Contribution – La lente érosion de l’arrogance de la monarchie marocaine
Contribution d’Ali Akika – On retiendra dans l’avenir que la rupture des relations diplomatiques et la fermeture du gazoduc algérien sur le territoire marocain furent les planches savonneuses sur lesquelles allait tituber la monarchie. Mais pour saisir l’actuel réveil brutal de la monarchie marocaine, il faut remonter le temps et suivre les méandres de l’érosion de son arrogance. Commençons par le point de départ de l’aventure «royale», l’invasion du Sahara Occidental par le roi Hassan II. Erosion qui est en train de se transformer en voyage à Canossa pour son fils Mohamed VI. Fin de l’année 1975, l’Espagne, pays colonisateur du Sahara Occidental, est paralysée par la longue agonie de Franco.
Hassan II sauta sur cette occasion en or pour envahir le Sahara «espagnol» le 7 novembre 1975 sachant pertinemment que Madrid attendait du jour au lendemain la disparition de Franco qui mourût, en effet, le 20 novembre de la même année. Le Maroc trouva ainsi la route ouverte à la suite d’une armée espagnole en train de plier bagages. Coup médiatique réussi dans une Espagne et une Europe préoccupées par le vide politique avec la mort annoncée du dictateur espagnol. On ne prêta pas attention au machiavélique Hassan II dont on commençait à oublier l’incroyable et criminel kidnapping de Ben Barka en plein Paris et ensuite son assassinat dans des conditions atroces (1965).
Hassan II pensa alors triompher, sauf qu’il ignora un peu trop vite l’existence d’un mouvement de libération sahraoui qui avait commencé la lutte contre l’Espagne. Il supputa aussi l’inertie de l’Algérie car il ne s’attaquait pas à Tindouf, territoire algérien comme il le fit en octobre 1963. Double erreur de sa part car son stratagème de partage du Sahara avec la Maurétanie échoua dans les sables mouvants du désert sous la double réaction du Polisario et de l’Algérie. Hassan II se tourna alors sur la scène internationale en comptant sur ses amitiés américano-européennes. Peine perdue, la Cour internationale de la justice de La Haye reconnut le caractère de territoire colonisé du Sahara espagnol et donc le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Il ne restait alors à Hassan II que la chose qu’il savait faire, mobiliser ses protecteurs à l’étranger, engager des officines de la désinformation qu’il payait à prix d’or pour faire oublier le Sahara Occidental et mettre en avant un coupable tout désigné : l’Algérie. Dans ses noirs desseins, il répandit son venin sur l’Algérie à l’aide de sa vile propagande d’une armée de communicateurs bien équipée et bien huilée avec des dollars. Ces communicants compensaient l’incompétence de son ministère des Affaires étrangères dont le moindre acte se transforme en bourde – n’est-ce pas mister Hilale ? – à l’ONU.
Ce tapage médiatique et ces dépenses faramineuses n’empêchèrent pas le Polisario de marquer des points sur le terrain. Il mit fin au lamentable et scabreux partage de son pays entre le Maroc et la Maurétanie. Ce dernier regagna son bercail, abandonnant ainsi le Maroc à un face-à-face avec la guérilla sahraouie qui asséna des coups à l’armée marocaine dont des milliers de soldats furent prisonniers. Il ne restait à Hassan II qu’à négocier avec le Polisario «terroriste» pour faire libérer ses soldats et s’engager à ce que l’ONU organise un référendum d’autodétermination. Hélas, on ne se débarrasse pas de sa nature profonde. Hassan II se remet à pratiquer l’art de gagner du temps en zigzaguant et en semant pièges et mensonges pour éviter de se présenter devant les urnes onusiennes. Une fois de plus, Hassan II profita d’une occasion qui s’offrit à lui, la longue et terrible séquence de terreur intégriste dans laquelle fut plongée l’Algérie. Le Maroc se permit alors de mettre des bâtons dans les pieds des représentants de l’ONU chargés d’organiser le référendum au Sahara Occidental. Il poussa l’outrecuidance jusqu’à entraver la nomination de représentants de l’ONU qui lui déplaisaient, empêcher la Minurso de faire respecter sur le terrain les décisions de l’ONU, de réprimer férocement les populations sahraouies et in fine occuper Guergarate un no man’s land (zone) qui sépare les deux armées ennemies.
Trop, c’est trop, le Polisario reprend la lutte armée en novembre 2020. Commence alors l’agitation du Makhzen, inquiet de la fin de sa tranquillité durant 30 ans dont il bénéficiait depuis le cessez-le-feu de 1991. Le roi s’attaqua maladroitement dans la forme et d’une arrogance infantile dans le fond à deux grandes puissances, l’Espagne et l’Allemagne. Le roi, petit colosse aux pieds d’argile fit l’erreur de son règne. Affronter de vrais colosses sur la scène internationale, ce n’est ni plus ni moins qu’une faute politique irréparable. Pris à la gorge, il accéléra la vitesse de son agitation en espionnant l’Algérie, en faisant ânonner son représentant à l’ONU le droit à l’autodétermination d’une région en Algérie et, enfin, en faisant introduire un «ami» peu bienveillant et étranger à la région.
Cet «ami» se permit d’accuser, au côté du «célèbre» et inénarrable ministre marocain des Affaires étrangères, l’Algérie d’avoir des relations «coupables» avec l’Iran. Ce n’est pas étonnant de la part d’un Etat qui a habitué le monde à violer le droit international quand il n’exige pas carrément de faire voter des lois sur mesure pour qu’il pratique allégrement le vol des terres, de l’eau et de bombarder ses voisins. Trop c’est trop ! «Notre» roi n’avait pas saisi le signal de l’Algérie, qui demanda à des paysans marocains de quitter les terres d’une oasis qu’ils cultivaient pour gagner leur vie (1). Signal de l’Algérie non décodé, refus de répondre à l’Algérie après l’injure ânonnée à l’ONU, en revanche inlassable mendicité de rouvrir la frontière accompagnée d’une mielleuse et hypocrite de dialogue avec le voisin et pays frère sont des preuves de l’impuissance et de l’hypocrisie de la monarchie. Avec un tel voisin sourd et aveugle, il faut sonner le tocsin pour le réveiller de sa torpeur. L’Algérie envoya deux missiles «pacifiques» mais qui font très mal à un pays aux abois, la rupture des relations diplomatiques et la fin de contrat du gazoduc traversant le territoire marocain.
Pourquoi le Maroc est-il descendu de son illusoire piédestal de la marche «triomphale» d’occupation du Sahara Occidental à son enfermement derrière un mur de sable avant la descente dans l’enfer de la défaite ? Il a tout simplement oublié l’évolution et les changements des rapports de force sur le terrain et sur la scène internationale. Il a cru faire oublier la revendication d’un peuple qui ne monnaie pas sa dignité comme tous les peuples. Il a plus misé sur l’esbroufe de la communication et la désinformation pour effacer la cause sahraouie. Il a surestimé «l’amitié» de l’Occident en sa faveur contre une Algérie avec ses dangereuses «accointances» avec des pays comme la Russie, la Chine et dernièrement avec l’Iran, selon Yaïr Lapid ministre israélien. Tout le monde a remarqué l’ignominie de M6 à marchander la cause palestinienne contre une illusoire signature sur un papier par faire reconnaître son occupation du Sahara Occidental. Cette trahison ne lui sera d’aucun service car tant de signatures, à Berlin pour partager l’Afrique, le partage de l’Europe à la conférence de Yalta, n’ont pas résisté à l’histoire qui les a enterrées…
On a remarqué que tous ses mensonges et ses supputations n’ont pas beaucoup d’effet sur la scène internationale si l’on se réfère aux appels au dialogue de ses amis du Golfe et de la France. A travers ces inquiétudes, on peut deviner que l’Algérie est un gros morceau à avaler. Dans la conjoncture actuelle où la grande Amérique signe l’échec de toutes les aventures de l’Occident, il n’est pas question d’aller sombrer une nouvelle fois dans un pays qui a une vue sur l’Europe de son balcon méditerranéen et une autoroute via les pays africains. D’autant que la France secrètement nourrit le désir de voir l’Algérie l’aider à sortir du bourbier du Sahel. Ces inquiétudes et cette volonté de ne pas froisser l’Algérie, je les ai remarquées dans les propos de journalistes français qui ont renvoyé à ses chères études un journaliste marocain qui croyait en l’appel de dialogue de son roi. Je voyais les journalistes français détourner leurs regards devant la naïveté du Marocain et la sous-estimation de la violence des rapports de force entre son pays et l’Algérie.
Un mot résume toute l’aventure du Maroc depuis le début, son impuissance politique à pouvoir imposer un rapport colonial aux Sahraouis. Il n’a pas compris que tous les exemples de la colonisation se sont terminés par le départ du colonisateur. A moins de massacrer tous les indigènes dans le silence et l’épaisseur des temps moyenâgeux, hélas, dont furent victimes les Amérindiens. Ça ne sera pas le sort des Sahraouis ni des Palestiniens. Il est frappant de remarquer le parallèle entre la politique du Maroc et celle de son nouvel ami Israël. Tous deux justifient leur présence sur des terres au nom d’une promesse divine ou d’une allégeance de tribus, tous deux construisent des murs pour se défendre du «terrorisme», tous deux s’assoient sur le droit international, tous deux, tous deux, etc.
A. A.
1- Il est important de ne pas confondre le peuple marocain et la monarchie/Makhzen. Il ne faut pas faire la même imbécile accusation par la presse du Makhzen contre le peuple algérien qui ne s’intéresserait pas au Sahara Occidental contrairement au peuple marocain uni derrière son roi. La défense des Sahraouis n’a pas besoin de l’insulte et du mépris contre le peuple marocain. Le droit, le courage des Sahraouis avec l’aide et la solidarité internationale sont de meilleurs soutiens.
Comment (27)