Jean-Pierre Filiu : «Macron est parvenu à faire contre lui l’unanimité en Algérie»
Par Nabil D. – «La volonté du président français de réconcilier les mémoires autour de la guerre d’Algérie aboutit paradoxalement à une crise sans précédent entre Paris et Alger», constate l’historien Jean-Pierre Filiu, dans une tribune parue dans les colonnes du journal Le Monde, en expliquant comment le «piège algérien s’est refermé sur Emmanuel Macron». «Ce n’est pas la première fois que la parole présidentielle, mêlant l’officiel à l’informel, suscite trouble et incompréhension sur la scène internationale, entraînant de la part de l’Elysée de laborieux efforts de clarification des malentendus», souligne l’universitaire français, selon lequel «jamais la confusion des genres entre le registre franco-français et le discours diplomatique n’a provoqué une telle tension, compromettant sans doute pour longtemps la sérénité des relations franco-algériennes».
Pour Filiu, «Macron est parvenu à faire contre lui l’unanimité en Algérie, aussi bien chez les partisans du régime que dans les rangs de l’opposition» qui, poursuit-il, «n’est pas moins sévère à l’encontre du président français». «Emmanuel Macron, ajoute-t-il, a ainsi réussi le tour de force de coaliser contre lui, et à travers lui contre la France, l’ensemble des sensibilités algériennes». «Le doute jeté par l’Elysée sur la profondeur historique de la nation algérienne peut difficilement s’apparenter à un travail d’apaisement des mémoires. Et il faudra du temps pour prendre la mesure des dommages infligés à la relation franco-algérienne par une séquence aussi heurtée», relève l’historien français qui n’est pourtant pas connu pour être tendre avec le pouvoir en Algérie.
«Dans un tel contexte, les mots qu’Emmanuel Macron prononcera le 17 octobre prochain sont très attendus. Le soixantième anniversaire des ratonnades policières de Paris, au cours desquelles des dizaines d’Algériens ont été tués, peut, en effet, être marqué par des gestes mémoriels d’une grande portée. Reste à savoir s’ils suffiront à apaiser le trouble profond qui prévaut désormais dans les relations franco-algériennes», s’interroge enfin le professeur en histoire du Moyen-Orient à Sciences Po Paris, qui se joint ainsi à ses confrères Benjamin Stora et Olivier Le Cour Grandmaison pour corriger les errements historiques du président français dont le mandat – sans doute unique – s’achève en queue de poisson dans moins d’une année.
N. D.
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