Pour un Maghreb géographique et non ethnique
Une analyse de Bachir Medjahed(*) – Les pays du Maghreb, dit-on, appellent les différentes parties en Libye à constituer un «gouvernement d’union nationale». N’oublions pas que la Libye est membre de la théorique – fictive – Union du Maghreb arabe (UMA). Les pays membres de la Ligue arabe lancent le même appel en direction de la Libye. Pourquoi ces appels distincts alors que l’UMA est membre de la Ligue arabe ?
Que ces pays lancent ces appels en leur nom mais pas au nom des ensembles qui ne peuvent pas disposer de crédibilité car ils n’existent que dans les textes et parfois des discours.
Sur quels piliers fonder ce qu’on appelle le monde arabe, le monde islamique ou l’UMA, quand on constate, par exemple, que l’Union européenne est une communauté de pays construite sur une appartenance géographique uniquement, avec plus de langues que de pays puisque dans certains d’entre eux, il y a plus d’une langue officielle, et qui reconnaît et connaît la coexistence entre plusieurs religions ?
De la même façon, les Etats-Unis ont une appartenance géographique et non ethnique ou religieuse. Un pays d’immigration qui promeut la citoyenneté et non les appartenances ethniques ou religieuses. Un Américain de couleur est bien devenu président des Etats-Unis. Ce n’est pas seulement le vote noir qui l’y a fait élire.
Les pays arabes, les pays non arabes mais musulmans, dont l’Iran qui est au centre de l’actualité nucléaire, sont mis dans le même sac du Grand Moyen-Orient (GMO). Cette appellation gomme ainsi ce qui ne fait pas dans la différence entre l’ethnie et la langue, et gomme également la religion.
Pratiquement dans chaque pays dit arabe, il y en a qui revendiquent leur spécificité culturelle, linguistique et même ethnique et religieuse pour certains. Les réprimer ou les occulter provoque la rupture de la cohésion nationale et prive ces pays de leur meilleur espace de défense car c’est bien la cohésion nationale qui conditionne la qualité et même l’existence d’un espace de défense.
Il n’est que de se référer à l’Irak pour faire le constat que la répression ethnique pratiquée contre les communautés kurde et chiite est responsable de ce que ces deux communautés brimées ne se sont pas intégrées dans la lutte contre les forces de la coalition. Pourquoi s’y seraient-elles intégrées du moment qu’elles n’avaient pas intérêt à la survie du régime de Saddam Hussein qui faisait taire leurs différences par une répression sanguinaire ?
C’est la grande leçon qui devrait être tirée du drame irakien par les régimes arabes et musulmans.
B. M.
(*) Ancien conseiller au Haut Comité d’Etat (HCE), ancien cadre à l’Institut national des études stratégiques globales (Inesg)
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