Pourquoi l’ouverture des archives ? Harka ou anticolonialistes, il faut choisir !
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Le premier rappel de l’histoire est que le colonialisme de peuplement en Algérie, synonyme de génocide, a été vaincu par la Résistance du peuple algérien entre 1830 et 1848 au prix de plusieurs millions de morts et d’exilés. Le peuple algérien, resté vivant, est la première victoire sur le colonialisme. Elle permet la continuation de la résistance naturelle dans différentes localités à diverses périodes pour donner naissance à la Révolution du 1er Novembre 1954.
Le deuxième rappel : la victoire du peuple algérien le 19 mars 1962 sur le colonialisme et l’OTAN hisse les anticolonialistes au rang de héros. Parmi les anticolonialistes, il y a des Français qui sont dans cette grande épopée de 1954-62, le socle de la mémoire commune entre les peuples. La revendication, qui ne prend pas en compte les deux références ci-dessus, risque de pencher vers le populisme et le racisme quoi qu’elle fasse.
Tant que le pouvoir français met en exergue ses harkis et non ses anticolonialistes, il persiste dans la guerre des mémoires.
Dans cette guerre, l’historien est sur le front. Suggérer que la justice va apporter la réconciliation invite à baisser la garde ou carrément à mettre la plume ou le clavier au service de l’autre. Abdiquer se conjugue de plus en plus intellectuellement ! Dire que les massacres du 17 Octobre 1961 à Paris sont le paroxysme de la violence contribue à gommer des mémoires, les milliers de génocides de tribus, d’enfumades, de viols… Poser la question entre crime d’Etat ou crime de préfecture nous invite à être attentifs aux masturbations de langage de Macron… L’historien a raison de nous rappeler au moment opportun les évènements pour les commémorer, tels que ceux de ces policiers de Paris qui massacraient un peuple pacifique manifestant contre le racisme d’Etat, à l’instar des autres Algériens de l’autre côté de la mer. Sans la contextualisation du fait historique, même le fils Audin baisse la garde, plombé par un choix raciste du pouvoir de la France envers les anticolonialistes.
Le monde est dominé par le système capitaliste ou les nations se distinguent. La France est dans un système politico-financier – elle est une grande place financière qui est un facteur déterminant aux élections. La France domine la monnaie de plusieurs pays africains. La Chine est dans un système capitaliste que dirige le Parti communiste. L’Algérie est dans un système politico-militaire et ceux qui mettent en doute sa légitimité en invoquant le début de l’indépendance doivent se rappeler que l’histoire à ce sujet n’est pas écrite à cause justement de l’inaccessibilité aux archives. Sinon, pourquoi les pouvoirs algériens et français les maintiennent au secret ?
En désertant la réunion du CNRA de mai-juin 1962, Benkhedda, président du GPRA, s’est déjugé. Le procès-verbal de carence du 9 juin 1962 le prouve. Ben Bella était le vice-président et, dans la confusion, fait valoir son droit de succession. Il y a celles et ceux qui la jugent antidémocratique. C’est leur opinion qui ne peut être validée que par d’autres faits. Encore une fois, il y a la nécessité de l’accession aux archives.
Il faut rappeler que De Gaulle n’a jamais lâché prise en Algérie. Sa force locale était son dernier maillon sur le terrain pour porter préjudice à l’ALN. Pourquoi l’ALN ne recrutait plus à la fin de la guerre et, du coup, laisse grand ouvert ses portes au mois de mars. Pour le savoir, nous avons besoin de faits, et ces faits sont dans les archives.
Nous n’avons pas besoin d’archives pour savoir que la Fédération de France n’a pas été élevée au rang de Wilaya, tout simplement parce qu’elle programmait la laïcité qui était la suite logique de l’appel du 1er Novembre 1954 et qui n’était plus l’axe principal. Au FLN cohabitent deux systèmes politiques, prosocialiste et pro-libéral, qui étaient forcés par la Révolution de travailler ensemble pour l’indépendance. L’indépendance acquise, les deux tendances étaient libérées de cette «union sacrée». Il y a forcément deux lectures au moins sur les lendemains de l’indépendance. L’ouverture et l’accessibilité des archives contribueront à éclairer les deux opinions et asseoir l’histoire, sans oublier que c’est par le coup de feu qu’est née la Révolution, qui, à sa dernière année, était dirigée de mains de maîtres par les 3B, obligés et contraints de remettre leur pouvoir absolu à l’EMG à la veille de l’indépendance
Les nations qui tentent de prémunir leur peuple des guerres et de la précarité s’adossent à une force nationale pour une politique adéquate. La politique adéquate a comme socle la vérité, et c’est la vérité qui, en Algérie, contiendra l’armée dans son rôle historique.
S. K.
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