Comment Bourita et Mansouri ont berné Mohammed VI sur le contrat de gaz
Par Abdelkader S. – Jusqu’à la dernière minute, les services secrets de Mohammed VI et son ministre des Affaires étrangères lui ont menti sur le Gazoduc Maghreb-Europe et la position de l’Algérie par rapport à cette canalisation qui traverse le territoire marocain et dont le contrat, lui ont-ils fait croire, allait être reconduit malgré la rupture des relations diplomatiques. Nasser Bourita et Yassine Mansouri ont avancé pas moins de douze arguments à leur souverain pour le «rassurer» sur l’absence d’impact de la décision algérienne concernant ce «formidable outil de coopération gagnant-gagnant […], exemple de projet régional structurant et mutuellement bénéfique».
Mohammed VI aura cru jusqu’au bout que l’Algérie n’allait pas résilier le contrat qui prend fin le 31 octobre prochain. Ses interlocuteurs lui ont fait comprendre que ce «projet transfrontalier […] a joué son rôle un quart de siècle durant, sans le moindre couac, malgré les aléas politiques et la fermeture des frontières en 1994», que le gazoduc Medgaz, qui relie directement l’Algérie à l’Espagne via la mer Méditerranée «ne suffit pas», que «les tensions politiques n’ont pas réussi à altérer le bon fonctionnement du gazoduc» qui traverse le Maroc et que, de toute façon, «les exportations algériennes en gaz à destination de la péninsule ibérique dépassent largement les capacités de Medgaz».
«L’Algérie ne peut se passer du Gazoduc Maghreb-Europe si elle souhaite continuer à conserver et même à augmenter sa part de marché européen», ont encore argué les services marocains, selon lesquels «les dirigeants algériens ont toujours mis à l’abri le gazoduc des tensions avec le Maroc». Mansouri et Bourita ont été jusqu’à rassurer Mohammed VI que «l’Algérie et le Maroc continuent de discuter de la reconduction du contrat du gazoduc», alors que la décision de l’Algérie avait déjà été prise. Leur argument : des considérations soumises à des traités internationaux que l’Algérie serait obligée de respecter, en ce sens que «l’Espagne et le Portugal ont leur mot à dire».
Le ministre et le parton du renseignement extérieur ont, ensuite, tenté de persuader leur roi que l’impact d’une non-reconduction du contrat par l’Algérie serait «vraiment négligeable» pour le Maroc et que «la logique commerciale et le simple bon sens» voudraient qu’Alger, qui «se livre à un jeu de poker menteur», «renouvelle le contrat».
Seulement voilà, Alger ne bluffait pas. Mohammed VI a cru les deux bonimenteurs. Continuera-t-il à faire confiance à ses collaborateurs casse-cou qui ont conduit la diplomatie marocaine droit dans le mur ou s’en débarrassera-t-il pour sauver la face faute de pouvoir sauver les meubles ?
A. S.
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