S’unir autour des institutions civiles et militaires de l’Etat avant qu’il ne soit trop tard
Contribution de Nacer Achour(*) – «On connaît une nation aux hommes qu’elle produit, mais aussi à ceux dont elle se souvient et qu’elle honore.» «Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi mais ce que tu peux faire pour ton pays.» (John Fitzgerald Kennedy, 1917-1963). Les agissements de nos ennemis ne datant malheureusement pas d’aujourd’hui, les évènements dramatiques que nous avons connus, que ce soit à l’indépendance, après l’indépendance et dans les années 1990 ont dû sûrement être, sinon planifiés, du moins soigneusement alimentés et entretenus. L’assassinat du grand chanteur Matoub Lounès le 25 juin 1998, l’homicide commis sur la personne du jeune lycéen Guermah Massinissa le 18 avril 2001 qui mit le feu aux poudres font basculer toute une région, la Kabylie, dans une violence sans précédent, faisant encore une fois des victimes, alors qu’une telle tragédie aurait pu être évitée.
La Kabylie demeure à ce jour le théâtre où continue à se jouer le même drame, et sa population, après avoir subi toutes sortes de provocations, semble, force est de le constater, abandonnée, livrée à elle-même, avant de se retrouver prise en otage par deux entités, deux faces d’une même médaille qui continuent à exécuter impunément et par procuration, un plan machiavélique pour certains parrains désormais identifiés. L’échec des partis kabyles dits d’opposition, après l’échec du Mouvement culturel et, partant, du mouvement associatif en général, la fuite en masse de sa matière grise, a généré un vide immense.
La nature ayant horreur du vide, d’autres mouvements extrémistes sont donc venus imposer leur idéologie rampante et leur diktat, balayant ainsi d’un revers de la main tous les efforts, tous les idéaux et tous les sacrifices consentis depuis l’Etoile nord-africaine à ce jour, en passant par une guerre révolutionnaire qui a mis fin à une colonisation de peuplement aux appétits expansionnistes et économiques dont la prétention était de «libérer un peuple opprimé et l’émanciper».
Abane Ramdane, la tête pensante et premier responsable de la Révolution à l’issue du Congrès de la Soummam, qu’il avait soigneusement élaboré et préparé des jours et des jours avant à Alger, et Larbi Ben M’hidi s’étaient rendus ensemble à Ifri. Le destin avait voulu qu’ils meurent la même année (1957) et dans des circonstances tragiques. L’amitié et la fraternité de ces deux grands révolutionnaires devraient servir de tous temps, de ciment, de repère et de guide à tous les enfants de ce pays.
La conspiration venait de commencer, sur fond de guerre fratricide, certains diront kabylo-kabyles, entre l’ALN et les soldats de Bellounis, soutenus par l’armée coloniale. Les divergences entre chefs de l’intérieur et ceux de l’extérieur éclataient au grand jour, les ambitions aveuglaient les uns au point d’ordonner l’exécution des autres. Je pense notamment à Benai Ouali, Mebarek Aït Menguellet, Ould Hamouda Amar et Abane Ramdane pour ne citer que ces quatre grands nationalistes…
Hassan II aurait livré, une année auparavant, les membres de la délégation extérieure du FLN aux autorités militaires coloniales qui détournèrent l’avion dans lequel les dirigeants du FLN se rendaient de Rabat, au Maroc à destination de Tunis, via Palma de Majorque, invités à participer à un sommet sur l’avenir du Maghreb, organisé par le président tunisien Habib Bourguiba.
Avant lui, avec la défaite de son arrière-grand-père, le sultan Abd Ar-Rahman Ibn Hicham à la bataille d’Isly (11 mai 1844) et la signature de l’infâme traité de Tanger (1844), qui scella l’alliance du Maroc et de la France contre l’Emir Abdelkader, celui-ci fut sommé de quitter immédiatement le territoire marocain avant d’être attaqué par une armée de plus de 50 000 hommes sous le commandement de l’un des neveux du sultan Abd Ar-Rahman.
Notre propos n’est pas d’intenter ici un procès contre le Makhzen, l’Etat de notre pays est mieux placé pour décider des suites à donner aux agissements irresponsables des autorités de notre voisin de l’Ouest. Le «diplomate» marocain Omar Hilale n’aurait jamais agi de la sorte si beaucoup de Kabyles aujourd’hui, à commencer par le chanteur et militant Ferhat Mehenni, président autoproclamé d’un gouvernement provisoire de la Kabylie en exil, que nous autres Kabyles, dans l’écrasante majorité, ne reconnaissons pas, n’avait pas prêté le flan. Libre à lui de ne pas se considérer algérien, c’est son problème, mais qu’il ne parle pas au nom de la Kabylie et des Kabyles.
J’invite la jeunesse de cette région où je suis né, où j’ai passé une grande partie de ma vie, à se démarquer des discours séparatistes et intégristes (GPK-Rachad) et à se réapproprier le discours nationaliste et les valeurs patriotiques que furent celles d’Abane Ramdane et d’Ahmed Zabana, de Hassiba Ben Bouali et de Zohra Drif. Je les invite à faire leurs les valeurs des femmes et des hommes que furent leurs aînés qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour sortir notre pays et notre peuple d’une longue nuit coloniale.
Il n’y a pas de «peuple kabyle» comme voudrait le faire croire le «président du GPK», ni de peuple chaoui ou targui d’ailleurs. Comme il n’y a qu’un seul drapeau, il y a un seul peuple en Algérie sur ce grand territoire dont les frontières, qu’elles soient dessinées par les Turcs ou par les autorités coloniales, peu nous importe, du moment que nous l’avons arraché de haute lutte au colonialisme, au prix de grands sacrifices, et c’est le peuple algérien.
La Révolution de Novembre l’a unifié. Il n’y a donc pas d’un côté les «Arabes» et de l’autre les «Kabyles» ; il n’y a que des Algériens et des enfants d’Algériens même si, dans la communauté nationale à l’étranger, un grand nombre de concitoyennes et de concitoyens sont détenteurs, comme beaucoup, d’une double citoyenneté.
Cet attachement viscéral aux couleurs nationales, qui se vérifie à chaque fois que les Verts ou les Fennecs sont sur le terrain, devrait se vérifier aussi à chaque fois que cette union sacrée, la sécurité de notre pays et l’intégrité du territoire sont menacées.
Maintenant que les deux clans qui ont saigné le pays, civils et militaires, sont hors d’état de nuire ou presque, place à la reconstruction des institutions (civiles et militaires) sans lesquelles nous subirions le sort réservé aux pays frères qui peinent, au jour d’aujourd’hui, à se relever après une dizaine d’années d’une guerre fratricide au nom d’un «Printemps arabe» qui n’en finit pas, guerre qui leur est, à ce jour, livrée et par mercenaires interposés. Je pense notamment aux pays frères et voisins qui ont pour nom : la Syrie et la Libye.
La situation au pays n’est, certes, pas reluisante mais n’est-ce pas dans les difficultés que le caractère des hommes et, partant, celui des nations se forge ? Nous avons gagné l’estime et le respect des peuples et des nations en brisant le joug colonial, en combattant l’hydre du terrorisme islamiste de l’AIS et des GIA et nous avons vaincu un système qui a gangréné le pays en empêchant, comme un seul homme, un mandat de trop, d’un président absent, un certain 22 février 2019, même si les résidus de la mafia sont encore là, y compris dans les hautes sphères de l’Etat, à poursuivre l’œuvre machiavélique de déstabilisation et de contrerévolution.
Maintenant que l’entité sioniste est à nos frontières avec les moyens d’espionnage dont elle dispose, maintenant que le loup est introduit dans la bergerie, que l’UA dans sa grande majorité l’a admise en son sein, que la Tunisie est entrée dans une crise politique dont on ne pourrait prédire la suite, que le pays est, sur tous les plans, dans un état lamentable, le peuple algérien devrait, de mon point de vue, et plus que jamais, s’unir autour des institutions civiles et militaires de l’Etat avant qu’il ne soit trop tard. Nous n’avons guère d’autres alternatives.
Vive l’Algérie une et indivisible !
Gloire à nos martyrs !
N. A.
(*) Ecrivain (Essonne, France)
Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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