Drogue : quand Darmanin cite l’Algérie nommément et ménage le Maroc
Par Nabil D. – Le ministre français de l’Intérieur a cité notre pays parmi les pays qui posent problème à la France en matière de trafic de drogue. Gérald Darmanin a mis sur un pied d’égalité le Maroc, premier producteur de cannabis au monde, et l’Algérie qui mène un combat inlassable contre les tonnes de kif introduits clandestinement à travers les frontières marocaines. Maladresse ou volonté de ménager la susceptibilité du régime de Rabat ?
«Il y a des narco-pays pas très loin de nous qui produisent, qui consomment, qui vendent. Le port de Marseille, le port du Havre, les autoroutes qui vont des Pays-Bas à la France ; ces pays-là, nous devons leur tenir le discours de vérité», a déclaré le pensionnaire de la place Beauvau, qui fait ainsi une allusion directe au Maroc mais qui préfère parler de pays au pluriel. A la question du journaliste de BFMTV «est-ce que le Maroc et l’Algérie collaborent suffisamment ?» Gérald Darmanin a rétorqué qu’il ne voulait pas faire de procès ad hominem, mais que, «ce qui est certain, c’est que les pays du Maghreb, du nord de l’Europe et d’Amérique du Sud nous aident». «La coopération avance. On a fait de très belles affaires au Maroc très récemment. On a arrêté de grands délinquants internationaux à Dubaï, mais nous pouvons faire collectivement beaucoup mieux», a-t-il affirmé.
Interrogé sur les trafiquants qui «fuient en Algérie et au Qatar», le ministre français de l’Intérieur, qui s’exprimait suite à une nouvelle fusillade à Marseille ayant coûté la vie à un adolescent de 14 ans et blessé deux autres dont un enfant de 8 ans, a indiqué que des mandats d’arrêts internationaux contre des trafiquants de drogue ont été lancés par la France. «Il faut savoir, aujourd’hui, que ceux-ci utilisent l’Internet, les messages décryptés, suivent par géolocalisation l’arrivée de la drogue par containers sur le continent européen», a-t-il poursuivi. «Chacun sait, a-t-il encore ajouté, que par les ports, que par l’Espagne, des go fast [technique utilisée par les trafiquants pour transporter la drogue par voie maritime, ndlr] remontent et que les quantités d’argent échangé dans les points de deal s’élèvent parfois à 100 000 euros par jour.»
«Quand des gens sont en fuite […], il y a d’autres réseaux qui essayent de prendre le pouvoir et ça donne lieu à ce genre de règlements de comptes, même si leur nombre a été divisé par deux depuis dix ans», a fait savoir Gérald Darmanin, selon lequel «on voit bien que lorsqu’on a ce genre de fortune possible d’argent sale, alors, effectivement, les règlements de comptes sont là». «De plus, il y a une militarisation aujourd’hui du trafic de drogue», a-t-il souligné, en notant que «8 000 trafiquants ont été arrêtés au premier semestre de l’année en cours» et que sur ces 8 000 personnes «60% avaient des armes, et parfois des armes de guerre». Tout en dénonçant la «banalisation» de la consommation des stupéfiants, le ministre français, qui a révélé que plus de quarante tonnes de drogue ont été saisis en six mois, a rappelé que l’argent de la drogue «est envoyé à l’étranger et, parfois, finance les réseaux terroristes et criminels».
Il y a deux ans, la Cité phocéenne a connu une série de règlements de comptes qui a coûté la vie à une vingtaine de ressortissants algériens impliqués dans le trafic de drogue. Issues pour la plupart de la wilaya de Khenchela, les victimes ont été abattues par balles et, pour certaines, immolées après leur assassinat. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérard Collomb, avait promis de faire toute la lumière sur ces meurtres, mais aucune information n’a été divulguée à ce jour.
N. D.
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