Une ONG italienne fâche les Libyens la veille du sommet de Berlin
De Rome, Mourad Rouighi – Décidément, les Libyens découvrent chaque jour un peu plus le gouffre substantiel que leur a légué le philosophe des «causes épiques», Bernard-Henri Lévy, au terme de la guerre destructrice de 2011. Un constat qui se renouvelle à chaque étape cruciale du dialogue interlibyen et qui mobilise dans les coulisses, à la veille du sommet de Berlin, amené à orienter les efforts de la communauté internationale vers une sortie de crise politique dans la réconciliation et par la voie du renforcement des institutions du pays.
Dernier épisode en date, le forum de réconciliation des tribus du sud de la Libye, organisé par l’ONG italienne Ara Pacis et que devait accueillir Rome, qui a fortement irrité une partie des Libyens, culminant par le veto opposé par le président du Conseil de présidence, Mohamed Menfi, qui, hasard du calendrier, sera aujourd’hui en Italie et sera reçu par le président de la République, Sergio Mattarella, et par le président du Conseil, Mario Draghi.
Cette ONG, où l’on retrouve de vieilles connaissances, aurait, selon Mohamed Menfi, enfreint les règles de bienséance diplomatique, qui exigent que la partie concernée soit la première informée et pour autant il a appelé à l’annulation de ce forum et à respecter les principes de souveraineté interne et ne pas s’immiscer dans les questions internes du pays.
Le Fezzan, puisque c’est de cette région qu’il s’agit, est au centre d’initiatives internationales associant d’improbables acteurs locaux dans des projets de décentralisation et de gestion fédérale des ressources hydriques et énergétiques dont elle regorge, finissant par irriter les autorités de Tripoli, qui voient de très mauvais œil les sollicitudes aussi désintéressées que récurrentes de puissances internationales ayant désormais leur mot à dire sur les destinées de ce pays.
Vu de Rome, il est impératif de mettre fin aux hostilités entre les milices tebboues, Touareg et Ouled Suleiman et, surtout, de reprendre le contrôle des frontières avec le Niger, principale voie d’accès des migrants subsahariens en Libye.
Un objectif que le gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah estime pouvoir atteindre par ses propres moyens et sans les ingérences déstabilisatrices de certaines chancelleries.
Mais nous dit un expert au fait du dossier : «La Libye a besoin de soutien et d’appui concret à son projet de réconciliation nationale pour tourner la page de sa destruction planifiée. Or, au-delà des effets d’annonce et des phrases faites, certaines capitales ne se cachent plus et envisagent, sans le dire clairement, un partage des ressources du pays, se parant derrière une phase de transition qui semble durer éternellement.»
M. R.
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