Les juifs fuient le Maroc : cette vérité que Rabat cherche à cacher à tout prix
Par Kamel M. – «Une communauté sans avenir ?» s’interroge The Times Of Israel dans un long article de son envoyé spécial au Maroc pour couvrir la visite du ministre israélien des Affaires étrangères. «L’ancienne et autrefois importante communauté juive marocaine était un thème récurrent dans les remarques des deux parties lors de leurs réunions cette semaine. Bourita y a fait référence dans ses remarques conjointes avec [Yair] Lapid, qui a ouvert son discours en évoquant les deux mille ans d’histoire des juifs du Maroc», écrit le journal anglophone.
«Pendant la majeure partie de cette période, a-t-il déclaré, les juifs marocains ont vécu ici [au Maroc, ndlr] dans la paix et une profonde amitié. C’est pourquoi, pour des centaines de milliers d’Israéliens qui nous regardent aujourd’hui, le Maroc fait partie de leur identité, ils ne voyageront pas ici en touristes, ils voyageront en famille pour découvrir leur patrimoine et leurs souvenirs», insiste le média israélien. Et c’est en mettant la main à la poche que Tel-Aviv compte renforcer ces liens, puisque le chef de la diplomatie israélienne comptait dans sa délégation le ministre des Affaires sociales, Meir Cohen, né au Maroc. Les séquelles des images de responsables d’une synagogue distribuant des vivres à des sujets marocains musulmans durant le Ramadhan demeurent à ce jour chez la communauté musulmane au Maroc qui a vu dans cette mise en scène surmédiatisée une insulte à leur égard, avec la bénédiction du régime honni.
Pourtant, les faits, s’agissant des juifs du Maroc, contredisent le discours officiel. «Bien que la communauté juive locale et ses liens étroits avec Israël aient certainement facilité le processus de normalisation, l’accent mis sur la communauté soulève certaines questions», précise The Times Of Israel qui fait parler des responsables du culte juif. Ces derniers indiquent, en effet, que «parfois, le sujet semble être un moyen d’éviter de parler de problèmes plus importants». «Les dirigeants locaux ne sont pas optimistes quant à l’avenir de la communauté [juive]», souligne le journal qui fait parler le chef d’un consistoire israélite. «Je ne pense pas qu’il y ait d’avenir [au Maroc]», a déclaré un rabbin qui a servi dans une synagogue marocaine pendant plus de trente ans, en soulignant que «les relations avec les voisins musulmans et le gouvernement sont bonnes», mais que «les jeunes juifs marocains choisissent de construire leur vie en France ou en Israël».
La communauté juive marocaine fuit le pays par vagues. Cultivée et aisée, ce n’est pas à la nage et au risque de sa vie qu’elle essaye de gagner les côtes espagnoles, mais dans un cadre autrement plus somptueux, en s’inscrivant dans les grandes écoles françaises ou en s’installant en Israël où les portes d’un avenir radieux les attendent, grâce aux privilèges que leur offre le gouvernement israélien. Certains rejoignent les grandes firmes en avance sur les nouvelles technologies, d’autres occupent des postes dans l’administration et d’autres enfin s’enrôlent dans les rangs de l’armée et des services secrets par fidélité à l’entité sioniste.
Contrairement à l’image idyllique que le Makhzen tente de montrer de la «cohabitation pacifique» entre les communautés musulmane et juive au Maroc, le fossé s’élargit chaque jour un peu plus, en raison de l’appartenance de la minorité juive à une classe privilégiée dont l’opulence ostensible insulte l’écrasante majorité qui vit dans des conditions sociales misérables, et du soutien majoritaire à la cause palestinienne. Un soutien exprimé clairement lors de manifestations gigantesques à travers tout le territoire marocain après chaque agression israélienne contre les Palestiniens. Ce fut le cas lors du siège de Gaza et au lendemain de l’expulsion de familles palestiniennes du quartier de Cheikh Jarrah, à El-Qods, où le Maroc compte ouvrir son ambassade d’ici deux mois.
K. M.
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