L’axe Otan-Ukraine : la fin de l’histoire ou la fin du gendarme du monde ?
Une contribution d’Ali Akika – Pour comprendre les raisons de l’impuissance de l’Europe-Etats-Unis face aux événements de l’Ukraine, il suffit d’énoncer les discours et les propos qui rythment la vie politique des pays de l’OTAN qui encerclent la Russie. Notons que ces propos reposent, hélas, pour leurs auteurs, sur deux piliers idéologiques Le premier est le concept de la fin de l’histoire dont le noyau tourne le dos à la philosophie de l’histoire pour lui préférer la sociologie américaine du hamburger (1). Le second pilier est le gendarme du monde que l’OTAN veut perpétuer en le renforçant pour maintenir son hégémonie. Le hic, c’est que la fin de l’histoire est une lubie de gens fatigués et que le monde entre dans une nouvelle ère, somme toute banale, celle de la mort des empires comme celui de Rome qui est mort, étouffé par ses contradictions. Ces deux notions, fin de l’histoire et gendarme du monde, ont fait oublier, pour ne pas dire «médiocratiser» les concepts enfantés par l’essence de la politique. Prenons par exemple le rapport de force, socle de la politique, qui s’applique aussi bien à l’intérieur d’une même société que sur la scène internationale.
Qu’entendons-nous dans la pléthore des discours actuellement ? Que Poutine ne connaît que le rapport de force et qui plus avec brutalité, sans oublier de le qualifier de paranoïaque, bref un fou. Les Bisounours qui ont des trous d’air dans la tête et un cœur d’acier oublient simplement que leurs ancêtres biberonnés aux délices de la même idéologie, de Napoléon à Hitler, ont appliqué le rapport de force avec plus de brutalité avec la Russie précisément. Et comme par hasard, ces «illustres» personnages ont connu pratiquement le même sort, le premier est mort en prisonnier de l’Angleterre à des milliers de kilomètres de son pays. Le second s’est suicidé dans son bureau d’où il a mis le monde à feu et à sang. Voyons un autre délire ! Une fois les sanctions annoncées par les Etats-Unis et l’Europe, les mêmes «spécialistes» pérorent et exigent un vrai rapport de force ! Comment ? Envoyer des troupes bien sûr ! Heu… Heu… Suit un silence gêné. La réalité reprend ses droits quand ces beaux hâbleurs s’aperçoivent que même les sanctions se retournent contre eux.
Les Russes ne mourront pas de faim car ils sont les premiers producteurs de blé à en revendre – à l’Algérie par exemple –, mais que l’Europe aura froid aux f… si la Russie vend son gaz à la Chine qui vient de passer commande de 10 milliards de dollars – les deux présidents ont anticipé les coups en bons joueurs d’échec. La faiblesse de leur argumentation est si risible face à de grands spécialistes invités – «objectivité» oblige – qu’ils sortirent de leurs besaces l’argument de Poutine ne respectant pas le droit international. Argument recevable si ce droit était appliqué sans obéir à la logique des deux poids deux mesures. C’est mourir de rire, comme disent les jeunes, quand on entend ces donneurs de leçons citoyens de pays qui bombardent et occupent l’Irak, la Syrie, la Palestine, etc.
En définitive, la crise en Ukraine fait découvrir à un monde cadenassé par ses certitudes, les enjeux au Moyen-Orient et en Afrique de l’Ouest (Mali, Niger, Burkina, Mali, Libye, Sahara Occidental). C’est ainsi que les défenseurs d l’Ukraine révèlent un «secret» selon lequel la Russie veut faire détacher l’Europe des Etats-Unis. Le monde à l’envers. Autre énormité des Bisounours, il faut éviter l’alliance monstrueuse de la Chine et de la Russie, rien que ça. L’obsession d’éviter une alliance Chine-Russie qui habite les Etats-Unis ne date pas d’aujourd’hui comme je l’ai écrit dans Algeriepatriotique le 3 janvier 2022.
Nos brillants «spécialistes» n’ont pas compris que les Etats-Unis ont toujours été contre la construction de l’Europe (voir la politique de De Gaulle). Ils ont toujours voulu la neutraliser par l’intermédiaire de l’Angleterre pour être la vassaliser et l’utiliser contre la Russie. C’est exactement ce qu’ils cherchent à faire actuellement, ce qui explique leur refus de n’engager aucune force militaire et encore moins faire la guerre. Ainsi, les Etats-Unis utilisent l’Europe pour encercler la Russie avec des missiles pointés par les armées de l’OTAN mais sans l’armée américaine qui a d’autres chats à fouetter dans le Pacifique. L’Europe vassalisée et la Russie menacée permettront à l’Amérique de consacrer toutes ses forces contre la Chine.
Quel monde va-t-il sortir de cette crise avec l’Ukraine ? On a des repères nombreux dans l’histoire pour esquisser les contours des résultats après une guerre. Le ou les vainqueurs dictent leurs lois. Leur intelligence de l’histoire les incite à ne pas trop humilier le perdant et l’aider à reconstruire pour en faire un allié. L’exemple de l’Allemagne et du Japon en sont des exemples d’alliés sûrs. Cependant, comme l’histoire ne laisse pas condamner à perpétuité, le vaincu peut se refaire une santé et ne plus supporter la pesanteur de l’allié-maître, comme l’Allemagne actuelle qui tente de résister aux pressions américaines sur le gazoduc Nord Stream 2.
Au vu de la gestion de la crise actuelle, incontestablement la Russie est sortie gagnante de cette première partie. Elle a gagné avec panache sans tirer un coup de fusil sur le protagoniste cette crise (les Etats-Unis). Gagner sans se battre, c’est l’art de la guerre dans toute sa splendeur. Le 2e gagnant avec médaille d’argent, ce sont les Etats-Unis qui ont introduit la peur en Europe et mobilisé les armées de l’OTAN (qui était en mort cérébral, selon Macron) qui s’équiperaient avec des armes fabriquées selon les codes américains, tout ça au profit des industries de l’Oncle Sam.
Les dindons de la farce, ce sont les pays européens, outre leur dépendance à l’égard des Etats-Unis, vont être obligés d’appliquer des sanctions contre la Russie. Ils ont payé assez cher l’application de l’embargo, notamment la France, après la récupération de la Crimée par la Russie en 2014. Il ne faut pas oublier les effets de cette crise sur les autres pays du monde. D’ores et déjà, on voit le casse-tête d’Israël pris entre la Russie et l’Ukraine, outre les relations politiques bilatérales, il y a la présence des communautés juives assez importantes en Russie et en Ukraine. En Afrique aussi, les facteurs de confrontation sont nombreux et la redistribution des cartes politiques peuvent réserver quelques surprises, au Mali par exemple…
Je terminerai cet article sur l’utilisation abusive de la psychologie et de la mentalité supposée de Poutine. La crise avec l’Ukraine a, à l’évidence, des racines dans les profondeurs de l’histoire et la culture de ce pays. Elle est réduite par les habituels commentateurs à un désir supposé de vengeance des Russes contre leur humiliation après la chute de l’URSS. A la peur de Poutine de voir à ses portes s’épanouir la démocratie, etc. Quand on leur fait remarquer que Poutine est un enfant de cette grande Russie, de cette âme slave symbolisée par le grand poète Pouchkine et le grand écrivain Alexandre Soljenitsyne qu’ils avaient adoré et défendu, ils restent sans voix. Quant à Poutine qu’ils ne comprennent pas, ce n’est pas uniquement pour ses qualités de joueur d’échecs. C’est autre chose. Poutine n’est pas assis sur un piédestal, imbu de sa personne, ni prisonnier d’une logique cartésienne qui serait le summum de la culture.
Poutine est simplement quelqu’un qui entretient un rapport au temps, à l’histoire différente des Bisounours. Ce qui lui fait éviter de confondre la psychologie qui guérit l’âme et les rapports de force qui régissent l’histoire des hommes depuis la nuit des temps. Ainsi, l’utilisation, de la psychologie, d’un supposé humanisme et autres bobards, est le fruit d’une éducation qui a formaté la classe politique et médiatique. Ce formatage leur a fait oublier que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Chose que Poutine applique en bon connaisseur de l’histoire de son pays qu’il a exposée durant plus d’une heure en direct à la télé le 22 février. Un discours qui tétanisa l’Occident et changea l’équation Ukraine, un coup de maître d’un connaisseur de l’art de la guerre.
A. A.
1- Concept créé par un sociologue américain qui annonça la fin de l’histoire pour la simpliste raison que la démocratie libérale a d’ores et déjà gagné grâce à au triomphe du capitalisme à jamais indépassable. Hélas, pour lui, la Chine prouve le contraire.
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