Les émigrés répondent aux mesures d’entrée au pays par le rejet et le mépris
Par Houari A. – Les mesures drastiques imposées par les autorités algériennes pour permettre aux émigrés de rentrer au pays scellent-elles une rupture entre la diaspora et la patrie ? Les nombreuses réactions qui ont suivi l’annonce des astreintes auxquelles les émigrés doivent répondre pour pouvoir enfin retourner au bercail, après près d’une année et demie de fermeture des frontières, dénotent un dégoût général et un rejet ferme des conditions auxquelles on leur demande de se conformer.
Une citoyenne algérienne établie en Grande-Bretagne a été jusqu’à narguer les autorités algériennes en se filmant en train de se promener au bord d’une plage et en se demandant pourquoi elle rentrerait en Algérie alors qu’elle vit à l’aise dans ce pays européen qui l’a accueillie. Un jeune vivant en France a, lui, affirmé qu’il fallait remplir mille et une conditions pour être admis dans son propre pays alors qu’il suffit de prononcer la profession de foi pour accéder au Paradis. Des Algériens qui ne vivent pas dans les pays concernés par les vols programmés par la compagnie aérienne nationale dénoncent, de leur côté, une discrimination qu’ils disent ne pas comprendre entre les citoyens d’une même nation. Seuls les concitoyens se trouvant en France, en Turquie, en Tunisie et en Espagne peuvent prendre l’avion pour le moment, sachant que le nombre de vols est loin de pouvoir couvrir une demande gigantesque.
Aux décisions sanitaires s’ajoute la cherté du billet qui empêche des centaines de milliers d’émigrés de passer leurs vacances au bled. Cette question des prix exorbitants appliqués par Air Algérie ne date pas d’aujourd’hui, mais la crise sanitaire mondiale et ses effets économiques sur les secteurs du transport et du tourisme l’ont aggravée. Si bien que des citoyens comparent le tarif de la compagnie aérienne nationale pour un aller simple à un séjour d’une semaine, tous frais inclus, dans des pays à fort potentiel touristique jusqu’à cinq fois plus éloignés que l’Algérie, «à l’instar du Mexique, de la Thaïlande ou des Emirats», fait remarquer un citoyen très remonté contre la direction d’Air Algérie.
Le problème se pose également dans le sens inverse, puisque de nombreux Algériens qui doivent quitter le pays pour des considérations médicales, pédagogiques ou professionnelles s’estiment lésés, au vu de l’impossibilité d’obtenir le visa dans des délais brefs, leurs pays de destination n’ayant pas encore repris leur délivrance, alors que la situation urge pour les étudiants, les travailleurs et les malades qui ne peuvent plus attendre davantage.
«Pour résumer, l’ouverture supposée des frontières est une fausse bonne nouvelle», commente-t-on aussi bien en Algérie qu’à l’étranger où la déception est grande et la colère gronde. Ce samedi, des rassemblements sont prévus devant l’ambassade d’Algérie à Paris et les consulats à travers l’Hexagone pour réclamer un allègement des mesures draconiennes à l’arrivée, la baisse des prix du billet d’avion, la reprise des dessertes maritimes et l’élargissement de l’ouverture des frontières à tous les pays qui comptent une forte communauté algérienne, que ce soit en Europe, au Moyen-Orient ou en Amérique.
La diaspora appelle à la solidarité et demande que ceux d’entre les Algériens qui ont la capacité de voyager dans les conditions actuelles s’en abstiennent pour ne pas frustrer les centaines de milliers d’autres condamnés à reporter leur retour sine die faute de moyens.
H. A.
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