Qui paye qui ?
Par Abderrahmane Mebtoul – Le système algérien de protection sociale, les modalités des transferts sont tellement complexes que plus personne ne sait qui paye et qui reçoit. Certes, les redistributions sont nécessaires, résultant d’ailleurs intrinsèquement d’une gestion collective des risques et contribuant, grâce à la solidarité collective, à l’efficacité de tout système économique. Mais ce n’est pas parce qu’elles sont nécessaires qu’elles ne doivent pas être maîtrisées. On ne connaît pas le circuit des redistributions, notamment les redistributions entre classes d’âge, les redistributions entre générations et encore moins les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine.
Or, le principe de justice exige que l’on réponde correctement à ces questions. Cela demande d’avoir un système d’information crédible en temps réel et de repenser les mécanismes de transferts et de redistribution afin de les faire reposer sur des critères objectifs, parfaitement transparents au niveau de la branche ou au niveau national, et ce qui relève de l’Etat et des autres collectivités publiques. Du point de vue des cotisations des caisses de retraite, dont le nombre dépasse les 3,3 millions fin 2020, il y a le système dominant, celui de la répartition et celui de la capitalisation. Dans le système par répartition, les cotisations actuelles des salariés servent à financer les pensions des citoyens qui sont à la retraite en ce moment. Dans le système par capitalisation, les salariés épargnent pour financer leur propre retraite le moment venu.
Le déficit financier de la Caisse nationale des retraites (CNR) pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021. La CNR enregistre un taux de cotisation de sécurité sociale estimé à 2,2 travailleurs pour chaque retraité et pour assurer un équilibre, le taux de cotisation devrait atteindre 5 travailleurs pour un retraité où, selon la BAD, calculé en pourcentage de la main-d’œuvre ne cotisant pas à la Sécurité sociale, le taux d’informalité est évalué à 63,3% en Algérie.
Les tensions sociales sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et des transferts sociaux. Le PLF 2022 prévoit 1 942 milliards de dinars, soit 19,7% du budget de l’Etat, contre 24% en 2021 et 8,4% du PIB. Or, les subventions sont généralisées sans ciblage et mal gérées, source de fuite hors des frontières, du fait également des distorsions du taux de change avec les pays voisins, source de gaspillage et d’injustice sociale. En effet, celui qui perçoit 30 000 DA par mois bénéficie des mêmes subventions que celui dont le revenu dépasse 200 000 DA.
L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle silencieuse, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée, qui risque de basculer dans l’extrémisme face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, de partis politiques et d’une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficiente comme intermédiation sociale et politique.
A. M.
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