Mohammed VI lâche le MAK et demande implicitement pardon à l’Algérie
Par Kamel M. – Mohammed VI vient de rejeter la demande d’audience que lui a soumise le chef de file du MAK, Ferhat Mehenni. Ce lâchage du mouvement autonomiste, le roi du Maroc ne l’a pas prononcé ouvertement, mais il se lit en filigrane dans le discours qu’il vient de prononcer, ce samedi. Le Maroc fait machine arrière et promet à l’Algérie que «le mal ne viendra pas du Maroc», en soulignant que «le Maroc et l’Algérie ne sont pas seulement des voisins, ce sont deux pays jumeaux».
Ce énième revirement du régime versatile de Rabat était prévisible après le rappel par l’Algérie de son ambassadeur au Maroc, suite à la provocation d’Omar Hilale à partir de Manhattan. On se souvient que Nasser Bourita avait appelé son homologue algérien, Sabri Boukadoum, après le grave dérapage du consul général du Maroc à Oran, qui a qualifié l’Algérie de «pays ennemi», pour lui promettre de rappeler le diplomate, déclaré persona non grata par Alger, dès que les conditions le permettraient. Ce fut fait quelques semaines plus tard.
Cette fois-ci, le roi du Maroc affirme «renouveler» son «invitation sincère à [nos] frères en Algérie pour œuvrer de concert, et sans conditions, à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage» parce que, a-t-il dit, «l’état actuel de ces relations ne nous satisfait guère car il ne sert en rien les intérêts respectifs de nos deux peuples». Et d’ajouter : «Il est même jugé inacceptable par bon nombre de pays.» De quels pays Mohammed VI parle-t-il ? Vraisemblablement de la France dont le ministre des Affaires étrangères a convoqué le chef de la diplomatie marocaine pour, à la fois, lui dicter la feuille de route dans deux affaires liées : les provocations itératives contre le voisin de l’Est et l’affaire Pegasus dont on apprend qu’Emmanuel Macron a fini par demander des explications à ses «amis» marocain et israélien.
Autant dire que le Maroc s’est mis dans une situation délicate dont il essaye de s’extirper en cherchant à recoller les morceaux avec tous les pays avec lesquels son ministre des Affaires étrangères lui a créé des problèmes, de l’Allemagne à l’Espagne, en passant par la France et l’Algérie à laquelle il réitère sa demande de réouverture des frontières fermées du côté algérien depuis 1994. «Entre deux pays voisins et deux peuples frères, l’état normal des choses, c’est notre conviction intime, est que les frontières soient et demeurent ouvertes», a insisté Mohammed VI qui jette la balle dans le camp de son défunt père et du président Liamine Zeroual. «Force est de constater que ni Son Excellence, l’actuel président algérien, ni l’ex-président, ni moi-même ne sommes à l’origine de cette décision de fermeture», s’est-il justifié.
Nouveau ton dans le discours du souverain marocain qui assume «la persistance du statu quo» et n’en impute pas la responsabilité à la seule partie algérienne. Un petit pas en avant est ainsi effectué par un roi affaibli à l’intérieur, acculé à l’extérieur et qui a besoin de se repentir des nombreuses absurdités qu’il n’a cessé de commettre ces derniers mois. Dans le même temps, il essaye d’amadouer ses interlocuteurs à Alger en faisant mine d’ignorer que, contrairement à ce qu’il déclare à son peuple, «les raisons ayant conduit à la fermeture des frontières» ne sont pas du tout «dépassées» et ont plus que jamais «raison d’être aujourd’hui».
Le roi s’interdit de «faire des reproches» ou de «donner des leçons à quiconque», et il a raison, car il sait qu’il est mal placé pour ce faire. En lieu et place de cela, il «rassure» ses «frères en Algérie» : «Vous n’aurez jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc qui n’est nullement un danger, ni une menace pour vous.» «Ce qui vous affecte nous touche et ce qui vous atteint nous accable», a-t-il insisté, en jurant que «la sécurité et la stabilité de l’Algérie et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc» et «corollairement, ce qui touche le Maroc affecte tout autant l’Algérie car les deux pays font indissolublement corps». Et de regretter, enfin, «cette situation déplorable qui gâche les potentialités de nos deux pays au grand dam de nos deux peuples et des liens d’affection et de fraternité qui les unissent».
La question se pose, cependant, de savoir si appelant «à mettre fin aux tensions médiatiques et diplomatiques qui agitent les relations entre le Maroc et l’Algérie», Mohammed VI s’adresse à son ministre des Affaires étrangères et aux patrons de ses services de renseignement pour faire cesser la campagne et les provocations qui visent l’Algérie. Si c’est le cas, il faudrait s’attendre au limogeage imminent de Nasser Bourita, Mustapha Hammouchi et Yassine Mansouri. Faute de quoi, son long discours mielleux sera un coup d’épée dans l’eau.
K. M.
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