Le président du Conseil italien : «Moscou peut nous aider à stabiliser l’Afghanistan»
De Rome, Mourad Rouighi – A quelques jours du G20 que l’Italie s’apprête à organiser et qui sera centré sur la question afghane, et ce en conséquence du retrait des troupes de l’OTAN d’Afghanistan, le président du Conseil italien, Mario Draghi, a reçu à Rome le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, pour discuter des tractations en cours pour garantir l’avenir et la stabilité de ce pays, tout en abordant d’autres thèmes dont la Libye.
Une rencontre voulue expressément par le Premier ministre italien, la chute précipitée de Kaboul ayant traumatisé les esprits en Occident et ayant bouleversé l’équilibre international, c’est donc en pompier que Mario Draghi compte organiser le prochain G20 et, sur ce plan, son équipe compte beaucoup sur Moscou pour arriver à un consensus, le plus large possible, autour d’un projet de solution a minima, portant sur un gouvernement afghan d’unité nationale ouvert à tous les principaux partis du pays et confié à un profil de garantie, comme l’est l’ancien président Hamid Karzaï.
Cela dit, Mario Draghi, selon certaines sources, n’a pas manqué de faire part à son hôte de l’irritation de nombre de leaders européens pour la mauvaise coordination avec Washington sur l’affaire afghane et tente probablement, à la demande du président américain, Joe Biden, d’y remédier, en préparant ce rendez-vous avec les poids lourds de la communauté internationale.
Quant à Moscou, tout en savourant sa revanche sur l’histoire, elle n’a pas manqué de rappeler que les aventures irakienne, libyenne et syrienne ont été voulues en contrevenant au droit international et que le fiasco afghan doit servir de leçon aux récidivistes dans la déstabilisation ciblée des nations et que le moment est venu d’ébaucher un nouveau modèle de relations internationales, plus inclusif et plus juste.
D’autant que pour le camp atlantique, un canal constructif avec Moscou est nécessaire pour persuader Pékin de faire sa part. Mais la Chine, accusée de tous les maux, à commencer par être à l’origine de la pandémie en cours et qui accuse les Etats-Unis de fomenter les Ouïghours pour saper sa stabilité interne, refuse de courir au secours de Washington.
D’où l’importance de la Russie, alliée et partenaire de la Chine, qui, pour lancer son action de conviction vis-à-vis du Dragon, pose quelques conditions : le chef de la diplomatie russe a demandé que la lutte contre le terrorisme soit en tête de l’agenda et que tous les pays frontaliers de l’Afghanistan, ou des trois anciennes Républiques soviétiques (Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan), du Pakistan et de l’Iran soient invités.
En second lieu, Poutine qui ne veut pas donner l’impression qu’il agit comme une béquille de l’Occident, exige un changement de cap en Syrie et un esprit constructif tant en Ukraine qu’en Biélorussie.
En échange, Moscou serait prête à céder sur un dossier cher à l’Italie et se dit disposée à soutenir le gouvernement de Tripoli et à envisager un retrait des troupes Wagner de Libye, à condition que ce départ soit garanti par tous les acteurs sur place, à commencer par les forces turques.
La Russie, qui possède certaines clefs de la solution en Asie centrale, sait que le scénario cauchemar serait une guerre de tous contre tous et une guerre civile dont les conséquences seraient cette fois imprévisibles ; la réapparition de l’oiseau de mauvais augure, l’inénarrable Bernard Henri Lévy, aux côtés du fils du colonel Massoud, a rappelé à certaines capitales que l’action de nuisance de certaines chancelleries est, hélas, dure à enterrer.
D’où l’intérêt pour Rome et Moscou de faire réussir le prochain G20 et sa probable feuille de route pour l’Afghanistan.
M. R.
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