Quand le chef de la diplomatie malienne inflige une leçon de morale à Le Drian
Par Nabil D. – La veille de l’expulsion de l’ambassadeur français à Bamako, les chaînes officielles françaises, RFI et France 24, avaient cru pouvoir tendre une embuscade au redoutable chef de la diplomatie malienne, en reprenant à leur compte la terminologie adoptée par le Quai d’Orsay, répétant de façon pavlovienne, notamment, les formules chères à Jean-Yves Le Drian, à savoir «junte illégitime» et «décision irresponsable» pour fustiger le nouveau pouvoir qui a décidé de s’affranchir de la tutelle de l’ancienne puissance coloniale.
«C’est surprenant de la part d’un diplomate de la trempe de M. Le Drian qui parle au nom d’un grand pays, la France. Ce sont des propos emprunts de mépris, ce sont des propos que je condamne, qui sont inacceptables», a affirmé Abdoulaye Diop, selon lequel «les insultes ne sont pas une preuve de grandeur». «Toute présence étrangère au Mali doit répondre aux règles maliennes et doit aller dans le sens des intérêts supérieurs du Mali, surtout s’agissant de la présence de forces étrangères», a poursuivi le chef de la diplomatie malienne, qui a appelé son homologue français à moins d’arrogance et de paternalisme. «Je crois que nous devons tous nous respecter. Il est bon que M. Le Drian comprenne que ce ne sont pas les insultes qui règlent les problèmes entre nations, que ce que nous attendons de la France, c’est qu’elle puisse avoir une attitude constructive, moins agressive, moins hostile et moins empreinte de mépris vis-à-vis des autorités maliennes qui incarnent aujourd’hui la souveraineté de notre pays», a-t-il insisté.
Abdoulaye Diop a fait savoir que le Mali «n’exclut rien de la table si la souveraineté et le peuple maliens ne sont pas respectés». «Nous ne demandons pas des excuses à Paris, nous demandons que Paris nous respecte en tant que pays», a-t-il précisé, en estimant que «l’attitude des autorités françaises doit changer et prendre en compte cet élément qu’il y a des autorités responsables au niveau du Mali et que seul un engagement avec ces autorités permet de gérer leur présence au Mali». «Nous sommes en train de revoir plusieurs accords et traités de défense pour nous assurer que ces traités ne violent pas nos dispositions constitutionnelles, ne violent pas notre souveraineté et prennent en compte l’intérêt des Maliens. Si ce n’est pas le cas, le Mali n’hésitera pas soit à dénoncer soit à demander un réajustement de ces différents traités», a-t-il poursuivi.
«Rien ne saura être au-dessus de l’intérêt supérieur des Maliens», a assuré le ministre malien des Affaires étrangères sur un ton ferme, en expliquant à Jean-Yves Le Drian qu’il «doit comprendre que l’engagement avec le Mali ne doit pas se faire à travers les médias et qu’il y a des canaux pour pouvoir discuter de ces questions». «Les menaces, les invectives, les insultes doivent cesser pour laisser place à un engagement réaliste entre responsables pour pouvoir voir ensemble comment faire face aux défis sécuritaires» a-t-il cinglé, en indiquant que la dernière fois que les deux hommes se sont rencontrés à New York, ils ont eu un échange «franc et direct». «Je m’entretiens toujours régulièrement avec d’autres autorités françaises. Malheureusement, M. Le Drian, on l’entend plus sur les médias parlant du Mali. Il devrait faire preuve d’un engagement constructif au lieu de soulever le monde, comme il l’a fait aujourd’hui, contre le Mali», a déploré Abdoulaye Diop.
«Cette attitude agressive à l’endroit du Mali n’a rien à voir avec les raisons mises en avant, le respect de la démocratie, le respect des droits de l’Homme, les coups d’Etat, etc. Non ! Le Mali est puni parce que les choix politiques des autorités maliennes ne conviennent pas à certains», a-t-il asséné, en rappelant que la France «applaudit des coups d’Etat quand ça va dans le sens de ses intérêts et elle les condamne quand ça va dans le sens contraire». «Cette politique des deux poids et deux mesures doit cesser aussi !» a conclu le chef de la diplomatie malienne, très à l’aise devant ses interrogateurs.
N. D.
Comment (23)