Parce que nous sommes en guerre…
Contribution de Nacer Achour – «Mais il y a une autre urgence, c’est celle de revoir nos schémas mentaux. Un drame n’arrivant jamais seul. A côté de la désolation qui a frappé nos paysages et nos montagnes et la perte inestimable en vies humaines, il s’y est ajouté un drame crapuleux comme pour mieux convoquer les démons et pousser notre pays un peu plus vers l’abîme. Certes, ce sont des individus qui ont assassiné le jeune Djamel Bensmaïl mais ce sont les idées, l’ignorance et la haine qui ont conduit à cet acte innommable.» (Saâd Hamidi, in Algeriepatriotique, 14 août 2021.)
Ce que nous craignions le plus et que nous avions exprimé à travers nos récentes publications sur Algeriepatriotique est en passe de devenir une réalité avec le crime commis à l’endroit du jeune Bensmaïl, lynché, brûlé puis égorgé à Larbâa Nath Irathen, région natale de celui qui avait mis à la disposition du FLN naissant et depuis la prison où il se trouvait, la ronéo qui avait servi à la publication de la proclamation du 1er Novembre 1954 : Abane Ramdane.
Nous rendons ici hommage à la sagesse de la famille de la victime dont nous partageons l’immense douleur comme nous tenons à lui présenter nos sincères condoléances.
Notre région est, une fois de plus, victime d’un complot dirigé contre le pays tout entier et la population de la Kabylie, dont je suis originaire, doit se rendre à l’évidence, et une bonne fois pour toutes, que les criminels, ceux qui ont voulu nous brûler vifs, dans nos villages, dans nos maisons et qui voulaient sans doute et de cette façon faire d’une pierre deux coups ne sont pas ceux qu’on croit. L’armée et l’Etat algériens n’ont aucun intérêt à commettre ce qui vient de se commettre. Les criminels sont plutôt à chercher ailleurs, du côté des mercenaires, des agents infiltrés qui roulent pour des parties ennemies de l’Algérie, victime de ses positions politiques de principe : la solidarité Etat et nation avec le peuple sahraoui et le peuple palestinien et la défense des intérêts de l’Afrique au sein même de l’Union africaine.
L’élite intellectuelle et politique se doit de sortir de son mutisme et d’appeler, ce faisant, à l’apaisement, à la fraternité et à la solidarité entre tous les citoyens algériens fiers de leur appartenance à ce pays, à l’Histoire millénaire qui a vaincu les invasions de toutes sortes. Elle a le devoir de sensibiliser cette jeunesse manipulée à travers les réseaux sociaux et certaines chaînes de télévision sponsorisées par l’ennemi, et qui continue à stigmatiser l’Etat (la classe dirigeante et l’ANP) aux cris de «pouvoir assassin» à l’endroit même où a été commis le crime contre le jeune de Miliana, Djamel Bensmaïl, qui serait «venu aider ses frères kabyles à éteindre le feu».
L’élite intellectuelle et politique kabyle de la diaspora se doit, plus que jamais, de se démarquer, dans un premier temps, des discours «La Kabylie brûlée par l’Algérie» prêchés sur la Place de la République, à Paris, ou à Montréal par celles et ceux dont les objectifs sont inavoués. Elle doit avoir le courage de dénoncer les extrémistes qui activent à l’étranger ou dans la région et qui se servent encore une fois de la Kabylie pour atteindre l’Algérie. Elle a le devoir de réfléchir sur les voies et moyens d’exprimer, dans un deuxième temps, notre solidarité agissante à l’endroit des populations sinistrées à travers tout le territoire national, en appelant, une fois les incendies maîtrisés, le calme dans les esprits revenu, à des manifestations pour :
– dénoncer le crime barbare commis contre l’humanité et l’environnement par les auteurs et les commanditaires des incendies qui ont ravagé et ravagent encore la région kabyle et les autres régions du pays, causant ainsi des pertes en vies humaines, des pertes économiques et des dégâts écologiques considérables.
– Appeler les citoyens à s’organiser en comités de vigilance pour la protection et la sauvegarde des intérêts du pays et de la région et veiller à ce que ces comités ne soient pas infiltrés et récupérés par les activistes que l’on sait. Comités qui doivent appeler à leur tour la population kabyle à se démarquer des extrémistes de tous bords à travers des marches aux chefs-lieux des wilayas en brandissant des slogans tels «Non, la Kabylie n’est pas à vendre» et «Tizi Ouzou ne sera pas Tel-Aviv».
Parce que nous sommes en guerre, une guerre souterraine qui nous est livrée par tous les moyens et depuis un certain temps : cyberguerre permanente sur les réseaux sociaux, une guerre d’espionnage, économique, bactériologique… Nous nous devons d’œuvrer main dans la main avec les institutions de l’Etat, civiles et militaires, afin de sortir de cette situation qui nous est imposée, en dépassant nos divergences. L’urgence des urgences au jour d’aujourd’hui étant de veiller à la stabilité du pays et à la sécurité des populations, place sera faite à la réflexion, une fois ces incendies criminels maîtrisés, sur les voies et moyens de construire ensemble un Etat fort, un Etat craint et respecté, un Etat juste qui saura offrir un avenir meilleur à nos enfants et aux enfants de nos enfants.
Le pluralisme politique ayant montré ses limites, nous n’avons que faire d’une classe politique dépassée par les évènements. De plus, un pluralisme politique n’est d’aucun intérêt si le résultat devait à chaque fois aboutir à une situation de violence. (Les évènements de l’été 62, le maquis FFS de 1964-65, l’intrusion tolérée d’une mouvance fascisante dans le champ politique né des évènements d’Octobre 1988 et la tragédie qui a suivi l’arrêt du processus électoral en janvier 1992…) autant d’erreurs que les décideurs ne devraient plus commettre.
Le président Tebboune, qui faut-il le rappeler, n’est pas seulement le président de celles et de ceux des compatriotes qui ont voté pour lui un certain 12 décembre 2019 mais celui de tous les Algériens, de l’intérieur et de l’extérieur du pays, et ce malgré les difficultés qu’il continue à rencontrer sur le terrain le sachant (selon certaines sources bien informées) très mal entouré, donc très mal informé et très mal conseillé. Il doit être considéré comme un père pour toutes les Algériennes et pour tous les Algériens. Il est de ce fait, investi d’une lourde responsabilité, une responsabilité historique : rétablir la confiance, et par des actes, entre les dirigeants et la population de la région kabyle, en particulier, qui se sent de plus en plus non concernée par l’Algérie.
Nous attendons de lui le renforcement des institutions qui œuvrent à la sécurité des populations et du pays, notamment la justice, une justice véritablement indépendante, une administration au service du citoyen, la santé, les services de renseignement et de communication, une communication sérieuse et étudiée à l’endroit des citoyennes et des citoyens à travers les différentes chaînes de télévision.
Il est temps pour nous tous d’apprendre à apprendre de nos erreurs et des erreurs des autres, qui sont autant d’expériences, et d’aller de l’avant, de bien gérer la situation du moment présent et d’envisager sereinement l’avenir.
Nous nous inclinons enfin devant la mémoire de toutes les victimes et présentons nos sincères condoléances à leurs familles.
N. A.
Ecrivain
(Essonne, France)
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