«Je n’ai pas d’inconvénient à me raser la barbe» : Djaballah s’est déradicalisé ?
Par Nabil D. – Allure décontractée, sourire malicieux, à l’aise face aux questions portant sur des aspects de sa vie privée, le «cheikh» du Parti pour la justice et le développement se montre de moins en moins crispé dans ses interventions publiques. Interrogé sur la possibilité de se voir raser la barbe, censée être un symbole d’appartenance à la mouvance islamiste avant que les footballeurs n’en fassent un effet de mode et ne contaminent la jeunesse du monde entier, Abdallah Djaballah a répondu après une courte hésitation, en affirmant que cela ne serait pas impossible et que «les savants divergent sur la question». Une façon de dire que certains d’entre eux estimeraient que cette tradition héritée du prophète Mohammed ne serait pas obligatoire.
Le fondateur des partis El-Islah puis Ennahda a admis qu’il est l’importateur de l’idéologie des Frères musulmans en Algérie, dans les années 1980, mais qu’il n’a jamais été un affidé de cette organisation égyptienne. Il a rappelé son arrestation dans le sillage de la traque des partisans du chef terroriste Mustapha Bouyali. «J’ai été traîné de caserne en caserne pendant quatre mois et demi avant d’être libéré», a-t-il relaté. Interrogé sur le sort réservé aux hommes d’affaires proches de l’ancien cercle présidentiel, Djaballah s’est dit opposé à toute amnistie les concernant. «Il faut leur appliquer le ta’zir [peine laissée à la discrétion de la justice]», a-t-il soutenu.
Le chef islamiste, qui ne cache pas son appui à ses alter ego du FIS dissous, s’était distingué au début des années 1990 par sa doctrine fanatique dans une lettre qu’il avait adressée au président Chadli Bendjedid, à l’époque. Une lettre dans laquelle il fustigeait les «idéologies importées» et décrétait que «seule la voie islamique peut apporter l’indépendance politique, économique et socioculturelle [à l’Algérie]» et appelait à déclarer les «oulémas et les réformateurs» comme «membres d’office de la future Assemblée», auxquels il fallait, selon lui, «accorder l’immunité».
Djaballah réclamait, par ailleurs, que «l’adultère et la pédérastie» soient comme des «délits punis selon la charia», que la justice soit rendue «selon les principes de la charia et ses orientations», que soit «respectée la souveraineté des lois divines», que soient révisées les lois de sorte à les mettre en conformité avec le Coran et la Sunna. Il voulait aussi que les relations extérieures avec les pays non musulmans soient «mises en conformité avec les principes de la charia», que des pauses soient aménagées pendant les heures de travail pour permettre la prière à ces moments et que les théologiens «participent aux conseils des affaires économiques et de la planification».
Parmi ses autres revendications, la «lutte contre l’invasion culturelle étrangère», l’interdiction de tout programme culturel «contraire aux aspirations de la société musulmane», la «saisie des livres, romans, journaux qui portent atteinte à la dignité et à la religion de la nation», l’adaptation des programmes scolaires à la charia, la différenciation des méthodes d’enseignement des garçons de celles des filles, l’enseignement du Coran «à tous les niveaux» et sa considération comme un «prérequis au diplôme», l’exclusion de toute langue autre que l’arabe, «l’adaptation de la société aux valeurs islamiques», la fermeture des bars et les usines d’alcool et le châtiment contre tout contrevenant, la lutte «contre l’habillement indécent des femmes», l’interdiction de la mixité, la limitation de l’emploi des femmes à l’éducation et à la santé féminine, la mise en place d’une police des mœurs, la punition de toute personne qui ne pratiquerait pas la prière et le jeûne.
Abdallah Djaballah fera-t-il voter des lois dans ce sens une fois au Parlement ou adoptera-t-il la méthode plus subtile des Frères musulmans millésime 2021 ?
N. D.
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