«Comprendre vite, décider vite, agir vite» va mener les arrogants à leur perte
Contribution d’Ali Akika – Ce slogan est celui du ministre américain de la Défense, Lloyd Austin. Contrairement aux apparences, il ne fait pas l’éloge de l’intelligence mais met en évidence le péché mignon de la non-modestie d’une catégorie d’hommes qui pensent défier l’histoire et le temps. Oubliant l’enseignement de Spinoza qui affirma que l’homme est impuissant devant le temps, les armées américaine et israélienne travaillent de concert à la mise en place d’une stratégie basée sur le slogan du titre de l’article. Cela implique évidemment qu’on fasse appel à toutes les ressources de l’intelligence humaine et des moyens matériels du pays. Sauf que l’intelligence n’est pas l’apanage d’un groupe d’hommes ou d’un pays.
Avant de déconstruire la pertinence de ce slogan, voyons les «secrets» de cette «nouvelle» stratégie suggérée par les Américains et Israéliens. Cette stratégie se résume en une phrase de Llyod Austin, «créer un avantage pour nous et des dilemmes pour eux» (les ennemis). Il n’y a rien de nouveau dans cette phrase qui ne peut impressionner que ceux qui ignorent la première règle de la guerre depuis la nuit des temps, celle de garder l’avantage sur l’ennemi pour le soumettre. Rien de nouveau donc, pas plus que la pluie en hiver et le soleil en été. C’est quoi cette «nouvelle stratégie» ? Faire la guerre chez l’ennemi, le détruire et rendre inviolable son propre territoire, c’est-à-dire revenir à la belle époque du conquérant qui n’a de comptes à rendre à personne.
Mais, de nos jours, ce genre d’exploit «guerrier» et de tranquillité de l’esprit, ça eut existé. Alors, «nos» stratèges s’apercevant que la supériorité dans l’équilibre des forces n’est plus assurée éternellement, et quand bien même elle serait, elle coûte la peau des f…, et les trésors de la grotte d’Ali Baba ne sont pas inépuisables. Comment résoudre ce dilemme qui s’est déplacé dans le camp du conquérant jusque-là riche comme Crésus et fort comme un lion ? Pour les Américains, c’est de pratiquer la cyberguerre sans sortir ni de leur confortable base militaire, ni de leur pays. Pour les Israéliens, c’est plus compliqué, ils sont à la portée d’une simple roquette (quelques dizaines de dollars) mais pour l’arrêter, il leur faut actionner leur Iron-Dome dont le missile coûte des dizaines de milliers de dollars.
Alors, ils espèrent trouver la parade en utilisant la science du laser qui construirait un mur de feu contre lequel viendraient se fracasser et se fondre roquettes et missiles. Ils oublient que cette tactique de l’agresseur armé d’une épée a suscité l’invention du bouclier. L’art de la guerre donna raison à la défense tranquille contre l’attaque des excités, qui finissent par se fatiguer et lever le siège de la forteresse ennemie (1).
Il n’est pas inutile de s’interroger sur ces débats de stratégie militaire qui ont lieu aux Etats-Unis et en Israël au moment où l’on discute à Vienne sur le nucléaire iranien. Cela veut dire que ces deux Etats (Etats-Unis et Israël) ne peuvent rien exiger et encore moins imposer leurs propres règles à un Iran qui a le droit antique pour lui, celui de se défendre. Droit de se défendre que la civilisation et le droit international ont confirmé. Israël, qui ne voulait pas entendre raison, bombarda le site nucléaire iranien de Netanz. Il a vite été calmé par la réponse de l’Iran. Ce pays a répondu en augmentant son enrichissement d’uranium à 60 degrés et a permis à la Syrie de tirer un missile Fath 10, qui a été réglé pour tomber à 30 km du site nucléaire de Dimona (2). Les Américains, quant à eux, ont fini par abandonner l’envie de castrer l’Iran. Ils se contenteraient d’une «neutralité» de l’Iran qui leur permettrait de ne pas être «dégager» de ce carrefour des trois trois continents qui sert de poumon au commerce international. Les Etats-Unis, je l’ai écrit à maintes reprises, ont leur cauchemar qui a pour nom la Chine.
Pourquoi les conquérants et les arrogants d’hier, Rome antique, empire ottoman, la Grande-Bretagne ont connu la fin que l’on sait ? Ceux de notre monde moderne qui vont persister à utiliser l’unique arme de l’arrogance iront à leur perte. Hier comme aujourd’hui, le triomphe des conquérants trouve son explication dans l’histoire. En dépit des leçons de cette histoire, les conquérants persistent à vouloir défier et l’histoire et les peuples. Et ces deux catégories politiques (histoire et peuple) nous apprennent que le dernier mot revient à l’intelligence, apanage de tous les peuples, et que la guerre et toute la littérature et l’art militaire nous enseignent que la technique et la supériorité d’une arme ne sont pas des facteurs décisifs tout le temps et en tout lieu.
Nous entrons dans une époque d’un nouveau type de guerre et ceux qui pourront mettre à l’abri leur pays sont ceux qui ne miseront pas sur l’arrogance que donne la puissance militaire et, surtout, qu’ils ne joueront plus aux cowboys en écrasant les peuples. Si les Américains, par la bouche de leur ministre de la Défense, optent pour la cyberguerre, ils ont leurs raisons. Primo, ils ont la science et la technologie, d’où leur acharnement à gagner cette course que les Chinois leur dispute avec, d’ores et déjà, quelques succès (stations dans l’espace et leurs photos sur la face cachée de Mars). Secundo, ils n’ont plus les moyens militaires et financiers d’envoyer aux quatre coins du monde leur GI’s. Leur départ d’Afghanistan est dur à avaler.
Ils ont fait la guerre depuis vingt ans sans casser les reins des Talibans. Ils auraient aimé se venger et laisser des protégés sur place. Il faut espérer que les Américains fassent part de leurs expériences de gendarmes du monde à Israël, enfermé dans un périmètre idéologique qui prend l’eau de partout. Et cette cécité et aveuglement, ce ne sont pas des excités qui le soulignent mais un ancien Premier ministre israélien, Ehud Olmert, dans un article du Jérusalem Post du 29 avril 2021. Sans parler de beaucoup de généraux à la retraite qui ne cessent d’appeler le danger que court Israël si on ne prend en compte les changements stratégiques sur le terrain. La paralysie du monde politique incapable de désigner un gouvernement est le reflet d’une impasse politique et idéologique.
A. A.
1- Les exemples historiques des défenseurs sur les agresseurs sont nombreux. Napoléon a cassé sa pipe à Moscou, l’armée d’Hitler s’est brisée à Stalingrad. Même la ville de Troie de la mythologie grecque a résisté, et le roi de Sparte pour récupérer sa belle Hélène a dû faire appel à la ruse du cheval de Troie.
2- Le missile syrien a parcouru des centaines de kilomètres sans être intercepté et a été programmé pour chuter à 30 km de la centrale atomique de Dimona. On devine aisément la raison, l’avertissement à l’«invincible» DCA suffisait.
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