Alger et Moscou ne veulent plus laisser Rabat et Paris jouer seuls en Afrique
Par Kamel M. – C’est l’affolement au Maroc après la visite d’une délégation sahraouie en Russie. Le Makhzen, qui vient d’essuyer un revers retentissant au Congrès américain, lequel vient d’annuler une fois pour toutes la décision de Donald Trump d’ouvrir un consulat dans la ville occupée de Dakhla, se rend compte de l’inanité de sa politique étrangère conduite par Nasser Bourita, maintenu au sein du gouvernement d’Aziz Akhannouch en dépit de la situation peu enviable dans laquelle il a entraîné son pays, plus que jamais isolé.
Ce qui inquiète Rabat, ce sont les possibles discussions sur les aspects économiques. En effet, le gouvernement sahraoui semble résolu à ne plus adopter une attitude défensive s’agissant de la violation de ses territoires par des compagnies occidentales complices du Maroc qui spolient les richesses de ce pays membre de l’Union africaine et qui jouit de la reconnaissance de plus en plus d’Etats. Mohammed VI a, en effet, peur que la Russie engage des investissements dans cette partie de l’Afrique, d’autant que Moscou compte jouer un rôle central dans les conflits qui perdurent aussi bien au Maghreb qu’au Sahel en raison des blocages provoqués sciemment par les parrains du Makhzen, au premier rang desquels la France, dans les institutions internationales et sur le terrain.
La Russie a revu son approche par rapport aux dossiers libyen et malien, partageant les mêmes positions que son allié historique qu’est l’Algérie. Cette dernière a, de son côté, haussé le ton à l’égard de son voisin de l’Ouest et de son chaperon français auquel elle vient d’interdire le survol de son espace aérien à ses avions militaires. Une décision qui rendra son opération d’autant plus coûteuse qu’inefficace et l’obligera, à terme, à quitter la zone subsaharienne qu’elle occupe sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, au moment où les autorités maliennes accusent Paris d’en être l’instigateur. La convocation de l’ambassadeur de France à Bamako résonne comme un premier pas vers la fin de la présence militaire française au Mali.
Derrière la visite de la délégation sahraouie en Russie, il y a des enjeux économiques et militaires. Elle intervient au lendemain d’une déclaration sans ambages du président russe, Vladimir Poutine, qui a exhorté les pays africains à cesser leur dépendance à la France et à œuvrer à développer le continent considéré comme le plus riche au monde. Une déclaration qui, loin d’être un simple discours de circonstances, annonce de grands bouleversements dans la région. D’où l’inquiétude amplement justifiée du Maroc qui commence à subir les contrecoups de ses choix incongrus fondés sur une hostilité permanente à l’égard de l’Algérie que les dirigeants marocains croyaient affaiblie et incapable de réagir à la normalisation dont le Makhzen espérait tirer des dividendes tant dans l’affaire du Sahara Occidental que dans sa frayeur face à la puissance de feu algérienne.
Non seulement les Etats-Unis ont fait machine arrière en annulant la reconnaissance de la marocanité du Sahara Occidental et en refusant l’ouverture d’une représentation consulaire à Dakhla, comme l’avait promis Jared Kushner à Mohammed VI, mais le Maroc est en train de perdre sur le plan économique, puisque la Cour de justice de l’Union européenne déclare les accords commerciaux intégrant la partie sahraouie caducs l’un après l’autre, et devra compter, désormais, avec une offensive algérienne et russe dans les territoires libérés, prélude à une coopération plus large une fois que le peuple sahraoui aura recouvré son indépendance. Une échéance qui se rapproche à grands pas depuis que l’ONU a décidé d’accélérer le processus de décolonisation en imposant un envoyé spécial après que sa désignation fut empêchée par le régime de Rabat.
Le Maroc a joué et perdu sur tous les fronts.
K. M.
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