Henri Pouillot à Macron : «Vos propos sont du mépris pour le peuple algérien»
Par Kamel M. – C’est un traité d’amitié qu’il faut, pas des insultes, a affirmé Henri Pouillot, ancien appelé de l’armée française qui a dénoncé la pratique systématique de la torture durant la Guerre d’Algérie. Dans un article paru dans Mediapart, il s’adresse directement au président français auquel il reproche de «continuer de vouloir instrumentaliser la question de la mémoire» et trouve scandaleux que Macron puisse dire que «nos générations n’ont pas vécu cette guerre» et que «ça nous libère de beaucoup de choses». Si Henri Pouillot dénonce ces propos, en estimant que la France ne peut pas, près de soixante ans après l’indépendance, «s’exonérer de reconnaître ses responsabilités et de condamner les crimes d’Etat, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, etc., commis en son nom dans cette période», pour lui, c’est du «mépris pour le peuple algérien.»
«C’est la France qui a colonisé l’Algérie en y multipliant les crimes. C’est la France qui, pendant la Guerre de libération de l’Algérie, a commis d’innombrables crimes : crimes d’Etat (17 octobre 1961, 8 février 1962, etc.), crimes de guerre (utilisation du napalm – entre 600 et 800 villages rasés –, utilisation du gaz VX et sarin, essais nucléaires, etc.), crimes contre l’humanité (camps d’internement pudiquement appelés de regroupement – plusieurs centaines de milliers de morts –, tortures, viols, corvées de bois, crevettes Bigeard, etc.)», rappelle l’auteur de La Villa Sésini.
Henri Pouillot se dit convaincu que «tant que la France n’aura pas reconnu sa responsabilité, ne l’aura pas condamnée – pas une simple demande de pardon», la France ne pourra pas «s’exonérer d’un tel passé». Tout en dénonçant une ingérence dans les affaires internes de l’Algérie, l’ancien appelé estime que les déclarations d’Emmanuel Macron «sont profondément insultantes pour le peuple algérien». «Cette démarche est très inspirée du colonialisme : elle voudrait continuer de dicter à l’Algérie sa façon dont elle devrait analyser ses rapports entre le peuple et ses gouvernants, et avec la France», souligne-t-il, en ajoutant qu’«il ne suffit pas de reconnaître un jour le crime commis à l’encontre de Maurice Audin, puis de celui d’Ali Boumendjel, puis de demander pardon aux harkis (lesquels ?), peut-être de réagir dans quelques jours à l’occasion du 60e anniversaire du massacre du 17 Octobre 1961 à Paris». «Ce sont, certes, des pas positifs, mais combien insuffisants», insiste-t-il.
«Au lieu d’insultes, de mépris, il est urgent, indispensable, de reconnaître le plus rapidement possible tous ces crimes et de les condamner, tous, très clairement. C’est à ce prix, et lui seul, qu’un véritable traité d’amitié entre l’Algérie et la France permettra aux familles algériennes et françaises que tant de liens rapprochent qu’un réel apaisement pourra s’opérer», conclut cet ami de l’Algérie, très respecté par les Algériens.
K. M.
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