Comment les nostalgiques de l’Algérie française justifient le massacre de 1945
Par Mohamed K. – «Peut-on, honnêtement, parler d’une manifestation pacifique ?» s’interroge-t-on dans les milieux des nostalgiques de l’Algérie française, à l’occasion de la commémoration de cet épisode tragique de la colonisation. Les auteurs de cette interrogation s’offusquent à l’idée de voir l’ambassadeur de France à Alger déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des 45 000 Algériens massacrés ce jour-là à Sétif, Guelma et Kherrata et d’écouter un de ses prédécesseurs, Bernard Bajolet, déclarer en 2008, que «le temps de la dénégation des massacres perpétrés par la colonisation en Algérie est terminé».
Aux yeux de ces pieds-noirs révisionnistes, si l’armée française a tiré sur des manifestants pacifiques, c’est parce que ces derniers ont déployé des drapeaux alliés et des pancartes affichant des slogans appelant à la libération de Messali Hadj, alors détenu à Brazzaville, et à l’indépendance de l’Algérie. «Ceci méritait d’être rappelé car trop d’historiens voient dans les massacres de Sétif du 8 mai 1945 un mouvement spontané, sans préparation», arguent ces extrémistes de droite, en déclarant que «le ver était déjà dans le fruit» et en affirmant que ces manifestations ont été organisées par la CIA et le KGB. «L’affaiblissement de la France, de la défaite de juin 1940 au débarquement américain en 1942, en est l’un des motifs», expliquent-ils.
Pour eux, il s’agissait d’une «rébellion» qu’il fallait donc mater dans le sang parce qu’elle était, par ailleurs, «pilotée par les fascistes italiens ou les nazis» et que «le Parti du peuple algérien était proche du Parti populaire français», une formation politique d’inspiration fasciste. Les 45 000 Algériens massacrés étaient donc des fascistes qu’il fallait exécuter, selon ces «anciens d’Algérie» qui avancent un mensonge grossier selon lequel les manifestants auraient échangé des tirs avec les policiers et qu’ils s’en seraient pris aux Français et fait 28 morts «chez les Européens, dont le maire qui a cherché à s’interposer».
Toujours selon eux, les forces de l’ordre françaises faisaient face à des «appels au djihad» plusieurs décennies avant l’apparition d’Al-Qaïda et de Daech. Les Algériens qui réclamaient leur indépendance étaient donc des «terroristes» qui assassinaient de «pauvres fermiers», mais avouent que la Légion étrangère, à qui la mission génocidaire avait été confiée par les responsables politiques de l’époque, «n’est pas venue pour faire dans la dentelle». «La répression sera efficace et féroce», se targuent-ils en soulignant que des navires de guerre et des bombardiers avaient été mis à contribution pour faire un maximum de morts parmi les Algériens révoltés, sans compter le recours à la politique de la terre brûlée et aux automitrailleuses qui «tirent à distance sur les populations».
Les aveux sont pourtant sans ambages : «Oui, personne ne saurait contester que les troupes françaises n’aient pas été tendres pour réprimer les émeutes !» ; «Dans ses mémoires, De Gaulle y fait une très brève allusion, sans doute pour ne pas endosser la responsabilité de la répression».
M. K.
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