Une première : des soldats de l’armée marocaine fuient à la nage vers Ceuta
Par Nabil D. – Après les 10 000 civils qui ont déferlé sur l’enclave espagnole de Ceuta en mai dernier, c’est au tour des soldats de l’armée marocaine de fuir vers la rive nord du détroit de Gibraltar pour demander l’asile. «Désormais, ce sont ceux qui sont chargés d’arrêter les migrants qui émigrent eux-mêmes», s’inquiète-t-on en Espagne où on s’attend à une nouvelle vague au vu de la situation sociale catastrophique qui règne au Maroc. C’est, d’ailleurs, en connaissance de cause que le quotidien El-Pais a relevé, dans un récent article, que «le Maroc, contrairement à l’Algérie, qui collabore activement contre l’immigration irrégulière, a tendance à signaler son manque de moyens et à demander de l’argent».
Selon le média espagnol El-Confidencial qui rapporte l’information, c’est la première fois qu’un tel phénomène se produit, ajoutant que cela est symptomatique de divisions au sein des Forces armées royales, en dépit des avantages salariaux dont les militaires et les assimilés jouissent par rapport au reste de la population marocaine. Il s’agirait de membres des forces auxiliaires dont le nombre total avoisinerait les 45 000 hommes, placés sous le commandement du gouverneur. Le régime marocain s’en sert notamment pour la répression des manifestations et, dans les régions frontalières, pour lutter contre l’émigration clandestine. Parmi les éléments qui ont choisi de tout abandonner derrière eux et de quitter le Maroc, certains occuperaient de hautes fonctions dans la hiérarchie de cette composante de l’armée marocaine, précisent les sources médiatiques espagnoles.
D’anciens soldats de l’armée marocaine ont manifesté récemment pour protester contre leur abandon par le régime. «Nous avons libéré le Sahara [Occidental, ndlr] et nous n’avons rien touché en retour», s’écriaient ces militaires mis à la retraite sans pension, ni aucune aide de l’Etat marocain. Les soldats en fonction vivent, eux aussi, dans des conditions lamentables, selon de nombreux témoignages de dissidents qui déconseillent aux membres des FAR de se hasarder à défier l’armée algérienne «autrement mieux équipée et plus aguerrie». Ils dissuadent les recrues marocaines de céder au chant des sirènes du Makhzen qui ferait d’elles une chair à canon, comme il le fait au Yémen en contrepartie de dollars sonnants et trébuchants payés par les Al-Saoud à la famille régnante prédatrice.
Il est attendu que cette première vague de désertions soit suivie par d’autres encore plus conséquentes, même s’il va de soi que les autorités espagnoles ne pourront pas accepter toutes les demandes d’asile qui leur parviendront des milliers de futurs migrants qui n’auront d’autre choix que de tenter d’atteindre l’autre rive de la Méditerranée pour fuir la misère et la dictature.
Le dernier discours ondoyant et narcotique de Mohammed VI à l’adresse de l’Algérie, qu’il a de nouveau suppliée de rouvrir ses frontières terrestres, est la preuve, s’il en est, que le Maroc traverse une situation difficile qui prélude une explosion sociale imminente. La mèche de la révolution dans le nord ne s’est jamais éteinte et la confrontation s’avère inéluctable entre les citoyens du Rif, qui réclament leur indépendance depuis le début des années 1920 à ce jour, et des forces armées royales éreintées par la guerre au Sahara Occidental et de plus en plus conscientes qu’elles ne servent pas le pays mais les intérêts du roi, de sa cour et d’une poignée de politiciens français hédonistes et d’émirs du Golfe frustrés, habitués des nuits torrides de Marrakech.
N. D.
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