Islamisme apatride et berbérisme racialiste : deux entités antinationales (II)
Contribution de Khider Mesloub – Par-delà ces deux approches rétrogrades, l’Algérie doit s’atteler à la redéfinition de son identité nationale sur des fondements résolument modernes, appuyés sur des réalités contemporaines sociales, des déterminismes sociaux. Il en va de la survie de l’Algérie prise en tenaille par ces forces archaïques et obscurantistes, à caractère religieux et ethnique.
Aujourd’hui, l’Algérie est confrontée à une situation critique. Sa viabilité est menacée par les forces centrifuges et les puissances étrangères ennemies. Après l’assaut avorté porté par les islamistes au cours des années 1990, forces neutralisées au prix de centaines de milliers de morts, de nouvelles entités sécessionnistes s’affirment sur la scène nationale, soutenues et financées par des puissances étrangères, notamment l’Etat sioniste et la monarchie marocaine. Ces entités séparatistes, s’appuyant sur les anciennes revendications linguistiques légitimes relatives à la langue kabyle, ont transfiguré, sous l’instigation de puissances impérialistes (notamment sioniste et marocaine), ces revendications en projet politique sécessionniste ou communautariste conquérant. Ce faisant, ces mouvements berbéristes indépendantistes ou communautaristes visent, par leurs revendications, tout simplement le démembrement de l’Algérie, sa partition, sa dislocation.
De surcroît, depuis peu, la mouvance berbériste se livre à la surenchère revendicative linguistique. Lors de l’année scolaire dernière, au cours de multiples manifestations, elle appelait au boycottage de la langue arabe dans les établissements scolaires de la Kabylie. Au-delà de l’aspect folklorique de cette nouvelle lubie linguistique «arabophobe», on ne peut que s’inquiéter de l’avenir de ces jeunes adolescents étudiants, embrigadés dans une lutte politicienne identitaire et communautariste idéologique berbériste. Quand bien même cette revendication serait-elle satisfaite, en quelle langue ces jeunes écoliers manipulés voudraient-ils étudier ? En langue kabyle ? En langue française ? Dans la première hypothèse, sa réalisation est impossible à mettre en œuvre faute de moyens pédagogiques et de personnels enseignants formés. Et dans quel cadre institutionnel étatique ? Toujours algérien ou indépendantiste ? C’est donc une revendication irresponsable et séditieuse. Dans la seconde hypothèse, cela revient à renouer avec le colonialisme, à réintroduire la langue de l’ancien colon français comme langue d’enseignement. Quoi qu’il en soit, pour neutraliser ces deux tendances réactionnaires à l’œuvre, qui œuvrent tendanciellement au dépeçage du pays, le peuple laborieux algérien, animé par des convictions modernes dans l’édification de l’identité algérienne, comme il l’a prouvé lors du massif unificateur mouvement du Hirak, doit unir ses forces pour endiguer ces constellations fossilisées.
L’Algérien de Kabylie est libre de cultiver et de vivre librement son «amazighité», aussi bien au plan linguistique qu’au niveau culturel. De surcroît, la langue amazighe doit être librement enseignée dans les régions berbérophones. Tout comme la culture amazighe doit ouvertement s’épanouir dans ses territoires naturels d’implantation. Mais le Kabyle ne doit pas imposer à la majorité des Algériens arabophones et sa langue et sa culture, encore moins édicter sa conception berbériste archaïque et anachronique de l’identité nationale. Tout comme l’islamiste ne doit pas prescrire à tous les Algériens sa pratique salafiste de l’islam, ni sa perception islamiste moyenâgeuse orientale de l’identité nationale algérienne (l’Algérie, certes, appartient à l’aire civilisationnelle arabe et islamique, mais avec ses spécificités culturelles nationales et historiques ancrées dans un espace géographique méditerranéen nord-africain, avec ses séculaires particularités cultuelles musulmanes fondées sur la tolérance). Malheureusement, ces deux entités réactionnaires ont fait de l’ignorance une vertu. Elles s’évertuent à propager leur ignorance sur les questions religieuse et identitaire à l’ensemble de la population nationale. Il revient donc au peuple algérien, animé d’un esprit de modernité, de combattre cette ignorance. D’abattre l’infamie ! De redonner ses lettres de noblesse à l’Algérie, affadie par ces fanatiques d’un autre âge.
En outre, tout comme le croyant doit apprendre à vivre sa foi dans l’intimité, sans devoir l’afficher de manière ostentatoire sur les plans vestimentaires, rituels, et encore moins l’imposer aux autres concitoyens algériens, le Kabyle doit se résoudre à vivre son amazighité dans son périmètre berbérophone dans toutes ses dimensions linguistique et culturelle, sans devoir l’édicter à la majorité écrasante des Algériens arabophones disséminés sur l’ensemble du territoire algérien. Autant la religion doit être reléguée dans la sphère privée, autant la culture amazighe pareillement circonscrite dans son dernier territoire survivant. Elle n’a pas à envahir les autres régions arabophones, à coloniser culturellement et linguistiquement les régions arabophones.
Depuis l’indépendance, nous disposons d’une langue vernaculaire (darja) pour communiquer entre nous Algériens. De la langue littéraire arabe (al-fous’ha) comme langue administrative. Qui plus est nous permet de communiquer avec des millions d’autres arabophones du monde entier. Sans compter la langue française, maîtrisée également par la majorité des Algériens, qui nous permet également de dialoguer avec des millions de francophones à travers le monde. C’est une richesse de parler ainsi trois, quatre, voire cinq langues (en incluant l’anglais). En effet, en plus de notre langue maternelle (darja ou le kabyle), il faut ajouter l’arabe littéraire (al-fous’ha), le français, l’anglais. Un Algérien maîtrise ainsi jusqu’à cinq langues. Le Kabyle parle souvent couramment l’amazigh, l’arabe vernaculaire (dardja), l’arabe littéraire (al-fous’ha), le français, parfois l’anglais, voire plus. Quelle richesse !
Dire que certains berbéristes luttent pour l’instauration de la seule langue kabyle. De surcroît, établie dans un Bantoustan kabyle. Une langue parlée par les seuls Kabyles. Pour les seuls Kabyles. Parmi les seuls Kabyles. C’est la défense de la pureté de la «race» kabyle dans toute sa laideur. Sa dimension tribale ! Quel recul ! Quelle régression ! Quelle pauvreté en matière de revendications !
D’aucuns s’évertuent à enrichir leur intelligence par l’élargissement de leur horizon culturel. D’autres s’acharnent à appauvrir leurs aptitudes intellectuelles par l’étroitesse de revendications identitaires étriquées. Certains militent pour faire entrer leur pays dans le Village planétaire. D’autres se débattent pour réduire la planète à la dimension de leur village. C’est le combat de l’universalisme contre le tribalisme. L’appartenance de classe générale transcende l’identité culturelle particulière. Le particulier se dilue dans le général. Non l’inverse. Les particularismes culturels et religieux frondeurs et séditieux sont dangereux pour l’unité du peuple algérien et l’intégrité du territoire de l’Algérie. Une minorité linguistique doit savoir minorer ses prétentions. Délimiter ses ambitions. Car la majorité, même si elle fait preuve de compréhension, sait aussi instaurer des limites aux empiétements de la minorité. L’acquiescement ne vaut pas abdication.
Tout comme l’Algérie a su réduire à néant les prétentions des islamistes à régenter théocratiquement la société, à imposer leurs visions moyenâgeuses orientales, à s’emparer des rênes du pouvoir, à transformer le pays en territoire annexé par les monarchies salafistes du Golfe dans le cadre d’une oumma internationalisée, elle saura neutraliser, voire anéantir les forces centrifuges sécessionnistes berbéristes œuvrant au profit des puissances impérialistes, désireuses d’accaparer les richesses pétrolières de l’Algérie ou de transformer le territoire en base militaire de l’Etat sioniste avec la complicité de son vassal makhzénien.
Ironie du sort, si l’islamiste, avec sa vision religieuse moyenâgeuse orientale, à la faveur de l’expansion planétaire de l’islamisme au cours de ces quatre dernières décennies, s’était acharné à transformer l’Algérie en une vaste mosquée à ciel ouvert, annexe d’une oumma fantasmée, aujourd’hui, le berbériste, avec sa conception tribale archaïque, profitant du discrédit et du déclin de l’idéologie arabo-islamiste orientale, s’échine à transfigurer (défigurer ?) l’Algérie en une immense tribu berbère culturelle mythique, ressuscitée de ses sépultures antiques.
Au reste, l’Algérien est, à l’image de ses successifs dirigeants kleptomanes et mythomanes, bâti sur la manipulation historique. L’Algérien use et abuse avec beaucoup de ruse du mensonge. Il adopte volontiers une élégante posture pour occulter son indécente imposture.
Il en est ainsi des Kabyles berbéristes du MAK, ces imaginaires persécutés, sectateurs du discours victimaire. A les entendre, les Kabyles seraient victimes d’ostracisme, de racisme de la part du pouvoir, en particulier, et des «Arabes» algériens, en général. A entendre leurs lamentations, ils vivraient emmurés dans un pays d’apartheid. D’aucuns, notamment les partisans de l’organisation séparatiste le MAK, emploient même l’expression de «régime colonial» pour désigner le pouvoir algérien.
En vérité, il n’y a jamais eu en Algérie de politique officielle d’éradication de la langue kabyle, ni de politique d’anéantissement de la culture kabyle, ni, à plus forte raison, de persécutions perpétrées spécifiquement contre les Kabyles. Les répressions politiques, opérées par les différents régimes monolithiques et despotiques installés au pouvoir depuis 1962 se sont exercées contre tous les Algériens, sans distinction d’ethnie, ni de sexe. El-kazoula (la matraque) s’est abattue sur tout le peuple algérien.
La Kabylie ne détient pas le monopole de la répression. En revanche, sa composante berbériste frondeuse et séditieuse détient le record des fausses impressions. Des mensongères diffusions et des tristes confusions. Ainsi, pas de politique officielle d’éradication de la langue et de la culture kabyles. Pour preuve : les deux sont encore plus que jamais vivantes. En vérité, la langue et la culture kabyles s’épanouissent librement partout en Algérie. Jamais la culture kabyle n’a connu autant de rayonnement que depuis l’accession de l’Algérie à son indépendance. Elle est sortie de ses montagnes inexpugnables pour conquérir toute l’Algérie, le monde entier, notamment grâce à ses célèbres chanteurs et autres artistes de renommée internationale. Sans oublier, depuis quelques années, la création de multiples médias audiovisuels de langue amazighe, l’apparition d’une presse écrite berbérophone, les diverses manifestations culturelles kabyles programmées tout au cours de l’année en Algérie et dans de nombreux pays.
Pour un pays neuf et jeune, sur le chapitre de l’éducation nationale, l’Algérie a réussi ce prodigieux défi d’alphabétiser quasiment l’ensemble de ses enfants. En dépit de ses carences, de ses dysfonctionnements, le système éducatif algérien a réussi cette prouesse de permettre à des centaines de milliers de jeunes d’accéder chaque année à l’enseignement supérieur (1 700 000 étudiants pour l’année universitaire 2018/2019). Notamment en Kabylie. En outre, pour une langue orale, l’amazighe connaît depuis quelques années un début de transcription écrite et de publication, notamment dans plusieurs universités. Cela constitue un notable progrès. La langue amazighe écrite n’a historiquement jamais existé. La langue kabyle n’a connu au cours de son histoire qu’une diffusion orale. Par conséquent, on ne peut pas soutenir que le pouvoir algérien a interdit officiellement la langue amazighe. C’est un non-sens. On n’interdit pas quelque chose qui n’existe pas !
Que dirait alors la majorité des Algériens dont la langue maternelle est l’arabe dialectal (dardja) ? Leur langue ancestrale orale a toujours été privée de toute reconnaissance nationale et de toute politique d’officialisation en vue de sa promotion comme langue écrite enseignée à l’école. Pourtant, la «population» algérienne arabophone n’a jamais impulsé un mouvement de revendication linguistique, instrumentalisé la langue dardja à des fins sécessionnistes. Elle n’a jamais tenté de politiser la question linguistique arabe dialectale. Cette frange majoritaire de la population a accepté comme fait accompli la langue arabe littéraire promue langue officielle de l’Algérie : seule langue arabe homogène dotée des outillages grammaticaux et lexicaux opérationnels, pourvue d’une richesse littéraire séculaire et de potentialités conceptuelles indéniables. Surtout, c’est la langue du Coran, de la religion musulmane, religion de la majorité des Algériens depuis plus de quatorze siècles.
Historiquement, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, tout en maintenant l’enseignement en langue française, le régime, confronté à la nécessité de scolariser l’ensemble des enfants algériens, dut recourir à des expédients pédagogiques pour institutionnaliser l’enseignement de la langue arabe avec des moyens matériels et humains rudimentaires. Or, en l’absence d’un personnel éducatif suffisamment formé, il recourut à la politique de coopération fournie par de nombreux pays «frères» arabes désireux d’aider l’Algérie à développer son système éducatif embryonnaire. Le nouveau pouvoir n’eut ni les moyens ni le temps d’initier une politique d’enseignement de la langue orale kabyle. Ou plus exactement n’éprouva pas, à cette époque de panarabisme exacerbé, la nécessité de procéder au développement d’un dialecte minoritaire (du fait également du choc suscité parmi le gouvernement et la population algérienne «arabophone» à la suite du soulèvement insurrectionnel de la Kabylie contre le pouvoir. On l’oublie souvent : le premier mouvement subversif et insurrectionnel armé de l’Algérie postindépendante, cornaqué par Hocine Aït Ahmed, naquit en Kabylie. A l’époque déjà, bien qu’Aït Ahmed affirmât que son mouvement rebelle insurrectionnel ne prônait pas la sécession de la Kabylie, le président Ben Bella dénonça la collusion entre les insurgés kabyles et le Maroc. Ce coup de poignard porté par la Kabylie insurgée contre les institutions souveraines de l’Etat traumatisa tous les Algériens, particulièrement les dirigeants, devenus désormais méfiants à l’égard des «Kabyles» tenus en suspicion. La fermeté gouvernementale manifestée à l’encontre des berbéristes depuis 1963 trouve son explication dans ce tragique évènement insurrectionnel de la Kabylie, et non dans quelque haine ou racisme institutionnel à l’endroit des Kabyles. Le régime, certes, tarda pour s’atteler à la reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle, et ainsi favoriser son enseignement dans les établissements scolaires. Mais cette mesure commence à prendre corps. Grâce notamment à la reconnaissance et l’officialisation de la langue amazighe intervenues récemment.
Par surcroît, à entendre les Kabyles berbéristes, notamment sa frange séparatiste du MAK, les «Arabes» nourriraient une haine inexpiable à l’égard des Kabyles (sic). Entre autres falsifications répandues par les berbéristes du MAK : les Kabyles seraient victimes de discrimination, d’ostracisme. Ils seraient des citoyens de seconde zone. Les Arabes détiendraient tous les leviers du pouvoir, de l’économie, colporte la petite bourgeoisie kabyle affiliée au MAK.
Au risque de choquer certains Kabyles, c’est tout le contraire. Les Kabyles sont intégrés dans tout le tissu économique de l’Algérie. Ils sont socialement insérés dans toute la société algérienne. Politiquement, ils ont toujours disposé de partis spécifiquement kabyles. Ils sont amplement représentés dans toutes les instances étatiques du pays, au Parlement comme dans les communes. Les Kabyles sont établis partout en Algérie, dans le plus petit village jusqu’aux grandes villes. Ils occupent souvent des métiers prestigieux, aussi bien dans le commerce et l’industrie que dans les administrations et les institutions culturelles (cinéma, littérature, art, etc.). Ils sont intégrés dans tous les secteurs de pointe, dans l’enseignement, la recherche, la médecine, la culture, les médias, l’armée, l’administration, sans oublier les instances de l’Etat. Ils résident dans toutes les villes et dans tous les villages de l’Algérie, sans subir le moindre ostracisme. Ils peuvent acquérir un commerce, une maison, un bien dans n’importe quelle ville d’Algérie.
A contrario, dans les dizaines de villes et des centaines de villages que compte la Kabylie, on ne rencontre pas de résidents arabes. En effet, impossible pour un «Arabe» algérien d’acquérir une maison ou un bien dans un village kabyle. Il s’opposerait aussitôt à la réprobation des habitants du village réfractaires à toute immigration extra-ethnique. Pareillement, dans les multiples secteurs d’activité privés ou publics établis en Kabylie, la majorité des postes sont exercés par les «autochtones».
Contrairement aux assertions du discours victimaire des berbéristes du MAK, on serait tenté d’affirmer que l’ostracisme se nicherait plutôt dans cette région kabyle récalcitrante à tout métissage ethnique et à toute «incursion étrangère». De toute évidence, en la circonstance, les Kabyles berbéristes du MAK propagent des contre-vérités. A les lire et à les entendre, la Kabylie ferait l’objet d’une véritable politique discriminatoire. «Le pouvoir colonial» reléguerait les Kabyles à des citoyens de seconde zone. Ils seraient défavorisés sur les plans culturel, professionnel, politique, économique. «Même Israël traite mieux ses colonisés palestiniens !» se risquent à proférer certains berbéristes extrémistes, notamment les partisans du MAK.
Drôle de discrimination pour une région kabyle qui détient, depuis des décennies, le record de réussite au baccalauréat, d’universitaires, d’artistes, de célébrités de renommée internationale, de patrons fortunés !
Cette posture de victimisation n’est pas sans rappeler celle de certaines communautés établies dans d’autres pays, constamment affairées à se livrer aux sempiternelles lamentations pour mieux monnayer leurs indemnisations, négocier leur propulsion au sein des institutions étatiques et politiques. De fait, les Kabyles berbéristes du MAK s’adonnent-ils aux mêmes impostures pour persuader les authentiques Algériens kabyles de les rejoindre dans leur irresponsable entreprise sécessionniste ou leurs chantages et surenchères communautaristes en vue d’obtenir des avantages économiques, des sinécures et des prébendes pour leur élite ?
K. M.
(Suite et fin)
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