Rapatriés d’Algérie : Macron veut restaurer la vérité à coup de mensonges
Par Nabil D. – Dans un long discours traversé de passages romancés et d’autres empruntés à Albert Camus et fortement teintés de nostalgie, le président français a rendu hommage aux «rapatriés d’Algérie» qui, a-t-il dit, ont à la fois souffert du départ forcé en 1962 et de l’accueil froid qui les attendait en France à laquelle, pourtant, ils ont apporté leur part dans l’essor qu’elle connaîtra durant les Trente Glorieuses. Par ignorance ou par souci de s’aligner sur les thèses d’une catégorie de pieds-noirs jamais rétablis de cet épisode douloureux de cette histoire commune algéro-française, Emmanuel Macron a évoqué le «massacre d’Oran» et les représailles dont auraient été victimes des dizaines de milliers de harkis.
Qu’en est-il vraiment ? Le général Khaled Nezzar répond à cette question dans le tome I de son recueil de mémoires. «Nulle part en Algérie, l’ALN n’a perdu son honneur en s’adonnant aux vengeances contre ceux qui ont pris les armes contre leur pays. Les exécutions sommaires des criminels qui ont torturé et massacré sous les ordres des officiers SAS ont existé. Elles ont été perpétrées par des villageois, hors le contrôle de l’ALN», écrit l’ancien ministre de la Défense nationale. «Ces exécutions sommaires, ajoute l’ancien responsable à la Base de l’Est durant la Guerre de libération nationale, n’ont été ni aussi généralisées ni aussi nombreuses comme l’affirment à tort ceux qui, en France, voulaient – et veulent toujours – faire de l’armée algérienne un ramassis de tueurs.»
A propos du prétendu mauvais sort fait aux harkis et dénoncé par les nostalgiques de l’Algérie française, l’auteur se réfère à Benjamin Stora, professeur d’histoire du Maghreb, qui montre avec quelle «humanité», ironise-t-il, la France officielle a traité ses supplétifs. L’historien écrit : «Le mot abandon a été utilisé par les partisans de l’Algérie française contre la politique algérienne du général De Gaulle. Mais c’est surtout à propos des harkis, les forces supplétives musulmanes de l’armée française, que le mot restera à propos de la Guerre d’Algérie. Avant le 19 mars 1962, des officiers des SAS, les sections administratives chargées de l’encadrement des populations villageoises, s’étaient préoccupés de transférer en métropole ceux qui étaient menacés.» Stora rappelle que le ministre d’Etat, Louis Joxe, avait alors décrété que «toutes les initiatives individuelles tendant à l’installation en métropole des Français musulmans sont strictement interdites». Une autre directive du même ministre d’Etat, datant du 15 juillet, énonça que «les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général seront renvoyés en Algérie».
A la fin de la guerre, les supplétifs atteignaient le nombre de 70 000 – 45 000 harkis, 15 000 goumiers et 10 000 membres des groupes mobiles de sécurité –, 60 000 appelés et engagés répartis dans toutes les armes, régiments de tirailleurs, spahis et dans des formations moins opérationnelles comme le train des équipages, rarement dans les filières techniques ou dans les transmissions.
Quant aux massacres d’Oran, les Oranais se souviennent que durant les années 1961 et 1962, à l’approche du recouvrement de l’indépendance, les «ultras» de l’Algérie française, affiliés à l’OAS, ont fait régner la terreur, en perpétrant maints attentats et en faisant plusieurs victimes. Ils se souviennent surtout que le général français Edmond Jouhaud, qui possédait une ferme agricole à Bou Sfer, sur la corniche oranaise, avait transformé le domaine en lieu de détention et d’assassinat de musulmans. Le sinistre général était l’un des fondateurs de l’OAS et le chef de la section de l’Ouest algérien.
N. D.
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