Rabat «enrôle» une dizaine d’activistes algériens dans un appel trompeur
Par Kamel M. – Une dizaine d’activistes et d’universitaires algériens établis en France se sont joints à une pétition signée par quelque cent quarante Marocains qui appellent à «la raison» dans une tribune parue dans les colonnes de Mediapart. «Face à l’escalade actuelle dans les relations entre le Maroc et l’Algérie, un large ensemble de personnalités des deux pays expriment leur grande inquiétude et appellent à l’apaisement», lit-on dans l’exergue du média français qui ne précise pas que cet «ensemble de personnalités» est composé aux quatre cinquièmes de sujets de «sa majesté» et de membres du lobby marocain à l’étranger.
Le message de la pétition s’adresse, en réalité, exclusivement aux autorités algériennes qui «[doivent]construire le vivre-ensemble, la paix et la coopération» et ne pas faire partie des responsables politiques qui «s’inscrivent dans la course à la haine, à l’armement, aux escalades et aux appels à la guerre». C’est donc clairement l’Algérie qui est montrée du doigt par ce large panel clairement inféodé au régime monarchique de Rabat. Mais que suggèrent les amis de l’élément actif de Rachad Omar Benderra, qui a apposé sa signature sur le document aux côtés d’Abdelouahab Fersaoui, chef de file de RAJ, l’association satellite du FFS version Hocine Aït Ahmed ?
Se présentant comme des «intellectuels, militants de la société civile et citoyens engagés», les signataires disent exprimer leur «grande inquiétude face à l’escalade actuelle dans les relations entre le Maroc et l’Algérie» et «refuser la situation actuelle qui voudrait aboutir à une confrontation contre-nature, confrontation qui ne peut être qu’un déni de l’histoire profonde de notre région et de son immanence, elle est donc antinomique avec les intérêts des deux peuples et de ceux de la région». Les auteurs de l’appel n’explicitent pas ce «déni de l’histoire profonde» et n’en précisent pas le responsable.
Faute de cela, ils en appellent aux peuples qui «se vouent mutuellement des sentiments de fraternité et qu’ils sauront dépasser ces moments de crispation en en limitant l’impact et en sauvegardant le potentiel d’un avenir commun prometteur par la mobilisation de leurs capacités créatrices», bien que la position de l’Algérie soit claire : «L’aspect humanitaire a été pris en considération dans la décision de l’Algérie de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, et ce, en maintenant l’activité consulaire», a pourtant indiqué une source diplomatique algérienne à Algeriepatriotique.
Les signataires lancent un appel à peine voilé à une médiation entre l’Algérie et le Maroc, incarnée par «l’ensemble des personnes et des organisations de bonne volonté […] au-delà du Maghreb». La réponse d’Alger est, là aussi, claire : toute interférence dans cette affaire est rejetée par Alger, a expliqué une source autorisée à notre site. «Si les initiateurs de cet appel partial sont sincères, ils doivent indiquer sans détours, ni faux-fuyant ceux dont ils affirment qu’ils doivent laisser de côté les affaires litigieuses», affirme une source qui précise que c’est le Maroc qui met le dossier du Sahara Occidental sur la table à chaque fois que l’Algérie a essayé de transcender cet écueil pour tenter de bâtir le Grand Maghreb.
«De quelle écoute, de quelle recherche de l’entente, de quelle créativité dans l’élaboration des solutions et de leur mise en œuvre ces militants parlent-ils ? Pourquoi ne s’adressent-ils pas directement à la partie qui a tourné le dos à tous les efforts déployés par l’Algérie pour aplanir les différends, en contrepartie de quoi le régime de Rabat a toujours répondu par la provocation et la menace ?» rétorque notre source qui oppose une fin de non-recevoir «évidente» à cette énième manœuvre dilatoire du Makhzen qui ne s’est pas encore remis de la gifle que lui ont assénée «les généraux d’Alger», comme on aime à se récrier à Rabat.
K. M.
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