Bourse d’Alger : une création purement administrative en constante léthargie
Contribution d’Abderrahmane Mebtoul – La Bourse d’Alger, création administrative en 1996, est en léthargie, les plus grandes sociétés algériennes, comme Sonatrach et Sonelgaz, et plusieurs grands groupes privés n’étant pas cotés en Bourse. Sa dynamisation aurait permis d’éviter le financement non conventionnel où, seulement pour l’année 2021, il est prévu 16 milliards de dollars, soit plus de 2 100 milliards de dinars de planche à billets qui, sans contreparties productives, pourraient avoir un effet inflationniste.
L’important pour une Bourse fiable est le nombre d’acteurs fiables au niveau de ce marché pour l’instant limité. Imaginez-vous un très beau stade de football pouvant accueillir plus de 200 000 spectateurs sans équipe pour disputer la partie, les autorités algériennes s’étant contentées de construire le stade mais sans joueurs. En cette ère de profondes mutations mondiales, dominées par les grands espaces économiques, l’ère des micro-Etats étant révolue, une Bourse pour 44 millions d’habitants est une utopie. Aussi est-il souhaitable que la Bourse d’Alger s’inscrive dans le cadre de la future Bourse euro-méditerranéenne prévue à l’horizon 2025, en supposant au préalable la résolution de la distorsion des taux de change.
La léthargie de la Bourse d’Alger renvoie principalement à un environnement des affaires contraignant, lui-même lié au mode de gouvernance. L’obstacle principal est donc un environnement des affaires bureaucratisé, lequel explique le peu d’entreprises productives et, donc, cette léthargie. Référons-nous à tous les rapports internationaux dont les résultats sont mitigés sur le climat des affaires en Algérie où le pouvoir bureaucratique décourage les véritables investisseurs. L’Algérie a un cadre macro-économique stabilisé artificiellement par la rente des hydrocarbures. Elle n’arrive pas à dynamiser la sphère réelle et risque, à terme, de se vider de ses cerveaux, la substance essentielle du développement du XXIe siècle.
Comme le montrent certaines enquêtes de l’ONS, l’économie algérienne est une économie rentière exportant 98% d’hydrocarbures à l’état brut ou semi-brut et important 70 à 75% des besoins des entreprises – dont le taux d’intégration, privé et public, ne dépasse pas 15%. Environ 83% du tissu économique sont représentés par le commerce et les services de très faibles dimensions, le taux de croissance officiel hors hydrocarbures est artificiel, 80% du PIB via la dépense publique, et il l’est grâce aux hydrocarbures. Force est de constater que, selon les données officielles, plus de 90% des entreprises privées algériennes sont de type familial, sans aucun management stratégique, et que 85% des entreprises publiques et privées ne maîtrisent pas les nouvelles technologies d’information.
La majorité des segments privés et publics vivent grâce aux marchés publics octroyés par l’Etat. Par ailleurs, l’économie est dominée par la sphère informelle, totalisant, selon le président de la République, entre 6 000 et 10 000 milliards de dinars, entre 33 et 45% du PIB, ce qui montre la difficulté de son estimation, notamment marchande, elle-même liée à la logique rentière. Car, pour avoir une cotation significative, l’ensemble des titres de capital de la Bourse d’Alger doit représenter une part significative du produit intérieur brut, les volumes de transactions observés étant actuellement insuffisants.
Les opérateurs privés susceptibles de se lancer dans cette activité ne pourront le faire que lorsque le nombre de sociétés et le volume traité seront suffisants pour seulement couvrir leurs frais. Cette activité est déficitaire dans les services des banques publiques, là où elle est exercée. Sur le plan technique, en l’état actuel de leurs comptes, très peu d’entreprises connaissent exactement l’évaluation de leurs actifs selon les normes du marché. Il se trouve que les comptes des entreprises publiques algériennes, de la plus importante à la plus simple, sont dans un état qui ne passerait pas la diligence des audits les plus élémentaires.
Sonatrach a besoin d’un nouveau management stratégique, à l’instar de la majorité des entreprises algériennes, avec des comptes clairs afin de déterminer les coûts par section. L’opacité de la gestion de la majorité des entreprises qui se limitent à livrer des comptes globaux consolidés voile l’essentiel. Pour Sonatrach, par exemple, il s’agit de distinguer si le surplus engrangé par cette société est dû essentiellement à des facteurs exogènes, donc à l’évolution du prix au niveau international, ou à une bonne gestion interne. Aussi il ne faut pas chercher cette défaillance dans l’appareil technique et réglementaire, mais dans le cadre macroéconomique et macrosocial dans la mesure où son efficacité doit s’inscrire au sein d’une vision stratégique claire du développement indissociable des nouvelles mutations mondiales.
A. M.
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