La mystérieuse pièce manquante dans l’appartement F4 de Belkecir à Staoueli
Par Nabil D. – Mythe ou réalité ? «Qu’est-ce que c’est que cette histoire de mur ?» questionne, intrigué et un tantinet agacé, le juge, à force d’entendre parler de cette «chose» dans l’enceinte du tribunal à chaque fois que le nom du maffieux Ghali Belkecir est cité. «Ah, c’était donc ça !» s’étonne un confrère à qui un autre confrère a raconté l’histoire du mystérieux appartement rétréci de l’ancien chef de la gendarmerie devenu vanuatuan depuis peu. Mais de quoi s’agit-il, en fait ?
Ghali Belkecir avait acquis un grand appartement luxueux de quatre pièces dans une résidence clôturée située dans la ville côtière de Staoueli, à l’ouest d’Alger. Mis en location, l’agent immobilier du coin finit par trouver preneur : un affairiste aisé qui l’a investi pour deux ans. Seulement, peu de temps après, lorsque Belkecir fut rattrapé par la justice, la gendarmerie fut instruite de saisir le bien du fugitif. Arrivés sur place, les gendarmes présentent la décision du tribunal au locataire qui leur fait part de ce qui semble être une erreur sur le nombre de pièces. «Ici, c’est écrit F4, alors que cet appartement que j’occupe n’en a que trois, il doit donc y avoir une erreur quelque part» s’étonne l’occupant des lieux.
Les gendarmes dépêchent des experts qui constatent la présence d’un mur qui n’existe pas sur les plans. Ordre fut donné de l’abattre et ce fut la surprise : la caverne d’Ali Baba venait d’être découverte. Derrière la paroi se cachait la quatrième chambre dans laquelle étaient entreposés de grosses sommes d’argent en monnaie locale et en devises étrangères, des bijoux de grande valeur, des documents, des ordinateurs, des dossiers d’hommes d’affaires véreux qui lui servaient de moyen de chantage et d’autres «trésors» accumulés par l’ex-gendarme et son épouse, ancienne juge à la cour de Tipasa et tout aussi corrompue que son conjoint dégradé.
Cette découverte a le mérite de montrer le degré de déshérence du long règne des Bouteflika. Sous son ère, la vénalité est devenue non plus une règle mais une vertu et l’honnêteté une tare. Les serviteurs probes de la République devenaient des éléments gênants dont le refus de toucher aux deniers publics était perçu comme une menace pour la pègre qui régnait en maîtresse absolue sur le pays, dans une symbiose totale entre agents publics immoraux et trafiquants intouchables.
Comment Belkecir tirait les ficelles même après avoir quitté le pays ? Quand Ahmed Gaïd-Salah avait déchu l’ancien président, il s’était appuyé sur l’ancien patron de la Gendarmerie nationale qui avait mis [sa] Police judiciaire au service de l’ex-vice-ministre de la Défense, lequel avait fait suivre l’application de l’article 102 par une vague d’emprisonnements d’une ampleur jamais égalée en Algérie depuis l’indépendance. Ce qui apparaissait au début comme une opération «mains propres» s’est vite révélé être un règlement de comptes.
Dans cette guerre entre deux clans qui, quelques mois auparavant, saignaient le pays main dans la main, Ghali Belkecir jouera un rôle central et finira par se rendre compte de l’opportunité que sa position lui offrait pour amasser une fortune en un temps record. C’est ainsi qu’il transformera l’état-major de la gendarmerie en un lieu de brigandage et de déprédation, s’éloignant complètement des nobles missions échues à cette institution qui tire sa force de sa double casquette militaire et judiciaire.
N. D.
Comment (45)