Crise avec le Maroc : le lobby sioniste français pointe son média vers l’Algérie
Par Mohamed K. – «Le jeu dangereux de l’Algérie», titre i24 News. Signé par le rédacteur en chef et présentateur du magazine Orient sur la chaîne franco-israélienne fondée par les tuteurs du paysage audiovisuel français, un éditorial reprend la rhétorique marocaine qui voudrait que l’Algérie soit «isolée en interne et à l’international» et «multiplie les hostilités envers le Maroc».
Se faisant l’avocat du régime monarchique soumis de Rabat, l’organe central de l’Internationale sioniste écrit : «Il ne se passe plus une semaine sans que l’Algérie ne pointe un doigt accusateur envers son voisin marocain. Après l’avoir privé de gaz juste avant l’hiver, voilà qu’Alger accuse à présent Rabat, sans la moindre preuve, d’avoir tué trois de ses ressortissants.» Mais, au grand dam du Makhzen, le journaliste met des pincettes quand il parle du Sahara non pas marocain, mais en tant que «territoire au cœur des vives tensions entre les deux frères ennemis du Maghreb». Tout en volant au secours de Mohammed VI et André Azoulay, les Israéliens ne franchissent toujours pas la ligne rouge et continuent de tourner le dos à la revendication marocaine soutenue un temps par les Etats-Unis sous l’excentrique Donald Trump, avant que son successeur ne corrige une transgression flagrante de la légalité internationale.
Pragmatiques, les Israéliens l’avouent, et leur aveu s’applique, même s’ils ne le disent pas franchement, à la question sahraouie : «Il y a rarement, en géopolitique, de hasard de calendrier», lit-on dans l’article qui explique que «même si la relation entre Alger et Rabat n’a jamais été un long fleuve tranquille, la crise actuelle coïncide étrangement avec la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël et la reconnaissance par Washington de la marocanité du Sahara». Le mot «marocanité» est soigneusement coincé entre des guillemets lourds de sens. La chaîne israélienne n’ignore pas, et elle le rappelle à juste titre, que cette alliance agace Alger qui «fulmine» et «dénonce l’arrivée de l’entité sioniste à ses frontières».
Il n’y a pas l’ombre d’un doute que Tel-Aviv perçoit toute décision ou réaction de l’Algérie contre le voisin de l’Ouest comme une agression collatérale contre Israël, considérant même que celle-ci «défie les limites du rationnel». Qu’entend-on par «rationnel» chez le couple israélo-marocain ? La chaîne i24 News s’explique en énumérant une série de faits graves qu’elle tente de minimiser : «A l’été 2021, Alger accuse explicitement le Maroc d’être derrière les feux de forêt en Kabylie, une région dont Rabat est accusé dans la foulée de soutenir le séparatisme. Le 13 août 2021, en visite à Rabat, le chef de la diplomatie israélienne, Yaïr Lapid, se dit inquiet du rôle joué par l’Algérie dans la région, du rapprochement d’Alger avec l’Iran et de la campagne menée par Alger contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’Union africaine. Dix jours plus tard, Alger annonce la rupture de ses relations avec le Maroc et enfonce le clou, un mois plus tard, en décrétant la fermeture immédiate de son espace aérien à tous les avions marocains. Le 31 octobre, l’Algérie décide de ne pas reconduire le contrat du gazoduc GME (Gaz Maghreb Europe) qui, depuis un quart de siècle, alimente via le Maroc, l’Espagne et le Portugal en gaz algérien».
Pour l’éditorialiste-avocat, la faute incombe à l’Algérie qui, «en fermant le robinet, c’est aussi le symbole de l’entente maghrébine et la promesse de prospérité pour ses habitants que le régime algérien choisit d’assécher». Cette mesure est «d’une rare violence», commente la chaîne lancée en 2013 par Patrick Drahi et accueillant sur ses plateaux une brochette de lobbyistes pro-marocains portant, pour l’écrasante majorité d’entre eux, la double nationalité française et israélienne ou natifs du Maroc. Le porte-voix du Makhzen voit dans la non-reconduction du contrat du GME par l’Algérie une action qui «vise directement les foyers marocains leur promettant des nuits fraîches en plein hiver», quand bien même le Maroc «dispose de sources énergétiques alternatives». Lesquelles ? On ne nous en dira rien.
Israël considère que l’Algérie «fait diversion» en accusant le Maroc dans l’affaire de l’assassinat de trois camionneurs algériens dans les territoires sahraouis libérés. Le but ? «Se construire un ennemi» parce que, «contrairement aux Emirats arabes unis qui ont fait le pari de la modernisation et des hautes technologies, en courtisant notamment l’expertise israélienne, l’Algérie souffre encore d’un système quasi-soviétique». De là à en déduire que Tel-Aviv invite l’Algérie, «championne du nationalisme arabe» à recourir à ses services pour pouvoir «s’extirper du bloc de l’Est» et rallier les pays arabes qui «progressent» à l’ombre de l’Etat hébreu en érigeant à qui mieux-mieux des tours de plus en plus hautes sans qu’on n’en ait jamais su l’utilité, il n’y a qu’un pas que le journaliste de la télé dirigée par Frank Melloul n’a pas osé franchir. Mais l’intention y est. Ce qui fait dire à des observateurs qu’Israël jetterait le Maroc au rebut à la seconde qui suivrait une invraisemblable annonce de normalisation par l’Algérie dont le média officieux franco-israélien estime que la communauté internationale «doit appeler à la désescalade avant qu’il ne soit trop tard» car «le potentiel d’une déflagration entre les deux premiers importateurs d’armes du continent africain a de quoi inquiéter». Inquiéter qui ?
M. K.
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