«Succès» de la rencontre de Paris sur la Libye : les coulisses disent le contraire
Par Mohamed K. – La conférence de Paris sur la Libye est un flop total. Couronnée par un communiqué qualifié d’ambigu, cette rencontre à laquelle la France tenait précisément parce qu’elle intervient à quelques encablures de la double élection présidentielle et législative du 24 décembre prochain, ses recommandations sont, pourtant, perçues comme un coup d’épée dans l’eau, des sources diplomatiques étrangères doutant même de la tenue de cette échéance à la date échue. Les divergences entre les belligérants libyens sont trop profondes pour qu’un simple texte signé par les participants au rendez-vous parisien soit suffisant à les aplanir.
Contrairement à ce que les médias dominants français indiquent, le contenu du communiqué est moins le prélude à une sortie de crise que l’aveu de la complexité de celle-ci et de craintes réelles que la «fête démocratique» voulue par la France n’exacerbe, au contraire, les tensions et se transforme en un nouveau bain de sang, des attentats et des affrontements armés n’étant pas exclus, d’où la menace contenue dans le texte final. Si l’Algérie, acteur pivot dans le dossier libyen, a refusé d’être représentée par le chef de l’Etat, ce n’est assurément pas à cause de la bisbille actuelle entre Alger et Paris. Le fait est que les positions de deux capitales sur quasiment toutes les questions internationales sont diamétralement opposées et les dirigeants politiques algériens ont évité, ainsi, de tomber dans le piège tendu par un Emmanuel Macron qui compte bien tirer ses marrons du feu à quelques jours de l’annonce de sa volonté de rempiler après un premier mandat catastrophique.
Selon une source diplomatique libyenne, qui s’est exprimée dans les colonnes du quotidien Al-Araby, «en dépit du consensus international qui transparaît au travers de la déclaration finale de la conférence de Paris et de l’optimisme affiché par certains participants, dans les coulisses l’atmosphère fut tout autre». Elle en veut pour preuve l’invitation faite de façon séparée au président du Conseil présidentiel et au Premier ministre, chacun ayant été accompagné par une délégation distincte. Autre élément criant de ces différends persistants, la présence à la conférence de la ministre des Affaires étrangères pourtant «limogée» et «interdite de quitter le territoire libyen» une semaine auparavant par Mohammed El-Menfi. Ce dernier s’est, par ailleurs, fermement opposé à la demande d’Abdulhamid Dabaiba de reporter les élections.
Au sujet du retrait des mercenaires et des forces étrangères de Libye, la source diplomatique libyenne a indiqué au journal panarabe, édité à Londres, que les «puissances actives» ne sont pas convenues d’une date, quand bien même toutes sont d’accord sur la nécessité que celles-ci quittent effectivement le pays. De son côté, un membre du Haut Conseil d’Etat a estimé que la Déclaration de Paris «n’est guère plus qu’une vision occidentale que certaines puissances influentes dans la crise libyenne tentent de concrétiser sur le terrain». Selon lui, «le maintien des élections dans les conditions actuelles ne fera qu’envenimer la situation et la Libye pourrait même vaciller vers le pire». Une autre source libyenne considère, enfin, que le fait que l’Elysée ait retiré le communiqué de sa page officielle avant de le remettre en ligne quatre heures plus tard est un indice révélateur des profondes divergences qui ont marqué cette conférence.
M. K.
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