Qui ose parler du mirage de l’arabisation ?
Contribution de Yazid Sadat(*) – Les gouvernants ont cru que la langue arabe était capable de moderniser le pays et de le développer. A ce jour, ils ne se rendent pas encore compte du fait que cette Algérie est incapable de réussir son arabisation, d’abord faute de moyens et d’environnement approprié. Le personnel demeure toujours insuffisant en nombre mais surtout en qualité. Il a été fait appel aux vrais pays arabes mais eux-mêmes souffrent d’un manque de qualification. Les livres et revues en langue arabe sont palliatifs, on réalise des traductions mais cela est très onéreux.
Notre Algérie avait la chance de posséder une élite francophone ; de très nombreux algériens ont vécu et travaillé en France ; la langue française est la plus répandue dans le pays et bien dans de nombreux domaines d’activités : santé publique, industrie, commerce, finances, banque… à tel point que, même sur les documents d’Etat, le nom et le prénom doivent figurer aussi en caractères latins.
Autre handicap, la langue d’enseignement est en arabe littéraire, une langue tout à fait étrangère aux Algériens : dans la rue, les familles, elle n’est nullement utilisée, ce n’est guère une langue de communication courante, même entre arabophones. En outre, la langue arabe ne permet pas de former des esprits précis, aptes à raisonner avec rigueur ainsi que l’exigent les disciplines scientifiques.
L’Algérie s’est enfermée dans une situation paradoxale : toutes les activités économiques financières, sociales utilisent la langue française. Par conséquent, de nombreux diplômés en langue arabe ne trouvent pas d’emploi. Ce qui a été dépensé pour les arabiser est un énorme gaspillage. Les bacheliers qui poursuivent leurs études en langue française ont toutes les difficultés à suivre. Ils éprouvent aussi un légitime sentiment de frustration. L’arabisation de l’enseignement s’est traduite par une baisse générale du niveau des travailleurs, quel que soit leur secteur d’activité, car ils n’ont été formés dans aucune des deux langues. Ne parlons pas des Kabyles qui rejettent d’autant plus la langue arabe que les gouvernants ont projeté d’éliminer cette belle langue maternelle.
Les insuffisances découlant de l’arabisation expliquent en grande partie ce désir intense des diplômés d’aller particulièrement poursuivre leurs études en France, mais c’est pour ne plus revenir en Algérie.
La langue arabe n’y est parvenue dans aucun pays. Les élites des pays arabes sont formées en langue anglaise au niveau supérieur. En Afrique du Nord, elles le sont en langue française et pour y prétendre, la qualité de rejeton d’untel ou d’untel est bien requise.
Tout le monde reconnaît que l’école algérienne est sinistrée, tout le monde ne peut ignorer que des milliers de diplômés ne trouvent pas d’emploi mais personne n’ose reconnaître publiquement que cela est dû à l’arabisation. Les familles riches se permettent naturellement de scolariser leurs enfants en Europe. Dans certaines villes d’Algérie, des écoles privées payantes fonctionnent en langue française. La solution de fond consiste à renoncer d’urgence à l’arabisation.
Il faut nécessairement garder à l’esprit la relation dialectique qui existe entre le niveau de développement d’un pays et la qualité de son enseignement. Si cette qualité est bonne, le pays est en mesure de se développer, il est évident qu’il ne le peut pas dans le cas contraire.
Combien de familles algériennes ont-elles quitté le pays dans le seul but de scolariser leurs enfants dans des pays francophones ?
Le problème est bien urgent. A condition de commencer dès à présent, une trentaine d’années seront nécessaires pour hisser notre Algérie au niveau des pays développés.
Y. S.
(*) Initiateur du mouvement Nous Immigrés de France
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