Violation des droits de l’Homme : dix lauréats du Prix Israël écrivent à la CPI
Cent quatre-vingt-cinq citoyens israéliens, dont dix lauréats du Prix Israël, ont adressé une lettre à la procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye. Nous la reproduisons intégralement.
«Votre Excellence,
Nous, personnes impliquées depuis des années sur le terrain des droits de l’Homme dans les Territoires occupés par Israël depuis 1967, écrivons à la CPI à la suite de votre demande au gouvernement israélien de préciser s’il a l’intention d’enquêter sur des plaintes pour crimes de guerre prétendument commis dans les Territoires occupés, dont Gaza et Jérusalem-Est, en général et en particulier depuis 2015.
Nous comprenons qu’une telle demande est prévue conformément à vos procédures dans ce genre de cas, et nous respectons tout à fait votre méthode de travail.
Nous souhaitons affirmer à ce stade précoce notre profonde suspicion, fondée sur des expériences passées, que l’Etat d’Israël, y compris ses institutions juridiques et d’investigation, ait la moindre intention d’enquêter sur des plaintes contre crimes de guerre. Notre suspicion se fonde sur un très grand nombre de cas documentés concernant ostensiblement des crimes de guerre commis par Israël dans les Territoires occupés en violation grossière du droit international. Pour la plupart de ces cas, il n’y a eu absolument aucune enquête, et quelques rares cas se sont conclus par un acquittement à la suite d’une enquête superficielle et insuffisante.
D’après notre analyse, les nombreux actes de discrimination, les graves restrictions sur la liberté de circulation, l’appropriation de terres palestiniennes en vue de la colonisation israélienne, les punitions collectives arbitraires (telles que les couvre-feu et les blocus), les arrestations injustifiées (y compris en détention administrative de longue durée et l’incarcération illégale dans des prisons hors des Territoires occupés), l’invasion répétée de domiciles privés et de villages, la démolition à grande échelle de maisons et autres structures vitales, la prévention d’accès aux besoins fondamentaux, le refus d’accès aux besoins essentiels tels que l’eau et l’électricité, le refus de permis de résidence, le refus d’accès aux champs et pâturages propriétés privées de Palestiniens, et le manquement lamentable des tribunaux militaires à assurer ne serait-ce qu’un semblant de justice – tous ces faits et d’autres encore sont éminemment dignes d’être soumis à une enquête de votre Cour.
Ces faits sont la routine, la réalité quotidienne de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, comme nous pouvons en attester d’après notre vaste expérience sur place durant de nombreuses années. Il est difficile de ne pas voir dans cette liste un objectif systémique sous-jacent de dépossession et d’expulsion de leurs logements d’une grande quantité de Palestiniens innocents et d’interdiction d’accéder aux terres dont ils sont légalement propriétaires. Comme c’est bien connu, il existe deux systèmes juridiques séparés en vigueur en Israël et dans les territoires palestiniens – le premier fondé sur les lois de l’Etat et consacrant les droits fondamentaux de l’être humain, le second, dans les Territoires occupés sous régime militaire, entraînant souvent le déni de ces droits.
Nous devons souligner que s’adresser à la CPI n’est pas un choix facile pour nous. Nous sommes des citoyens respectueux de la loi et qui aimons cette terre. Précisément de ce point de vue, nous pensons que les actions de l’Etat d’Israël et de ses autorités dans les Territoires occupés causent un préjudice injuste et scandaleux à la population palestinienne locale, mais aussi des dommages irréparables à l’Etat d’Israël lui-même. L’occupation corrompt tout en Israël et l’entraîne dans un abîme moral.
Hélas, malgré l’image qu‘a Israël d’un Etat qui entretient un système juridique juste et professionnel, la réalité offre une image différente – dure, discriminatoire et scandaleuse. La loi imposée aux Territoires occupés et la façon dont elle est appliquée par les organismes chargés de l’application de la loi et de la sécurité permettent réellement des actes permanents d’injustice morale et des crimes de guerre prima facie (à première vue).
Beaucoup d’entre nous sont en contact avec des organisations et des militants des droits de l’Homme qui travaillent en Israël et en Palestine, dont l’ample documentation peut contribuer au travail de la CPI.»
Suivent 185 signatures d’universitaires et de militants des droits de l’Homme israéliens
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