Jean Castex bientôt à Alger sur fond de profondes divergences chroniques
Par Abdelkader S. – Nous avons appris de sources concordantes que le Premier ministre français se rendra à Alger avant la fin du mois courant. La visite de Jean Castex intervient dans un contexte international extrêmement tendu en Europe de l’Est. La France est partie prenante du conflit russo-ukrainien, tandis que l’Algérie, qui s’est abstenue lors du vote à l’ONU d’une résolution imposant des sanctions contre Moscou, se tient à équidistance des belligérants, tous deux pays amis. La visite du pensionnaire de Matignon coïncide également avec la campagne électorale qui bat son plein pour la présidentielle qui doit se tenir dans quelques semaines.
Jean Castex devait se rendre en Algérie en avril, en compagnie d’une dizaine de membres de son gouvernement. Le Journal Du Dimanche s’était interrogé, à l’époque, si «la France et l’Algérie peuvent avoir un agenda positif». La question demeure d’une brûlante actualité, tant les relations entre les deux pays ont traversé une zone de turbulences si grave que les autorités algériennes avaient dû rappeler l’ambassadeur d’Algérie à Paris et interdire l’espace aérien algérien aux avions de transport militaire français. Notant que la conjoncture n’était déjà pas facile, le quotidien français relevait que «depuis l’éviction de Bouteflika et la reprise des manifestations du Hirak pour le second anniversaire du mouvement, la France est accusée d’indifférence par l’opposition algérienne et d’instrumentalisation des protestations par les autorités».
Alors que les deux parties planchaient sur les dossiers économiques et industriels et les accords de partenariat dans tous les secteurs publics qui allaient être abordés lors de la réunion de la Commission intergouvernementale de haut niveau franco-algérienne, le parti d’Emmanuel Macron affirmait, par la voix d’une de ses députées, que «La République En Marche se réjouit tout particulièrement de la création d’un comité à Dakhla», précisant que «ce comité se situe dans les provinces du Sud marocain». Poussant le bouchon plus loin, l’élue française promettait de faire le déplacement à Dakhla «pour inaugurer formellement ce nouveau comité dès que les conditions sanitaires le permettront».
Ce faux pas avait irrité Alger qui avait annoncé le report – le troisième – de la visite du Premier ministre français, officiellement en raison de l’absence du président Tebboune. C’est que les députés de LREM engageaient, par leur geste, l’Elysée, Matignon et le Quai d’Orsay dont il était attendu des explications sur cette violation des lois internationales. Des sources proches du dossier avaient expliqué que cet acte, qui devait préluder l’ouverture d’un consulat français dans la ville sahraouie occupée de Dakhla, était un «point de rupture vers lequel Macron veut aller», ce qui allait pousser l’Algérie à annuler la réunion de la Commission intergouvernementale.
Dans une interview à Canal Algérie, l’ambassadeur d’Algérie à Paris avait dénoncé, quelques jours auparavant, des lobbies qui «travaillent contre une entente cordiale entre l’Algérie et la France». «C’est une action qui consiste à contrecarrer tout effort de développement entre les deux pays», avait-il fait remarquer, en rappelant les principes immuables de l’Algérie en politique étrangère : le droit à l’autodétermination des peuples, la non-interférence dans les affaires intérieures des autres Etats et le respect des frontières héritées au moment de l’indépendance. «De par ses principes, l’Algérie dérange énormément», avait-il souligné.
Les déplacements de hauts responsables français en Algérie sont rarement «séparés» des échéances électorales en France. La présidentielle de 2022 approche à grands pas et le président Emmanuel Macron est dans une posture délicate, quand bien même les sondages le donnent favori. L’humiliation qu’il a subie de la part du président russe et son lamentable échec dans sa tentative de médiation entre les présidents des deux plus grandes puissances mondiales, Vladimir Poutine et Joe Biden, s’est ajoutée aux sérieuses difficultés sociales qui marquent une France en déclin.
A Alger, il sera surtout question de dossiers économiques et administratifs liés à la mobilité des personnes, notamment dans le sens Sud-Nord, mais il est fort à parier que Jean Castex évoquera avec ses homologues algériens la crise russo-ukrainienne au sujet de laquelle Alger et Paris divergent diamétralement comme sur l’ensemble des questions internationales, que ce soit en Syrie, en Libye ou au Sahel.
La mission du responsable politique français se présente sous de fâcheux auspices, au regard de l’attitude belliqueuse et expansionniste d’une France dont la politique étrangère est modelée par le lobby sioniste, personnifié par l’inénarrable Bernard-Henri Lévy et amplifiée par des médias dont il s’avère que ce sont des outils de propagande à la solde du pouvoir politique et l’Etat profond.
A. S.
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