Le lexique politique change totalement de sens quand il est appliqué à Israël
Contribution de Mourad Benachenhou – «Le droit des Palestiniens de se défendre peut ne pas être reconnu par Israël ou par les médias internationaux, mais c’est un droit qui trouve sa source dans la légalité internationale […]. Nier aux Palestiniens le droit de se défendre, c’est exiger qu’ils se soumettent totalement aux attaques armées israéliennes […]. Depuis 2008, Israël a tué 6 000 Palestiniens, dont 1 250 enfants, et déplacé 14 000 Palestiniens, dont 2 600 à Jérusalem-Est. 650 000 Israéliens vivent dans les territoires occupés.» (Greg Shupak, professeur d’université canadien, https://thewire.in/world/palestinians-have-a-right-to-defend-themselves.)
Les définitions généralement acceptées des mots qui constituent le vocabulaire politique changent totalement de sens lorsqu’ils sont appliqués à Israël.
Un vocabulaire politique spécifique à la Palestine
Malgré le déversement annuel en Occident de centaines d’ouvrages et d’articles érudits, sans compter les articles de presse et les interventions télévisées, présentant les uns et les autres des analyses complexes, bourrées de références aussi savantes les unes que les autres, sur ce qui est appelé pudiquement «la question palestinienne», on a la nette impression que la majorité d’entre eux, écrits pourtant par des chercheurs professionnels, de lire et de relire le même livre ou d’entendre les mêmes arguments, ayant des auteurs et des titres différents, mais ayant un dénominateur commun : l’utilisation d’un vocabulaire qui n’a pas le même sens que celui que l’on trouve dans les dictionnaires courants ou mêmes spécialisés. Des mots comme «démocratie», «droits de l’Homme», «liberté d’expression», «laïcité», «droit international», «libre circulation», «discrimination raciale», «fanatisme religieux», «agression», etc. changent brusquement de sens dans ces écrits.
Des termes politiques à usage exclusivement réservé aux pro-sionistes ?
Même le noble terme de «paix» prend un sens différent lorsqu’il s’applique au drame palestinien. Que dire alors du terme «agression», ou «droit à l’existence», ou même «menace existentielle», où le peuple palestinien immolé pour la plus grande gloire de Jéhovah est systématiquement transformé en «coupable devant l’Histoire» ?
Tout un vocabulaire parallèle a été inventé pour, d’abord et avant tout, justifier l’injustifiable et rationaliser l’absurdité. Il faudrait bien qu’un jour des «chercheurs indépendants» se penchent sur ce phénomène linguistique qu’est la création d’un dialecte politique spécifiquement inventé pour analyser l’état des choses en Palestine historique.
Le terme «cessez-le-feu» n’échappe pas à la manipulation conceptuelle
Prenons, comme exemple, un terme qui fait actuellement les gros titres de la presse mondiale : cessez-le-feu. C’est une expression on ne peut plus claire, et dont la signification ne peut donner lieu à ambiguïté, car tous les mots qui la composent ne ressortissent pas d’un vocabulaire d’usage peu courant et, pourtant, sa définition prend un contenu différent quand il s’applique à Israël, cette colonie de peuplement tirant sa justification de la Bible juive. Il est vrai que les commandements divins donnés spécifiquement aux tenants de la religion hébraïque sont clairs : il faut non seulement que tous les non-juifs soient éliminés de la terre d’Israël, mais Jehova interdit spécifiquement tout accord avec les «infidèles», sous peine de colère divine cruelle et sans appel.
Dans l’idéologie sioniste, qui donne une interprétation littérale aux commandements divins, il n’y a ni place pour les non-juifs dans la Terre promise ni arrangements avec eux, quelle qu’en soit la nature, quel qu’en soit l’objectif, quel qu’en soit le contenu. D’après les «judéologues» professionnels, il y a, dans la Bible juive, plus de six cent pages prescrivant ou décrivant les actes de violence permis par Jéhovah contre les populations non juives de la Terre promise. On peut aller jusqu’à affirmer que l’appel au génocide des races «non élues» est plus clairement et plus directement exprimé dans la Bible juive que dans le programme politique développé par Adolphe Hitler et présenté dans son ouvrage Mein Kampf.
L’agresseur se donne le droit de continuer l’encagement des Palestiniens
Par définition, et sans entrer dans les détails, le terme «cessez-le-feu» dit exactement ce qu’il doit et veut dire la cessation, au moins provisoire, de tout acte d’hostilité entre belligérants, quel que soit le statut international des parties en conflit. Le terme s’applique tant aux adversaires dans une guerre civile qu’aux Etats ayant un statut international reconnu qu’aux membres d’un peuple occupé résistant aux attaques d’un envahisseur colonial. Le cessez-le-feu n’implique nullement qu’une des parties en conflit ait le droit de continuer ses agressions contre l’autre partie, qui est donc interdite du droit sacré de se défendre. Par définition le cessez-le-feu est réciproque et mutuel : «Je m’arrête de t’attaquer si tu t’arrêtes de m’attaquer.»
Tout acte d’hostilité de l’un contre l’autre, quelle que soit la nature de cet acte, quelle soit son intensité, quelle que soit sa localisation géographique. Même les attaques médiatiques sont incluses dans la notion de «cessez-le-feu». La définition du terme «hostilité» inclut toute action, de quelque type qu’elle soit, et dont l’objectif est d’infliger des souffrances à l’autre partie. Le cessez-le-feu doit d’autant plus être bilatéral qu’il implique des parties à la puissance inégale sur le plan militaire, politique ou géographique.
Qu’en est-il de ce qui se passe actuellement en Palestine occupée ? La situation y est on ne peut plus claire :
1- Le peuple palestinien, dans sa totalité, est soumis à un état de siège permanent de la part des autorités militaires d’occupation et ne bénéficie d’absolument aucun des droits de l’Homme les plus généralement reconnus : il est privé de tous les droits les plus élémentaires, y compris le droit à la justice, le droit à la liberté de mouvement, le droit de propriété, le droit à la protection physique, le droit au travail, le droit à l’éducation. Même le droit à son propre nom ne lui est pas reconnu. L’agression sioniste contre lui ne lui laisse aucun espace dans lequel il peut se mouvoir en toute liberté.
A tout moment du jour ou de la nuit, il peut être tué, emprisonné sans jugement, expulsé, voir sa propriété confisquée, ses récoltes détruites, ses écoles fermées, son approvisionnement bloqué, etc. Il a un statut de prisonnier. Son ethnicité, sa langue, sa religion le condamnent à être un prisonnier de l’occupant qui se donne le droit à tout moment de l’agresser. La guerre des sionistes contre les Palestiniens ne connaît ni cessez-le-feu ni répit. L’agression contre les Palestiniens est une constante de l’entreprise sioniste. C’est une politique sous-tendue par une idéologie génocidaire sans réserves, sans nuances et sans un brin d’humanisme.
2- Quant à Gaza, victime d’une énième tentative d’annihilation annoncée, elle est, certes, administrée par des Palestiniens, expulsés du reste de la Palestine occupée, et qui sont parqués sur un minuscule territoire, dont 40% sont encore sous occupation sioniste. Mais, et il faut le rappeler, elle est soumise à un état de siège permanent, terrestre, maritime et aérien, et est l’objet d’attaques militaires permanentes de la part des sionistes. L’assiégeant est, par définition, l’agresseur. Par quelle convolution verbale, l’agressé est transformé en agresseur dans ce cas si évident que même un journaliste, de confession juive, faut-il le préciser, a été jusqu’à le reconnaitre dans une chaîne de télévision pas particulièrement sympathique à la cause palestinienne ?
Geraldo Rivera, tel est le nom de ce journaliste, a souligné, au cours d’un échange avec un de ses collègues, farouche défenseur de l’Etat sioniste, que, dans le cas de Gaza, le droit était du côté des Palestiniens car ils étaient soumis à un état de siège total et que les bombardements aériens sionistes avec du matériel militaire américain constituaient des crimes de guerre.
En conclusion
1- Tout cessez-le-feu en Palestine occupée qui n’aboutit pas à la renonciation des autorités d’occupation sionistes à leur dessein génocidaire est trompeur, et constitue, non un pas vers la paix dans la région, mais un simple sursis pour le peuple palestinien qui continue à subir jour et nuit les agressions de ces autorités militaires.
2- Comme l’a si bien résumé l’écrivain portugais José Saramango: «Ce qui arrive en Palestine peut être mis sur le même plan que ce qui est arrivé à Auschwitz. Un sens d’impunité caractérise le peuple israélien et son armée. Ils se sont transformés en rentiers de l’Holocauste.»
3- «Israël a transformé la Palestine en Auschwitz», a commenté le penseur indien Manash Firaq Bhattacharjee (https://thewire.in/world/zionists-in-israel-have-hollowed-out-their-ties-with-their-own-history)
4- Israël est-il disposé – pour se conformer totalement et sincèrement à la définition du terme «cessez-le feu» – à mettre fin à l’Etat-goulag dans lequel il s’est enfermé et a enfermé le peuple palestinien, goulag et qui bloque la voie à toute paix ?
5- Le sionisme mondial est-il disposé à réviser la Bible juive et à en effacer toute référence à l’obligation religieuse d’aller jusqu’au bout de l’entreprise actuelle de génocide en cours du peuple palestinien ?
Telles sont les questions dont la réponse ne peut provenir que de l’agresseur, non de l’agressé qui est le peuple palestinien.
6- Transformer le cours des évènements en Palestine occupée en une série de faits divers, de «coups et blessures volontaires et réciproques» ressortit plus de la falsification tant de l’histoire que de la réalité, que de l’analyse objective. C’est en entreprise vouée à l’échec, qui ne peut aboutir, pour le projet sioniste, qu’à une victoire à la Pyrrhus.
7- Et si Israël tient de l’Holocauste sa légitimité et son droit à l’impunité, où est donc la Tziganie, l’Etat dont devraient disposer les Tziganes, les premières victimes directes du génocide perpétré par les nazis contre les «peuples inférieurs ?»
N. B.
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