Législatives : mauvais timing, abstention record, choix cornélien pour Tebboune
Par Abdelkader S. – Le président Tebboune joue la carte de la transparence. Les chiffres réels rendus publics par l’instance en charge de la surveillance des élections sont si bas que s’ils n’augmentaient pas de façon substantielle, les législatives devront être déclarées nulles. Que faire dans ce cas ? Maintenir un Parlement qui ne représente que lui-même ou organiser une autre échéance tout en sachant que le résultat sera le même ?
Alors que le président Tebboune escomptait une adhésion moyenne à sa démarche de réforme politique qui devait précéder la «révolution» économique nécessaire pour sortir le pays de sa situation délicate actuelle, les citoyens ne se sont pas bousculés au portillon pour élire les députés parmi les milliers de candidats, dont l’écrasante majorité est formée de néophytes. A l’évidence, le chef de l’Etat a voulu prendre le risque de «remplir» l’hémicycle de «représentants du peuple» avec comme seule condition de n’avoir pas appartenu à «l’ancien système» ou, du moins, de ne s’être pas trop affiché à ses côtés.
Mais le timing a faussé tous les calculs et débouché sur une désaffection jamais égalée, pas même lors de la présidentielle controversée du 12 décembre 2019. Il y a d’abord eu ces mesures imposées à la communauté algérienne établie à l’étranger pour pouvoir rentrer au pays après une fermeture des frontières qui aura duré une année et demie. Alors que la diaspora s’attendait à fouler de nouveau le sol algérien sans trop de difficulté, elle sera surprise par les conditions décidées par la commission scientifique et les autorités publiques et par le prix du billet exorbitant pratiqué par Air Algérie. Des manifestations ont été organisées devant l’ambassade d’Algérie à Paris et les différents consulats pour exiger l’annulation pure et simple de la quarantaine dans un hôtel aux frais du voyageur et la réduction des tarifs de la compagnie nationale. Mais rien n’y fit. Le «geste» de Tebboune, qui a consisté à réduire de 20% le prix de la chambre et de décréter la gratuité aux personnes âgées et aux étudiants, n’a pas calmé la colère des émigrés.
En Algérie, la date des élections a coïncidé avec une situation sociale explosive, induite par une augmentation exponentielle du chômage après la fermeture des nombreuses entreprises privées dont les patrons ont été jetés en prison et un climat des affaires plombé par l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des responsables à tous les niveaux qui refusent de se compromettre et paralysent ainsi toute l’économie du pays. Le dinar a plongé et les prix des denrées alimentaires ont atteint des pics sans que le gouvernement ait pu y remédier, se contentant des réactions excentriques du clownesque ministre du Commerce. A cela s’est ajouté le grand cafouillage concernant l’importation des véhicules et de nombreux autres effets d’annonce sans aucune concrétisation sur le terrain, sans compter les séquelles psychologiques et matérielles de la crise sanitaire sur de larges pans de la société. Le profil burlesque d’une bonne partie des candidats a achevé de dissuader les citoyens «sérieux» de participer à un rendez-vous qui a tourné à la mascarade.
Avec les taux excessivement bas enregistrés à midi – moins de 4% –, il est impossible, dans la réalité, que ceux-ci atteignent les deux chiffres ou dépassent les 10% à la fin du vote. Au nom de qui les futurs pensionnaires du palais Zighoud-Youcef vont-ils légiférer ? Tebboune acceptera-t-il de gouverner avec un système bancal ? Sur quelle base sera nommé le futur Exécutif ? Le pouvoir a-t-il envisagé un plan B dans ce cas de figure ? Les élections communales seront-elles maintenues malgré ce rejet massif de la population pour la chose politique après la désillusion du mouvement de contestation pacifique ?
Autant de questions qui préoccuperont moins les citoyens que les décideurs, les premiers ayant décidé d’abandonner un domaine qu’ils ont investi pour changer les choses sans y parvenir, les seconds embourbés dans une crise qu’ils ont concouru à aggraver en ayant mis la charrue avant les bœufs.
A. S.
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