Déclaration intégrale de Sofiane Mimouni devant le Comité spécial de décolonisation
Le représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies a estimé que le Comité de décolonisation «a le devoir historique et juridique de maintenir la foi du peuple sahraoui dans le processus de paix de l’ONU au Sahara Occidental». Dans sa déclaration devant le séminaire régional du Comité spécial de la décolonisation (Comité des 24), tenu du 24 au 27 à Porsthmouth (Dominique), axé notamment sur la mise en œuvre de la quatrième Décennie internationale de l’éradication du colonialisme, Sofiane Mimouni a estimé qu’«il est du devoir historique, politique et juridique de ce Comité de veiller à ce que la foi du peuple sahraoui dans la légalité internationale et la paix des Nations unies ne soit pas perdue.
R. N.
Ci-après l’intégralité de sa déclaration faite à cette occasion :
«Tout d’abord, je tiens à exprimer ma gratitude au gouvernement et au peuple de la Dominique pour leur hospitalité et pour nous avoir fourni d’aussi excellents arrangements en ces temps difficiles. Mes remerciements vont également au Président ainsi qu’aux membres du C24 pour nous avoir offert cette opportunité de contribuer au débat sur la manière de faire avancer le rôle et les réalisations de cet important Comité.
Madame la Présidente,
Depuis l’adoption, il y a soixante ans, de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux, le Comité spécial de la décolonisation s’efforce d’accompagner les territoires non autonomes sur la voie de la décolonisation.
Il est toutefois préoccupant qu’après trois décennies consacrées à l’éradication du colonialisme, seul un territoire non autonome a pu être retiré de la liste, le Timor Oriental en 2002. Avec l’évolution technologique, l’émancipation politique de la plupart des nations du monde et l’approbation et la promotion des droits de l’Homme à l’échelle mondiale, nous sommes toujours témoins de l’assujettissement inacceptable de populations à l’occupation et à l’exploitation.
Ce constat décourageant ne doit, toutefois, pas nous détourner de notre objectif, ni nous faire remettre en cause la validité du mandat confié au Comité des 24 par l’Assemblée générale en 1961. Au contraire, il doit constituer un rappel de notre devoir de mettre fin rapidement au colonialisme sous toutes ses formes et manifestations, en consolidant nos succès et en tirant les leçons de nos échecs pour redynamiser l’action du Comité et trouver les moyens d’assurer la décolonisation de tous les territoires non autonomes.
Bien qu’insuffisants, les efforts et les réalisations du comité spécial restent louables. Et comme le reflète le thème du séminaire de cette année, il faut un engagement renouvelé envers le mandat du Comité et une action juste et ferme de ses membres et de la communauté internationale pour préserver les droits politiques et économiques des peuples des territoires non autonomes.
Pour ce faire, la voie est déjà tracée grâce au plan d’action sur l’éradication du colonialisme et tout ce qu’il faut, à présent, c’est du courage et de l’intégrité pour user de tous les moyens mis à la disposition du Comité et qui, dans bien des cas, n’ont pas pu être utilisés. A cette fin, ma délégation est fermement convaincue qu’il n’y a pas de place à l’obstruction s’agissant des droits des peuples, et que le moyen le plus pragmatique et le plus agile d’atteindre l’objectif de la décolonisation est d’assurer la pleine collaboration des puissances administrantes ou occupantes, de bonne foi, conformément aux buts et objectifs de la Charte des Nations unies et, principalement, dans le respect de la volonté des peuples des territoires non autonomes.
Madame la Présidente,
La question du Sahara Occidental est à l’ordre du jour du Comité depuis 58 ans, depuis son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée générale. Malheureusement, l’ONU, y compris cet auguste Comité, n’ont enregistré que très peu d’avancées dans le processus visant à tenir un référendum libre devant permettre au peuple de ce territoire non autonome d’exercer son droit à l’autodétermination. Ce processus s’est heurté à de multiples obstacles et à une volonté manifeste de le dévier de l’objectif qui lui avait été fixé. Ces décennies d’inaction ont conduit à la détérioration significative de la situation sur le terrain avec l’effondrement du cessez-le-feu, la reprise des hostilités, l’absence de perspectives pour le processus de paix et la vacance, depuis plus de deux ans, du poste d’envoyé personnel.
La situation qui prévaut actuellement au Sahara Occidental est un autre chapitre de la politique d’obstruction adoptée par l’Etat occupant, qui vise à entraver toutes les initiatives et opportunités pour assurer une solution juste et définitive de la question du Sahara Occidental. Elle a commencé avec le plan de règlement ONU-OUA, formellement accepté en 1991 par les deux parties, le royaume du Maroc et le Front Polisario, et avalisé par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui prévoyait l’organisation par les Nations unies d’un référendum au Sahara Occidental libre de toutes contraintes administratives et militaires. S’ensuivent des décennies d’initiatives et de négociations qui se sont terminées toutes de la même manière : un échec.
Malheureusement, et même au cours de la pandémie mondiale, cette politique n’a pas changé, elle s’est même plutôt intensifiée, soumettant le peuple sahraoui à de graves violations de ses droits humains et politiques, tandis que ses ressources naturelles sont pillées.
Cette longue histoire d’échec du processus de paix au Sahara Occidental pourrait se résumer par le fait que depuis son lancement des éléments très cruciaux manquaient de la part de la même partie au conflit «bonne foi et volonté politique» sans lesquelles aucune initiative ne peut réussir.
Madame la Présidente,
L’agilité a été un exercice quotidien du peuple du Sahara Occidental pour surmonter les conditions de vie difficiles et la privation continue de ses droits fondamentaux. Le peuple sahraoui a démontré, au fil des années, sa volonté de surmonter l’adversité, la déformation de la vérité et toutes les tentatives infondées de bafouer son identité et son combat pour l’indépendance.
Et pourtant, le peuple du Sahara Occidental était et demeure toujours ouvert à une coopération avec les Nations unies pour assurer l’achèvement de la décolonisation de son territoire à travers la tenue d’un référendum libre et crédible sous les auspices des Nations unies.
Il est du devoir historique, politique et juridique de ce Comité de veiller à ce que sa foi dans la légalité internationale et le processus de paix des Nations unies ne soit pas perdue. Le Conseil de sécurité, y compris dans sa résolution la plus récente d’octobre dernier sur le Sahara Occidental, la résolution 2548 (2020), a fixé le paramètre de la solution à la question du Sahara Occidental en appelant les deux parties à engager des négociations, sans condition préalable et de bonne foi, pour parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui assurera l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental. Ceci constitue l’approche la plus pragmatique qui devrait être soutenue par cet auguste Comité et l’Assemblée générale.
Il est donc important que le C24 renforce son action. Nous encourageons le Comité à utiliser tous les outils dont il dispose, y compris la mission de visite, pour assurer la protection des droits politiques, économiques, sociaux et culturels du peuple du Sahara Occidental, en particulier dans le contexte de la pandémie de Covid-19 et pour soutenir la réussite du processus de décolonisation.
Nous gardons espoir que la raison et la légalité prévaudront. L’Algérie continuera, pour sa part, à soutenir les efforts du Secrétaire général des Nations unies et de l’Union africaine visant à relancer les négociations directes entre le royaume du Maroc et le Front Polisario en vue d’aboutir à une issue positive garantissant le libre exercice par le peuple du Sahara Occidental de son droit inaliénable à l’autodétermination.
L’Algérie continuera également à apporter son soutien au peuple du Sahara Occidental, et à ceux des territoires non autonomes comme dicté par le devoir de solidarité envers les peuples et les pays coloniaux.
Je voudrais conclure en rappelant que nous devrions être conscients du fait que pendant que nous nous réunissons ici, la vie et l’avenir de millions de personnes sont directement impactés par nos délibérations. Il est donc de notre devoir de faire en sorte que leur volonté de présider à leur destin soit entendue et respectée.
Je vous remercie.»
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