Un financier dirigera le gouvernement : marge serrée pour Benabderrahmane
Par Karim B. – C’est à un homme des finances publiques que le président Tebboune a décidé de confier le gouvernement. Après de nombreuses options et une longue hésitation, le chef de l’Etat a fini par jeter son dévolu sur Aymen Benabderrahmane, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, désigné à ce poste par Abdelkader Bensalah en novembre 2019. Une première lecture laisse entrevoir une équipe gouvernementale constituée dans sa partie régalienne de ministres désignés par le chef de l’Etat, tandis que les portefeuilles «politiques» seraient distribués aux partis «majoritaires» dans l’actuelle Assemblée.
Il est fort probable, au regard de cette nomination, que des ministres du gouvernement Djerad soient reconduits dans le prochain Exécutif dont la liste complète devrait déjà être sur le bureau de Tebboune. Les ministères de souveraineté demeureraient entre les mains du pouvoir, à savoir les Affaires étrangères, l’Intérieur, les Finances, la Justice et sans doute aussi le porte-parolat.
Abdelmadjid Tebboune met le cap sur le redressement économique et financier du pays, après avoir accordé la priorité à la question politique, en organisant coup sur coup deux élections, l’une pour la refonte totale de la Constitution et l’autre pour la mise en place d’un nouveau Parlement, en attendant les échéances locales prévues en septembre prochain. Plombé par l’emprisonnement d’un grand nombre d’hommes d’affaires et d’anciens ministres accusés, les premiers d’avoir bénéficié d’indus avantages, les seconds de les avoir accordés, le climat des affaires est au plus bas. Les investisseurs répugnent à s’engager dans un pays secoué par une crise politique inextricable depuis la déchéance de Bouteflika, laquelle crise a entraîné dans son sillage des problèmes économiques, financiers et sociaux que le pouvoir peine à résoudre.
Les réserves de change fondent comme neige au soleil et le pays s’achemine vers un recours à l’endettement, quand bien même le président de la République a exclu cette option. Mais entre le discours destiné à la consommation locale et la réalité du terrain, il y a un immense écart. Les prix du pétrole qui ont connu une baisse drastique depuis plusieurs années et qui ne paraissent pas retrouver de sitôt les niveaux qui permettraient à l’Algérie de reprendre à zéro le processus de sortie de la dépendance aux hydrocarbures n’aident pas les décideurs actuels, qui ont besoin de fonds pour «racheter» la paix sociale et relancer la machine industrielle en évitant les erreurs du passé.
Face à pareille situation, que peut un Aymen Abderrahmane ? Quelle stratégie, s’il en est, celui-ci a-t-il proposée au président de la République pour que ce dernier lui confie le poste le moins enviable dans ces moments difficiles que traverse le pays ? Quel rôle le nouveau gouvernement compte-t-il faire jouer aux opérateurs économiques nationaux, groggy par l’ampleur des dégâts occasionnés par le régime délétère de Bouteflika et par les procès en cascade qui se poursuivent à ce jour ? Comment le nouveau Premier ministre va-t-il réussir à débloquer la machine bureaucratique hypertrophiée qui retarde le développement du pays et encourage la corruption et la vénalité ?
Si des mesures concrètes ne sont pas prises dès l’installation du successeur d’Abdelaziz Djerad dans ses fonctions et si des améliorations ne sont pas ressenties à court terme par les citoyens dans leur vie quotidienne, empoisonnés par les pénuries en tout genre, les robinets à sec et l’absence de perspectives, le tout aggravé par une épidémie toujours aussi menaçante, il sera malaisé pour le nouveau cabinet de mener à bien sa mission. Auquel cas, Aymen Benabderrahmane y laissera des plumes. Comme ses prédécesseurs.
K. B.
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