Jean Castex à Alger : Paris presse le pas avant un double chambardement en vue
Par Karim B. – Comme annoncé cette semaine par le ministre français des Affaires étrangères, le locataire de Matignon sera «bientôt à Alger pour un comité interministériel de haut niveau qui devait avoir lieu il y a quelques jours mais qui a été repoussé en raison de la pandémie». Reportée trois fois, la dernière à la demande de l’Algérie suite à une provocation de députés appartenant au parti de Macron, la visite de Jean Castex à Alger devrait avoir lieu avant le 12 juin, date des élections législatives en Algérie.
Deux changements politiques majeurs sont à prévoir aussi bien en France que chez nous, dans les mois à venir. Aussi Paris presse-t-il le pas pour signer les nombreux contrats en suspens avant que les chambardements en vue n’interrompent les relations souffreteuses entre les deux pays. L’ancienne puissance coloniale subit un tir nourri à partir de la rive sud de la Méditerranée où aussi bien le pouvoir que l’opposition, toutes obédiences confondues, se rejoignent sur la question de la repentance et du rejet de l’ingérence de la France, qualifiée même par un ministre de la République d’«ennemi éternel».
En Algérie comme en France, les analystes prévoient une majorité islamiste au prochain Parlement, sous la nouvelle Constitution qui stipule que l’Exécutif doit en émaner. Le pays s’achemine donc vers une sorte de cohabitation à la tunisienne qui ouvrirait la voie à une crise politique endémique. Le président de la République aurait face à lui une opposition structurée qui lui ferait barrage au sein de l’hémicycle et une autre, hétéroclite, incarnée par un mouvement de contestation qui ne faiblit pas, notamment en Kabylie. C’est une Assemblée populaire nationale amputée de cette partie du pays et de la diaspora très remontée contre les dirigeants politiques dont ils estiment qu’ils les traitent comme des citoyens de seconde zone qui prendra forme dans moins de deux semaines.
En France, le mandat calamiteux d’Emmanuel Macron, greffé à la violence extrême qui gangrène la société française, a précipité la montée de l’extrême-droite et de son égérie, Marine Le Pen, présidente-héritière de l’ex-Front national. Le changement du nom du parti fondé par son père et son retrait de sa propre formation politique dans la perspective de sa candidature à l’Elysée, en 2022, sont perçus comme une tactique visant à rassembler davantage d’électeurs en braconnant sur les terrains de la gauche et de la droite, les deux forces qui ont gouverné la France depuis la mort de Georges Pompidou et qui se sont érodées pour n’avoir pas su accompagner les mutations sociales et culturelles qui peignent une France en déclin.
Tous les prétendants à l’Elysée font un crochet par Alger avant le verdict de l’urne. De Giscard d’Estaing à Emmanuel Macron, en passant par François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, les «futurs» présidents français prennent toujours la température d’El-Mouradia et repartent avec des arrangements tenus secrets et dont la finalité est de maintenir un certain équilibre dans les rapports entre les deux pays durant le mandat à venir.
Marine Le Pen fera-t-elle le voyage l’année prochaine ? Assurément non. L’Algérie, tout aussi concernée par la prochaine échéance électorale française, s’en trouve, dès lors, elle aussi bousculée par le calendrier. Il reste à savoir ce que Jean-Yves Le Drian entendait par «bientôt».
K. B.
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