Le Maroc et les cinglantes vérités de sa gestion migratoire
Par M. Kateb – Nous avons écrit, il y a une semaine, sur ce même espace, que l’étau se resserre autour de l’argumentaire, voire du discours de la diplomatie marocaine qui, au bout du compte, a vu s’écrouler tout l’édifice de sa sémantique. Ses milliards dépensés dans le marketing politique au Parlement européen n’auront finalement servi à rien.
La récente résolution du Parlement européen, qui concerne la violation de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et l’instrumentalisation des mineurs par les autorités marocaines dans la crise migratoire dans l’enclave espagnole révèle bien des non-dits. Quels que soient les motifs qui ont présidé à l’apparition de la situation qui a prévalu à Ceuta, «c’est un incident injustifiable», assène la Résolution, qui accuse clairement le Makhzen d’avoir laissé passer délibérément quelque 9 000 personnes.
Au-delà de ce «cynisme du pouvoir marocain», qualifié d’«abject» et avec en plus un aplomb qui n’a nul autre pareil et une déconcertante assurance, que le représentant du Maroc aux Nations unies à Genève, Omar Zniber, à la limite du ridicule, a déclaré devant la plénière de la 47e du Conseil des droits de l’Homme, que son pays est exemplaire en termes de gestion de la migration et bien plus, une référence et un «champion» qu’il faut féliciter.
Ces lénifiants propos auraient été écoutés et, même mieux, entendus si l’actualité récente n’avait pas, une fois encore, déconstruit le discours propagandiste du royaume «chérifien» et d’un gouvernement qui expédie ses propres enfants, pour la plupart mineurs, à la mer pour envahir les enclaves espagnoles de Sebta et Melilia, dans une démarche suicidaire au triple plan moral, humain et diplomatique. Cette politique soigneusement délibérée place le Maroc en pole position en Europe avec 80 000 enfants non accompagnés, traînant dans les rues et les gares de Bruxelles, d’Amsterdam, de Marseille et dans le sud de l’Italie et même aux confins de la Bulgarie, de la Grèce et de la Macédoine.
Ainsi, l’autoproclamé royaume «chérifien», dont l’approximative filiation génétique à la noblesse du Hedjaz, est construite sur de légendaires mythes parareligieux et de supposés cousinages lointains, continue sa quête propagandiste dont il détient, et cela sans conteste, le prix d’excellence, en faisant fi des mises en garde et des remontrances dont il est l’objet ; la dernière en date est celle du Parlement européen.
La bienveillante attention dont il a bénéficié depuis de longues années au niveau de Bruxelles, grâce à l’entregent de tuteur et parrain attitré, seul Etat parmi les 27 à se «constituer», encore une fois, devant la Cour de justice européenne devant laquelle le Front Polisario a attaqué l’Accord agricole et les autres lobbyistes en tous genres, royalement invités au «hachichland», prend l’eau et s‘apparente à un inexorable naufrage.
Mais, c’est encore mal connaître les maléfiques «ressources» du Makhzen, qui ne s’amende pas face à ses déboires dont l’architecte n’est autre que l’indécrottable Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, qui les présente à l’opinion publique comme des trophées et charge en plus les représentants du royaume d’en assurer, toute honte bue, le service après-vente à travers les capitales du monde.
Mieux encore, le royaume transforme un «tweet» du directeur général de l’Organisation mondiale pour les migrations, prenant note de sa énième «intention» de reprendre sa marmaille agitée et éparpillée en Europe en un satisfecit, et pour rester dans les effets d’annonce, et il y en a tous les jours et pour tous les publics et goûts. Ainsi, le «champion» de la migration, sur le chapitre des régularisations de Sub-Sahariens n’a délivré, selon des acteurs associatifs locaux, que quelque dizaines (68) de titres de séjour précaires aux seuls conjoints de Marocaines sur les 100 000 qui sont soumis au travail forcé et pour les récalcitrants d’entre eux, déportés en masse au Sahara Occidental occupé, ce qui a fait réagir les mécanismes d’alerte des Nations unies et de la société civile.
Dans cette exaltante équipée, qui se régénère au fil du temps, c’est toujours l’Algérie qui est dans le viseur. La dernière trouvaille : l’Algérie politise le Conseil des droits de l’Homme et l’instrumentalise, en en faisant une tribune pour elle-même et pour le «groupe de soutien transrégional de soutien au peuple du Sahara Occidental» dans ses déclinaisons étatiques et de société civile (282 ONG).
Le royaume interprète la mission de cet organe des Nations unies, anobli par la communauté internationale du titre de «conscience de l’humanité», comme un simple appendice d’essence juridique. Cette spécieuse approche vise en fait à l’éloigner du cœur de son mandat, qui est de mesurer l’effectivité de l’application du droit international de droits de l’Homme porté par les traités internationaux.
Sans gêne et sans retenue, ses démarcheurs courent les capitales et les ambassades avec valises, cadeaux et prise en charge dans les riyads et autres ksour de Marrakech. Ils tentent tantôt d’impressionner, tantôt d’intimider, mais, à coup sûr, de censurer les téméraires orateurs qui viendraient à évoquer la gênante question de l’exercice du droit à l’autodétermination en faveur des peuples et des territoires sous domination coloniale et étrangère, pourtant inscrite sur du marbre dans les deux Pactes de 1966 et qui, hasard de l’histoire, ont été adoptés à la troisième Commission de l’Assemblée générale sous la présidence d’une ressortissante marocaine dénommée Halima Embarek Warzazi !
Si les plénipotentiaires du royaume sont oublieux à ce point de l’histoire, ils ne peuvent, et ce serait un comble, d’ignorer que le Conseil des droits de l’Homme est un organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations unies, «parlement du monde» où sont débattues toutes les questions qui intéressent l’humanité et dont la résolution 1514 (XV) est l’un des grands accomplissements du siècle dernier.
Enfin, lorsque la haute commissaire lance de nouveau un appel pour que son office puisse dépêcher une mission d’information dans les territoires occupés du Sahara Occidental suspendue depuis 2015, la réplique marocaine est non seulement de l’ignorer, mais de tordre la mémoire collective des peuples du Maghreb et, mieux encore, se réjouir publiquement des douloureux legs de la tragédie engendrée par la criminalité terroriste qui a frappé notre pays durant une décennie.
Pour ceux qui doutaient, la suite suivra.
M. K.
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