L’Algérie snobe un message «fraternel» adressé par Mohammed VI à Tebboune
Par Karim B. – Les médias officiels nationaux ont été instruits d’ignorer le message de «félicitations» adressé par Mohammed VI au président Abdelmadjid Tebboune à l’occasion de la fête de l’Indépendance. La missive, laconique et purement formelle, a, par contre, été relayée par tous les outils de propagande du Makhzen. On y lit que le roi du Maroc «exprime ses chaleureuses félicitations et ses sincères vœux de progrès et de prospérité au peuple algérien» et que «le souverain souligne que le peuple marocain se joint au peuple algérien frère pour célébrer cette glorieuse occasion, se remémorant avec fierté la solidarité fraternelle et sincère qui a marqué leur lutte héroïque commune pour la liberté et l’indépendance».
Le régime marocain nous a habitués à ce double jeu, ne ratant jamais l’occasion de tenter un rapprochement avec son voisin de l’Est tout en adoptant des attitudes hostiles qui vont en s’amplifiant d’année en année. Après les «petites» provocations qui prenaient des formes puériles – retrait du drapeau algérien de l’édifice de l’ambassade d’Algérie à Rabat par un «citoyen lambda», discours agressifs, calomnies, manœuvres sournoises au sein des institutions internationales, etc. –, le Makhzen est passé à la vitesse supérieure depuis sa normalisation avec Israël. Un pas supplémentaire dans les visées inamicales de la monarchie marocaine qui permet ainsi à l’entité sioniste de s’implanter durablement au Maghreb.
La dernière manœuvre dirigée par les Etats-Unis, Africa Lion 2021, a été précédée par une série d’annonces mensongères faites, y compris par le Premier ministre islamiste Saâd-Eddine El-Othmani lui-même, signataire du pacte avec l’Etat hébreu, selon lesquelles l’exercice militaire allait concerner des territoires sahraouis occupés, dont Mahbes, une zone située au plus près de la frontière avec l’Algérie. Il aura fallu plusieurs démentis émanant à la fois du département d’Etat et du Pentagone pour éviter une escalade. La réponse est alors venue du chef d’état-major de l’armée algérienne qui, à partir de la capitale russe, a lancé une sévère mise en garde non seulement au Maroc, mais aussi, et surtout, aux Etats-Unis et à la France. La tribune moscovite revêtait une signification hautement symbolique : l’allié historique de l’Algérie se tient prêt à répondre à toute menace qui viendrait de puissances étrangères et qui serait dirigée contre son partenaire stratégique.
Le désintérêt dont vient de faire montre Alger à l’égard de ce qui est, encore une fois, présenté par la partie marocaine comme une «main tendue» du régime monarchique de Rabat aux fins d’aplanir les différends entre les deux pays confirme, d’un côté, la propension du Makhzen à prendre ses relations avec l’Algérie à la légère et, de l’autre, la détermination de cette dernière à maintenir celles-ci au strict minimum, eu égard aux facteurs humains – présence de près d’un million de travailleurs marocains sur le territoire algérien, alliances familiales, tolérance de la contrebande de produits de première nécessité pour éviter que les Marocains des villes frontalières happés par une misère absolue meurent de faim, etc.
Il sera difficile au régime marocain de renouer avec l’Algérie qui a définitivement classé le Maroc comme «ennemi classique» avec lequel même une guerre n’est plus exclue, si l’on en juge par les avertissements du président Tebboune, les salves itératives du général Saïd Chengriha, la multiplication des exercices tactiques avec munitions réelles et les nouvelles acquisitions de pointe de l’armée algérienne dont la nature démontre clairement que celle-ci ne compte plus se contenter de défendre les frontières, mais entend porter la guerre derrière les lignes et détruire des cibles hors frontières.
K. B.
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