors de la dernière révision en novembre dernier». «Les islamistes qui agissent sur les textes juridiques savent ce qu’ils font», a-t-elle affirmé, en ajoutant que «les Algériens qui se sont mobilisés pour soutenir Saïd Djabelkhir […] ne l’ont pas fait pour la liberté de conscience en tant que droit, valeur et concept».
M. K.
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