Le discours du roi de Maroc : un flop politique et un palmarès de bla-bla…
Une contribution d’Ali Akika – On apprend souvent plus sur un événement en lisant entre les lignes d’un texte ou bien en démasquant ce qui se cache derrière les mots utilisés par leur auteur. Ainsi, dans le discours du roi du Maroc, outre les mots, il y a aussi son regard qui s’attarde sur certaines choses ou bien quand son esprit zappe des événements, source pourtant de la tension politique actuelle dans sa région. Dans son discours du 6 novembre 2021, à l’occasion de la marche dite verte, symbolisant l’invasion du Sahara Occidental, il loua les mérites de son père Hassan II qui «libéra» un territoire sans défense. Aussi la voie était-elle libre après que l’Espagne évacua le Sahara Occidental. Ainsi, ce jour-là, un 6 novembre 1975, la monarchie marocaine «ayant vaincu sans péril, triompha sans gloire» (citation du Cid de Corneille), fête chaque année «une grande victoire» unique dans les annales du pays.
En raison de l’actualité du moment, on s’attendait que le roi délivrât un discours à la hauteur de la situation. Ce fut une suite de blablas où le roi Mohammed VI se congratulait lui-même et son père et remerciait un ami complice dans une opération de recel (1). Une fois la politesse exprimée à son vieil ami vinrent les attentes espérées et les menaces murmurées contre d’autres amis qui rechignent à donner carte blanche à ses délires. Ses muscles qu’il gonflait avec de simples mots n’ont aucun effet sur de vrais géants. L’Espagne et l’Allemagne, deux pays qui, eux, ne sont pas des colosses aux pieds d’argile, avaient déjà révélé que son arrogance dissimulait de vraies faiblesses. Amis lecteurs, voilà un florilège des phrases du roi : «Aujourd’hui, nous sommes tout à fait fondés à attendre de nos partenaires qu’ils formulent des positions autrement plus audacieuses et plus nettes au sujet de l’intégrité territoriale du royaume et à appuyer les efforts déployés pour parvenir à une solution…» Vient ensuite la menace : «En revanche, à ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes, nous déclarons que le Maroc n’engagera avec eux aucune démarche d’ordre économique ou commercial qui exclurait le Sahara marocain.»
Après ce déluge de propos sans consistance, on était impatient d’entendre sa version sur un grave événement qui venait de faire monter la fièvre dans la région. Long et profond silence ! Qui ne dit mot consent, pour reprendre la philosophie d’une maxime. Dans les relations entre Etats, le langage de la diplomatie décortique les silences. Un silence est pour les diplomates une gêne aux entournures du locuteur. Ça signifie qu’il faut à un Etat dans l’embarras plus de temps pour accoucher d’une déclaration pour sauver la face. Dans le cas du Maroc, le roi a laissé ce soin à des fonctionnaires anonymes incapables de fournir une thèse crédible. Les propos de ces fonctionnaires rapportés par des journalistes marocains n’avaient même pas un début d’une once de crédibilité (voir plus loin des extraits de cette «littérature»).
Essayons de comprendre le silence de «sa majesté». Mais avant, rappelons un autre événement qui ressemble dans la forme à l’assassinat des trois chauffeurs algériens. L’événement en question fut la mort d’un commandant du Polisario survenu à la suite d’un tir d’un drone à la frontière du Sahara Occidental avec le Maroc. Les trois Algériens aussi furent victimes de cette technologie qui ne fait prendre aucun risque aux «vaillants» combattants. Ça rappelle étrangement ce qui se passe en Palestine, Syrie, Irak…
Ainsi, le silence est un genre de posture courant chez ceux qui pratiquent le déni. Ce dernier est un acte qui refoule un réel parce qu’il fait mal à son auteur. Plus prosaïquement, le silence est aussi l’enfant gâté de l’arrogance qui aveugle. Et enfin, en paraphrasant Albert Camus, il est des gens qui, en évitant d’affronter le réel ou en nommant mal les choses, ajoutent au malheur du monde. Mal nommer les choses est aussi signe d’un malaise préféré à la honte de reconnaître l’absurdité de sa posture.
Une dernière chose m’intrigua dans le discours du roi. C’est son passage sur la zone de Guergarate. Voulait-il attirer l’attention du secrétaire général de l’ONU, un monsieur qui vient toujours aux secours du roi ? Ainsi, son appel à l’apaisement oublia la mort d’hommes algériens par un agresseur qui prend ses aises avec le droit international. Cet appel du roi au secrétaire général de l’ONU vise-t-il à lui demander de passer outre le crime de trois ressortissants étrangers dans un territoire indépendant ? L’ONU ayant déjà fermé les yeux sur la violation du cessez-le-feu par le Maroc à travers l’occupation de Guergarate (octobre/novembre 2020). Cette demande indirecte à l’ONU est-elle faite pour parer à une éventuelle volée de bois vert de la part du Polisario qui est en droit de répondre à l’assassinat des Algériens sur son territoire ?
Car Guergarate n’est autre que la frontière avec la Mauritanie. Frontière qui ouvre les marchés africains aux gadgets du Maroc. Le Maroc a toujours fait pression sur la Mauritanie (2) pour mettre du sable dans ses relations avec l’Algérie. Ces pressions multiples et diverses ont pour but d’obliger la Mauritanie à ne pas fermer sa frontière au Maroc, seule porte ouverte vers l’Afrique. Un atout géostratégique que j’ai signalé dans un article dans Algeriepatriotique car la fermeture de cette frontière fera du Maroc un pays enclavé entre le Sahara Occidental, la Mauritanie et l’Algérie. Une position inconfortable pour rêver un jour de réaliser le grand Maroc.
Y a-t-il un lien entre Guergarate occupé et l’agression à Bir Lahlou ? Est-ce de la part du roi une pression supplémentaire sur la Mauritanie dont les relations politiques et économiques avec l’Algérie ne lui plaisent guère (3) ? Si ce fantasme habite encore le roi, son délire est pétri dans la même farine que celle de «son Sahara n’est pas à négocier». Et dans la foulée, sans se rendre compte du ridicule, il mendie des réunions autour de tables rondes pour faire avaliser par la Mauritanie sa proposition bidon de l’autonomie. Où puise-t-il cette prétention ? Il ne sait pas que ce genre d’arrogance n’est plus à la «mode» de nos jours. Les peuples ont toujours préféré rester debout que courber l’échine. La phrase de Sekou Touré, premier président de la Guinée, «mieux mourir debout que vivre à genoux» est toujours d’actualité. Une phrase qui fait écho à celle de Spartacus dans l’admirable film de Stanley Kubrick : «La mort est la seule liberté que connaisse l’esclave.»
Pour toutes ces raisons, le discours du monarque, mal ficelé et hors sol, sa prestation télévisuelle se solda par un flop royal. Oui, royalement vide qui sert juste de nourriture à la propagande des médias marocains. J’ai eu à lire deux contradictions dans une même phrase d’un «spécialiste» marocain, dans le journal L’Opinion. Ce journaliste demandait une enquête comme si le crime de Bir Lahlou s’était déroulé dans une capitale bien policée avec une police judiciaire genre FBI. Voici ses propos : «Comment l’Algérie peut-elle faire une enquête et déduire que le Maroc est responsable de cette attaque, alors que ses services de sécurité ne peuvent se déplacer sur place, pour faire les constatations, prélever les traces et indices pour les expertises en laboratoire, ni chercher à recueillir des témoignages qui sont les actes de police judiciaire indispensables pour déterminer les responsabilités dans un acte pareil ?»
Oh ! réveille-toi ! Le meurtre a été commis dans le plus grand désert du monde, avec des armes sophistiquées. Ce «spécialiste»/journaliste sait-il que pour ce genre de crime, on a besoin de vrais spécialistes capables de calculer le lieu du tir à des kilomètres du crime, la nature des munitions et de l’arme à terre ou dans le ciel… On est donc loin du meurtre commis par un addict en manque de haschich. Tu prends tes lecteurs pour des demeurés incapables de faire la différence entre un acte d’un voyou dans une rue sombre d’une ville et un criminel acte de guerre bien pensé et exécuté par une armée ?
Je fais référence à cet exemple de propagande pour dire que les serviteurs du petit roi devraient savoir que la désinformation est un art. Elle est en général l’apanage des meilleurs cerveaux des services secrets dont l’objectif est de faire croire à l’ennemi le contraire de la vérité. Cet art ne fait donc jamais appel aux mensonges grossiers mais introduit dans le discours une ou deux vérités, sans grande importance, mais enrobées de sucreries que les incultes gobent et finissent par tomber ainsi dans le piège tendu par l’ennemi.
Un mot pour finir. Si le roi pense gagner la bataille de la désinformation, avec de pareils serviteurs, il risque de la perdre comme il a perdu la guerre, la vraie, celle de 1976 à 1991 qui l’obligea à signer un cessez-le-feu après avoir abandonné des milliers de prisonniers dans les mains du Polisario.
A. A.
1- Le cadeau de Trump à M6 est une terre qui n’appartient ni à l’un ni à l’autre. Il faut dire que ça n’a rien d’étonnant de la part de dirigeants de pays dont la carte d’identité porte la mention voleur de terre d’autrui.
2- Il ne faut pas oublier que la Mauritanie a été le souffre-douleur des rois marocains. Ces derniers se sont opposés à son indépendance. La Mauritanie fut embarquée par le Maroc dans l’occupation du Sahara Occidental d’où elle se retira après des coups sévères du Polisario et notamment après un raid spectaculaire du Polisario avec, à sa tête, son leader, El-Ouali Mustapha Sayed, qui «rencontra» la mort en combattant ce jour-là.
3- Ainsi, le Maroc s’acharne toujours sur ce pays pour le mêler à ce problème sahraoui et espère ainsi arracher son appui autour des tables rondes mort-nées dans les tranchées onusiennes, surveillées par les «grands» qui prônent le droit quand ça les arrange.
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