Quand la voix du Makhzen fait chanter «ça fait rire les oiseaux» à Rossignol
Par Karim B. – «Ça fait rire les oiseaux et danser les écureuils», dit la chanson du même titre de la Compagnie Créole qui s’adapte on ne peut mieux à l’interview que Laurence Rossignol vient d’accorder à Jeune Afrique – vous savez, ce magazine qui s’est figuré une visite du chef d’état-major de l’armée algérienne en France. La députée s’y préoccupe de la situation des droits humains en Algérie. Exclusivement en Algérie. Jamais au Maroc. Que nous chante donc la Muscicapidae dans le canard fumeux des Ben Yahmed ?
L’objet de l’entrevue est clair comme de l’eau de roche : remettre sur selle la députée remise à sa place il y a quelques semaines par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui lui a gentiment demandé de s’occuper de ses oignons. «Pourquoi avoir posé cette question ?» interroge Jeune Afrique. «Parce que la situation des droits humains en Algérie est plus que préoccupante et qu’il incombe à la diplomatie française d’œuvrer à la diffusion des valeurs universelles censées nous guider : la justice et le respect de la dignité humaine», répond l’élue socialiste. Et d’ajouter : «Je suis une militante antiraciste de longue date.» Une extension qui cache une calvitie intellectuelle ? Certainement pas. Arrière-pensée perfide pour insinuer qu’une minorité souffre de racisme en Algérie.
Le Hirak, elle affirme en connaître un bout. Sa source ? «J’ai été amenée à suivre précisément la mobilisation du Hirak, j’ai pu être tenue au courant de manière fiable, par des personnes en qui j’ai une grande confiance», assure-t-elle. Quelles sont ces personnes ? Elle ne les citera pas mais tout un chacun aura deviné leur identité. «Le mouvement du Hirak, renchérit-elle, est intéressant à observer. Il arrive plus tard que les printemps arabes. C’est un mouvement dynamique aux caractéristiques propres : pacifiste, mixte, à l’organisation répétitive. C’est un grand mouvement.» Elle reproche à «certaines personnalités politiques» [françaises] leur «indifférence» et une «certaine méfiance», bien qu’elles soient «pourtant prêtes à être solidaires d’autres combats démocratiques, comme celui qui a lieu à Hong Kong, par exemple». Isolée donc, notre Rossignol sur un siège du Sénat vice-perchée.
Elle insiste : «Je constate un grand silence sur le respect des droits humains fondamentaux dans ce pays. Silence coûteux car tous les mouvements démocratiques qui affrontent des pouvoirs autoritaires ont besoin de soutien extérieur.» Qu’en est-il du Maroc et son régime avec lequel le Parti socialiste entretient une relation intime ? Rien. Pas un mot sur les journalistes emprisonnés, les populations affamées pendant que le fils du roi brûle des billets de 500 euros. Rossignol est borgne. Elle ne voit que d’un seul œil, mais touche la baraka du Makhzen des deux mains.
Elle accuse et constate : «Cette propension au silence, sous prétexte d’accusation d’ingérence, isole de fait le mouvement démocratique du Hirak.» Aussi a-t-elle «considéré qu’il ne fallait pas céder à ce chantage à l’ingérence», tout en affirmant avoir «recueilli des centaines de messages de remerciements» et un infime pourcentage – 15% – de messages qui l’envoient balader. Le sondage est réalisé, Facebook a tranché et le verdict du clavier doit être respecté : le référendum a plébiscité Rossignol et il faut donc que sa volonté soit : ordonner au régime algérien de se soumettre aux désidératas des islamistes, comme son père spirituel François Mitterrand avait cru devoir faire lorsque, en janvier 1992, il volait au secours de ses amis du FIS et «exigeait» que l’armée rétablît le «processus démocratique», car son projet d’économie de bazar en Algérie, favorable à la France néocoloniale, prônée par les islamistes venait d’être brutalement contrarié.
Rossignol se mue en perroquet et reprend le même discours près de trente ans plus tard : «L’internationalisme consiste à soutenir ceux qui se regroupent et se mobilisent pour des valeurs d’émancipation et de progrès.» Quelles valeurs ? Celles fanatiques de Rachad et chauvines du MAK.
Quand Rossignol adopte le ramage du corbeau, elle ouvre un large bec et laisse tomber sa proie pour que s’en saisissent les renards. Elle n’a toujours pas appris que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute – dixit Jean de La Fontaine.
K. B.
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