Et si Alexandre Douguine l’idéologue de Vladimir Poutine avait raison ?
Une contribution de Khaled Boulaziz – «Les expériences humaines ont démontré que les liens spirituels n’ont pas pu résister aux coups de boutoir de la pauvreté et de l’ignorance pour la simple raison que les Hommes ne veulent pas aller au paradis le ventre creux.» (Houari Boumediene). Alexandre Douguine est reconnu à juste titre comme le théoricien de la Russie nouvelle dirigée par Vladimir Poutine, son actuel président. Sa quatrième théorie politique est une tentative tout à fait remarquable. Alexandre Douguine y construit un système de pensée dont l’objectif est de lever la confusion dans laquelle se trouve la théorie politique moderne, de lui insuffler un nouveau élan et de jeter les bases d’une nouvelle philosophie politique qui sera décisive afin de contester le paradigme libéral dominant.
Le libéralisme, l’idéologie la plus ancienne et la plus stable, est considéré dans les temps modernes comme la première théorie politique. Il fut le principal modèle du colonialisme occidental. Le marxisme, une critique radicale du libéralisme à travers une déconstruction du capitalisme, est la deuxième théorie. Théorie qui a trouvé échos et fervents militants dans plusieurs pays.
Il faut remarquer ici que le marxisme est en convergence avec le libéralisme. Le marxisme est préoccupé principalement avec les inégalités engendrées par le capitalisme. Sinon, il partage avec le libéralisme une philosophie de libération, une vision matérialiste du monde et une morale égalitaire.
Enfin, le fascisme ou le national-socialisme, qui est une critique à la fois du libéralisme et du marxisme, est considéré comme la troisième théorie. Il faut noter que le fascisme/national-socialisme fut défait par le marxisme en 1945 à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le marxisme fut défait à son tour par le libéralisme en 1989 à la chute du Mur de Berlin, laissant ainsi la première théorie politique triomphante et libre de dominer le monde entier.
La victoire du libéralisme fut totale. En Occident, en effet, il a cessé d’être d’essence politique ou idéologique. Il est devenu une pratique acquise, presque dogmatique.
Les Occidentaux pensent en termes libéraux par défaut que leurs pensées soient rationnelles ou non. Ils considèrent toute critique du libéralisme comme une dissidence idéologique, sans se rendre compte que leurs propres hypothèses ont des origines idéologiques. Le triomphe définitif du libéralisme a également signifié qu’il est maintenant si bien identifié à la modernité qu’il est difficile d’en séparer les deux.
L’enjeu historique du libéralisme est l’individu. L’idée derrière le libéralisme est la quête sans relâche de «libérer» l’individu de tout ce qui est extérieur à lui (la foi, la tradition, l’autorité). Sur cela jaillit le reste : avec l’éclipse de la transcendance, le monde devient rationnel, certes, et mais, surtout, éminemment matérialiste.
En réduisant la quête du bonheur de l’individu à une quête matérialiste, le libéralisme occidental a créé une «civilisation» qui est en totale contradiction avec toute tradition. Il a introduit une nouvelle religion dont les préceptes sont la productivité, la quête du profit, la grande production industrielle et les réalisations technologiques.
Il a généré une grandeur sans âme d’une nature purement technologique et collective, dépourvue de toute transcendance, de lumière intérieure et de spiritualité.
Le libéralisme a construit une société où l’homme est devenu un simple instrument de production et de productivité matérielle au sein d’un conglomérat social et conformiste.
La quatrième théorie politique se veut une alternative sérieuse à ce libéralisme qui domine le monde aujourd’hui. Mais elle se veut surtout un rempart à son uni-polarité en contestant l’hégémonie globaliste qui guide son élite dirigeante. Les préceptes de la quatrième théorie politique sont : la justice sociale, la souveraineté nationale et les valeurs traditionnelles.
Le point central de la quatrième théorie est l’homme et non l’individu. Pour cela, il faut préserver le côté transcendant de l’être humain. Le corollaire de cela est de faire échec aux guerres et les haines interconfessionnelles que l’élite globaliste attise afin d’imposer sa propre pseudo-religion.
La quatrième théorie prône que la lutte pour la justice sociale doit se faire en même temps aussi contre la perte spirituelle afin de se défaire de l’angoisse ontologique primaire : la finalité de l’effort humain. Elle atteste aussi que la liberté de l’être humain n’est pas dans la quête d’un bien matériel mais dans l’acceptation d’un devoir. Et que l’accomplissement de ce devoir lui balise le chemin du bonheur.
Le monde de demain dans la quatrième théorie politique devrait être noétique en quelque sorte et la multiplicité et la diversité observées dans l’humanité doivent être considérées comme une richesse et non pas comme les raisons justifiantes de conflits inévitables.
Dans cette optique, le salut du monde musulman se réalisera avec l’ensemble de l’humanité ou il ne se réalisera pas.
K. B.
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