Le béni Hilale ou l’hommage du vice à la vertu
Une contribution d’Amar Belani – Décidément, l’inénarrable ambassadeur Hilale n’en finit pas de confirmer son statut, peu enviable, de Pinocchio invétéré de la diplomatie makhzenienne. A Saint John (Dominique) où se réunissait le Comité des 24, la semaine dernière, il a ajouté à sa longue et lamentable liste d’affabulations (pour ceux qui ont suivi sa «carrière» à Genève, faite de manipulations, d’intimidations et de concussions et autres pratiques infâmes telles que révélées par les câbles compromettants divulgués par Chris Coleman) deux énormes mensonges : le premier portant sur l’extase paroxysmique dans laquelle baignerait le royaume enchanté en matière de jouissance des droits de l’Homme et le second à propos du dossier du Sahara Occidental qui serait «définitivement clos», selon ce Coué retors et besogneux de la diplomatie marocaine.
A moins d’expliquer ces divagations par les volutes enivrantes bien familières au Maroc, il est très difficile d’imaginer qu’un diplomate digne de ce nom, et en principe doté du sens du discernement qui est supposé être attaché à cette profession, puisse se fourvoyer à ce point dans un discours émaillé de gros bobards dignes de le faire figurer en bonne place dans la rubrique de la harira de contrevérités pétrie de mauvaise foi.
Voyons tout cela d’un peu plus près.
Sur la question des droits de l’Homme au royaume enchanté, et la théâtralisation et les effets de manches du Représentant marocain n’y peuvent rien, le bilan du Maroc est désastreux et accablant comme l’illustrent, à satiété, les rapports établis régulièrement par les principales ONG activant dans le domaine des droits de l’Homme et qui mettent tous le doigt sur les violations massives et systématiques des droits de l’Homme au Maroc, et plus particulièrement au Sahara Occidental occupé.
Les contrefeux dérisoires que le représentant de sa majesté a pitoyablement tenté d’allumer lors de la dernière session du Comité des 24 visaient, en fait, à éloigner toute évocation de la question de l’exercice par le peuple sahraoui de son droit inaliénable à l’autodétermination, une référence à laquelle le royaume et ses institutions sont viscéralement intolérants et allergiques.
Le très peu amène diplomate devrait pourtant réviser ses classiques. Les deux pactes de 1966, qui sont les deux piliers ayant inspiré la construction de l’architecture conventionnelle et non conventionnelle des droits de l’Homme, adoptée, hasard de l’histoire au niveau de la 3e Commission, sous la présidence d’une ressortissante marocaine, énoncent sans équivoque à l’article 1er commun le droit à l’exercice de l’autodétermination. Et c’est sur ce droit que le Comité des droits de l’Homme au terme de l’examen à Genève du dernier rapport du royaume l’interpelle dans ses conclusions et recommandations au paragraphe 10 :
a- poursuivre et renforcer les efforts engagés dans le cadre du processus de négociation relatif au statut du Sahara Occidental, mené sous les auspices du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies de façon à permettre la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental ;
b- renforcer le processus de consultation avec le peuple du Sahara Occidental en vue de l’obtention de son consentement préalable, libre et éclairé, pour la réalisation de projets de développement et d’opérations extractives ;
c- prendre les mesures nécessaires pour permettre au peuple du Sahara Occidental de circuler librement et en sécurité de part et d’autre du mur, et poursuivre le programme de déminage le long du mur de sable et indemniser les victimes.
Complexé par son passage à Alger et frappé depuis d’un incurable strabisme, l’imposteur Hilale s’est érigé en directeur de conscience, lui dont le pays fonctionne selon des rites archaïques et une gouvernance moyenâgeuse qui laissent pantois les constitutionnalistes du monde entier : le roi règne, gouverne puisqu’il préside le Conseil des ministres mais ne rend pas compte, en sa qualité de chef de l’Exécutif, comme dans toute société fondée sur la redevabilité, peut-être parce que «son» Parlement ne sert que de galerie pour la photo et de vitrine d’exposition pour glorifier la «contrefaçon démocratique» made in Morocco.
Sur la question du Sahara Occidental, le plénipotentiaire marocain s’est enferré dans le déni historique, en puisant dans un argumentaire farfelu et ridicule tant il est surréaliste et truffé d’invraisemblances ; il soutient crânement et effrontément, comme tous les bonimenteurs patentés, que le conflit «régional est définitivement réglé» en se félicitant de la folklorique démocratie participative (et d’une régionalisation chimérique qui ne viendra jamais car elle permettra aux vaillants fils du Rif de s’autodéterminer, selon le principe universel et onusien, et de faire vaciller le trône). Dans la même tirade qu’il assène comme une sentence, le cuistre insolent en costume de diplomate se contredit en soulignant que son pays reste engagé avec les Nations unies et attend la nomination du représentant personnel du secrétaire général (le Maroc a refusé neuf candidatures sur les treize proposées par Antonio Guterres) pour reprendre le processus politique ; si la question est réglée définitivement, comme il le prétend, pourquoi alors reprendre le processus politique ?
En fait, dans ses interventions erratiques et ses propos décousus et peu sérieux, le représentant marocain a tenté de soustraire son pays des obligations qui lui incombent en tant que puissance occupante, et que lui dicte le droit international humanitaire et lui rappelle régulièrement le Comité international de la croix rouge. Bien plus, il a cherché à anoblir l’occupation du territoire à la faveur d’une présentation idyllique des bienfaits de la colonisation, en faisant l’éloge de prétendus représentants de la communauté sahraouie alors qu’ils font office de figurants d’une misérable représentation et de faire-valoir dans l’entreprise méthodique de prédation massive des ressources naturelles des territoires sahraouis occupés.
La Cour internationale de justice, dans son arrêt en 1975, la Cour de justice européenne, à deux reprises, en 2016 et 2018, n’ont pas reconnu le territoire du Sahara Occidental comme partie intégrante du royaume du Maroc, mais comme un territoire distinct et séparé et, dans quelques jours, le Tribunal du Luxembourg se prononcera et confirmera, sans nul doute, le recours en annulation des accords scélérats portant sur l’agriculture et la pêche qui le lient à l’Union européenne.
En accusant l’Algérie de fermer les yeux, voire d’encourager les violations des droits de l’Homme dans les camps des réfugiés, le représentant du Maroc feint-il ignorer qu’une mission des Nations unies se trouve sur place depuis la proclamation du cessez-le-feu en 1991 ? Sait-il que plus d’une vingtaine d’ONG européennes chargées de mettre en œuvre les programmes humanitaires financés par Bruxelles sont présentes sur le terrain et ce, depuis plus de vingt-cinq ans ? Enfin, et si l’on devait donner un kopek de crédit aux propos débridés du représentant marocain, les agences des Nations unies (HCR, PAM, OMS et Unicef) qui supervisent la mise en œuvre de leurs mandats seraient donc complices de ces pratiques par leur silence coupable ?
Il s’agit d’une insulte insupportable à l’endroit de tous ces personnels qui apportent réconfort, protection et assistance aux réfugiés sahraouis.
L’ambassadeur marocain aurait été mieux avisé de se prononcer sur l’absence de réponse de son gouvernement aux appels urgents et réitérés du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme et sur les communiqués de dénonciation émanant des mécanismes de droits de l’Homme dont le dernier en date du 1er juillet 2021, de Mary Lawlor, rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme.
L’appel à la reprise des visites des équipes du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme dans les territoires occupés lancé par la haute commissaire en date du 14 septembre 2020, lors de la 45e session du Conseil, n’a toujours pas reçu de réponse de la part des autorités marocaines qui se targuent, faussement, de «coopération» avec la machinerie des droits de l’Homme.
Frustrée par l’absence manifeste de coopération de la part du Maroc, la haut-commissaire avait souligné, lors d’une rencontre avec le groupe de soutien de Genève, que son institution est «empêchée par certaines parties d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation des droits humains au Sahara Occidental».
A. B.
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