Un politologue français : «La France est la grenouille qui se prend pour un bœuf»
Par Houari A. – Le politologue français Yves Viltard apprécie la France à sa juste valeur. Celle d’un pays qui se croit puissance mondiale mais qui est loin de répondre aux critères qui la hisseraient à ce rang. C’est la dernière crise de la commande de sous-marins annulée par l’Australie, suite à un accord secret entre les gouvernements australien, américain et britannique, qui en a révélé la faiblesse. Dans un entretien à la revue Philosophie Magazine, le professeur de relations internationales à la Sorbonne explique que «la parole donnée par l’Australie à la France était liée à un moment bien précis, et ce cadre a été modifié par l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche». Quel rapport y a-t-il entre le mandat de Donald Trump et la transaction franco-australienne ?
«Donald Trump avait entamé un retrait des arènes multilatérales, avec notamment son slogan America First. Ce retrait avait permis à la France de se glisser dans l’interstice pour reprendre une forme de leadership laissé vacant. Joe Biden remet en cause cette ambition, on le voit bien avec l’alliance nouvelle conclue entre son pays, l’Australie et la Grande-Bretagne – pacte Aukus», indique Yves Viltard. «De toute manière, ajoute-t-il, d’un point de vue réaliste, la France ne peut pas ambitionner de devenir le protecteur de l’Australie, à moins de vouloir être la grenouille qui se prend pour un bœuf.» «Mettons que la Chine envahisse Taïwan, ce que les Américains redoutent, est-ce que l’Australie soutenue par la France fera la guerre à la Chine ? Ce que montre cette affaire, c’est surtout que la France est aujourd’hui une petite puissance», a-t-il insisté.
«L’histoire du monde est celle de la confrontation des grandes puissances qui se succèdent et se détrônent», a souligné le politologue français, pour lequel «il paraît incroyable et même inouï de déclarer que les Américains ont trahi la France». Selon lui, «cette part de comédie est là pour susciter, à l’intérieur de [la France], un sentiment d’indignation – ce qui est objectivement réussi, puisque la réaction unanime de la classe politique française a été de se placer derrière Emmanuel Macron pour dénoncer les Etats-Unis». «En réalité, poursuit l’auteur de La Chine américaine : il faut étudier la Chine contemporaine, l’amitié franco-américaine, essentielle au sein de l’Otan ou pour les opérations françaises au Sahel, n’est pas vraiment entamée par cet événement.»
H. A.
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