Pieds-noirs : Daum estime que Macron brouille la compréhension historique
Par Houneida Acil – L’historien Pierre Daum a décrypté, au micro de France 24, le discours du président français, Emmanuel Macron, qui a appelé à un apaisement des mémoires blessées. Pour l’historien, «la guerre d’Algérie et, plus généralement, les 130 années de colonisation de l’Algérie ont provoqué d’immenses souffrances». Cependant, Daum avoue avoir été surpris en écoutant le récit historique du président français. «Il s’est contenté de nous rappeler l’histoire des Français d’Algérie avec un copier-coller sur les discours les plus éculés d’une certaine mémoire pied noire qui, depuis 60 ans, accumule les contre-vérités historiques alors que les travaux d’historiens ont énormément avancé là-dessus», explique-t-il.
Pierre Daum a indiqué avoir écouté avec stupéfaction certaines contre-vérités historiques. «J’en ai noté au moins trois», a-t-il affirmé. Pour lui, l’idée d’un idéal méditerranéen et d’une vie harmonieuse entre toutes les communautés qui peuplaient l’Algérie est complètement fausse. «Les historiens savent très bien qu’il n’y avait pas du tout une formidable harmonie entre les Français et les Algériens. Mais bien au contraire. Il s’agissait de rapports entre Français et Algériens, structurés par l’oppression coloniale et par des lois inégalitaires.» «C’est un mythe qui a été déconstruit», a-t-il assuré. Pourquoi avoir évoqué ce mythe ? le questionne la journaliste de France 24.
«Macron est dans une dynamique où, tous les trois mois, il donne un petit bonbon de récompense ou d’attrait électoral ; une fois c’est aux harkis et leurs enfants, une fois c’est aux pieds-noirs et à leurs descendants, une fois aux victimes algériennes d’Octobre 61», a répondu Pierre Daum en précisant que si «jamais il est possible d’apaiser ces mémoires blessées, ce n’est certainement pas en jouant au professeur qui distribue les bonbons à gauche et à droite et qui, encore une fois, perd complètement le sens profond de l’histoire».
Il y avait 130 années de système colonial inique, a ajouté l’historien, qui a provoqué ces souffrances. «Il faut revenir à l’origine de ces souffrances qui est la colonisation, les crimes de la colonisation, l’aspect structurellement criminel de la colonisation», en notant qu’il ne s’agit pas de repentance mais de dire l’histoire. Chose que Macron ne fait pas.
Daum est affirmatif : «Le discours de Macron brouille la compréhension historique et aboutit à une autre contre-vérité en parlant d’un exode contraint et subi. C’est en grande partie faux.» D’après l’académicien, il a été démontré qu’il n’y avait pas un million de pieds-noirs mais 800 000 qui ont quitté l’Algérie. 200 000 pieds-noirs sont restés en Algérie sans se faire tuer. Pour lui, le mot d’ordre «la valise ou le cercueil» ne tient pas debout.
Pour l’historien qui connaît l’Algérie, les Algériens «ont reconnu depuis très longtemps les souffrances des pieds-noirs. La société algérienne a énormément de bienveillance envers cette souffrance. A l’inverse, ce qui manque lorsqu’on parle avec un grand nombre de rapatriés d’Algérie, ils vous parlent de leurs souffrances mais ont énormément de mal à évoquer et à souligner la souffrance du peuple algérien», a fait savoir l’historien qui a tenu à souligner que «la souffrance du peuple algérien est incommensurablement plus grande que celle du peuple français».
H. A.
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